L’étau se resserre autour des influenceurs
Possible durcissement de la loi, plainte pour escroquerie, ébauche d'un cadre professionnel : la pression monte en France pour réguler le secteur des influenceurs, hommes et femmes sandwiches stars des réseaux sociaux au cœur de nombreuses polémiques.
L'enjeu est la "régulation d'une jungle" et la fin d'un "vide juridique", ont assuré mercredi les députés Arthur Delaporte (PS) et Stéphane Vojetta (app. Renaissance), en présentant leur proposition de loi commune. Elle prévoit entre autres de créer un statut juridique des influenceurs et de leur interdire de promouvoir certains produits (médicaments, investissements financiers, etc.). Le texte sera examiné par l'Assemblée d'ici la fin mars. Lundi, c'est un collectif nommé AVI (Aide aux victimes d'influenceurs) qui a annoncé le lancement d'une action en justice par des dizaines de personnes, notamment pour "escroquerie" et "abus de confiance". Elles estiment avoir été arnaquées en investissant dans des produits financiers vantés par de célèbres influenceurs, dont le couple Marc et Nadé Blata.
Ces annonces suivent de quelques mois le début l'an passé d'un conflit très médiatisé, qui a plongé le secteur dans la tourmente : il oppose le rappeur Booba et Magali Berdah, patronne de la grosse agence d'influenceurs Shauna Events. Le premier reproche à la seconde de promouvoir des arnaques (marchandise non reçue, produits non conformes...) ; en retour, elle l'accuse de cyberharcèlement. La justice a ouvert deux enquêtes. Dans la foulée, le gouvernement a initié en décembre une série de réunions et lancé une consultation publique, dans le but de mieux encadrer les pratiques. Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire rendra compte d'éventuelles décisions d'ici mars.
Lundi, la répression des fraudes (DGCCRF) a publié une enquête accablante sur les pratiques commerciales du secteur. Parmi plus d'une soixantaine d'agences et influenceurs ciblés depuis 2021, 60% n'ont pas respecté la réglementation sur la publicité et les droits des consommateurs. Au menu, tromperie sur les produits vendus, promotion de paris sportifs risqués, voire d'injections "par des esthéticiens et des non professionnels de santé", selon la DGCCRF. Face à ces polémiques, des agences spécialisées dans la relation entre les marques et les influenceurs ont annoncé le 18 janvier la création d'une première fédération professionnelle, l'Umicc (Union des métiers de l'influence et des créateurs de contenu). Elle entend imposer des règles à ses membres, dont l'obligation d'avoir une résidence fiscale en France pour les agences et dans l'Union européenne pour les créateurs de contenu. Cela exclurait de fait les célébrités exerçant leur activité depuis Dubaï, lieu de résidence à la fiscalité avantageuse prisé des influenceurs. Pour l'économiste des médias Olivier Bomsel, l'urgence est de "donner un statut d'éditeur" aux influenceurs, pour lever l'ambiguïté sur leurs rapports avec le public. "Il faut les prendre comme des panneaux d'affichage", déclare-t-il à l'AFP. "C'est important de montrer qu'ils ont un statut commercial et pas un statut d'ami gratuit. Ce sont des amis payants et payés."