L'index de bénévolence décrypté par Thibaut Ferrali
Comment les marques peuvent-elles améliorer leur RSE et être mieux perçues par les consommateurs ? C’est la question que se pose, autour de sa 3ème édition, l’agence Change, avec son étude « Benevolence Index ». Un document qui repose sur deux questions : l’utilité de la marque et la responsabilité des entreprises. Thibaut Ferrali, vice-président en charge des stratégies, du digital et de l’innovation chez Change (depuis 2017) décrypte cette nouvelle mouture.
Qu’il y a t’-il de nouveau dans cette 3ème édition ?
Thibaut Ferrali : la méthodologie a changé. Durant les deux dernières années, nous analysions les critères d’empathie et l’utilité des marques. Mais nous nous sommes rendus compte que celui de la responsabilité des entreprises était plus important. Ce pourquoi, nous avons reconstruit l’indice autour des critères d’utilité et de responsabilité, sur lesquels se base la « bénévolence ». La responsabilité ne concerne pas uniquement l’environnement. Elle s’étend à des questions internes, externes et au RGPD et couvre l’ensemble de la RSE. Cela a d’ailleurs plusieurs conséquences : faire baisser la note globale, car il y a davantage d’exigence et revaloriser les grandes entreprises par rapport aux plus petites marques. Je prends l’exemple de la banque Fortuneo, qui face aux banques historiques qui remontent dans le classement à cause de leur légitimité, de leur historique et de leur leadership, se retrouve avec une note plus faible. Enfin, il y a de nouvelles attentes qui se confirment. Les gens attendent des entreprises qu’elles fassent bouger les choses. En ce qui concerne le deuxième enseignement, 5 000 personnes ont été interrogées autour de cet index cette année et plus précisément autour d’une « segmentation client » (Paris, province, mixité, etc).
Voit-on d'avantage de marques « bonNEs élèves » parmi lesdites « bénévolentes » et « favorables » ?
Thibaut Ferrali : pour définir les marques dites « favorables », ce sont celles qui ont de « bons» engagements, mais qui n’ont pas assez communiqué avec leurs nouveaux clients, ou qui ont peur du « greenwashing » ou d’en faire trop, par exemple. C’est le cas de Toyota, qui communique beaucoup sur l’hybride et détient un bon score de bénévolence avec ses clients mais pas assez avec ses non-clients. C’est là qu’arrive le troisième enseignement. Avec nos deux critères initiaux - utilité et empathie - , nous avons atteint un score de corrélation entre la bénévolence et la préférence de marque. Et c’est cela qui impacte l’image de marque et les achats. L’objectif étant pour les annonceurs, de faire partie des marques qui comptent, pour être choisies par les consommateurs. Etre « favorable » c’est déjà très bien : cela indique qu’il y aura une forte marge de progression pour devenir bénévolente, justement.
Ci-joint le top 10 des marques bénévolentes auprès des clients ou non, mais connaissant la marque
Ci-joint le top 10 des marques bénévolentes auprès des clients uniquement
quelles sont les marques qui ont particulièrement œuvré pour améliorer leurs scores ? Celles qui sont passées d’« hésitantes » a « favorables » et celles qui étaient « réfractaires » qui ont également grimpé les échelons ?
Thibaut Ferrali : Fleury Michon, (qui a lancé une publicité sur le jambon sans nitrite pour axer sa com' sur la transparence) se classe dans les favorables car il s’agit d’une marque en mutation. D’ici trois ans, elle aura une bien meilleure position encore. C'est une stratégie à long terme qui s'installe. Du côté de Maif, cette dernière a gagné en relation client et en responsabilité. L'entreprise se pose toutes les questions au cœur de son métier et se positionne comme une « entreprise à mission». Yves Rocher est également bien positionnée. Dans les marques « hésitantes » en revanche, on retrouve Franprix. Si elle fait des efforts sur le vrac et sur ses concepts de magasins, sa note reste basse. La raison est simple : elle souffre d’un déficit de savoir-faire. Dove souffre aussi de tropisme. La marque se classe parmi les « favorables » mais démontre certaines faiblesses dans son discours, en matière de responsabilité et de transparence produits (ingrédients). Dove a choisi un chemin honorable, cependant les publics attendent d’elle un engagement dans son cœur de métier.
Coca-Cola et M&M'S font un « flop » ? UNE SURPRISE ?
Thibaut Ferrali : elles sont considérées comme « réfractaires » car elles n’ont pas considéré la préférence de marque dans leurs priorités. Pour autant, elles ne sont pas « mauvaises ». Cela dépend aussi de la catégorie. Entre l’alimentaire et le secteur de la banque, il y a un gap. BNP Paribas, Uber, easyJet qui présentent des difficultés en matière de relation client, ont braqué la population. Burger King et Coca-Cola présentent également des paradoxes. Si on les consomme, elles ne sont toutefois pas dans les favorites. Nous avons donc des notes faibles sur la préférence. L’idée, pour traduire cette tendance serait « J’utilise mais pour autant, je ne considère pas la marque responsable, ou en mesure de changer la société ». Cependant, Burger King essaie de s’y mettre en jouant la carte de l’originalité, notamment au travers de sa campagne sur le burger moisi. Quant à McDonald’s, l’enseigne arrive petit à petit à convaincre avec ses efforts.
Ci-joint le top 10 des marques qui font un flop, auprès de leurs clients ou non, mais connaissant l'enseigne, puis auprès de leurs clients uniquement, ainsi que de leurs non-clients
La pression publicitaire influe-t’-elle sur l’index ?
Thibaut Ferrali : de nombreuses marques font de la publicité mais pas sur leurs engagements. Intermarché et Maif appliquent la pression publicitaire à leurs engagements et montent dans l’indice. La corrélation est forte. Cependant, elle doit être vérifiée pour ne pas que la marque tombe dans le « greenwashing ». À l’inverse, le « greenhiding » fait aussi souffrir l’image de marque et provoque son ralentissement. Il faut expliquer que si on ne communique pas sur ses engagements, on ne le sait pas. Et les investisseurs se lassent. C’est sans doute la peur que la communication institutionnelle prenne le dessus. Capri-Sun par exemple, dans ses publicités, travaille sur sa chaîne de valeur autour des emballages, de la nutrition et de ses formules allégées en sucre ; c’est une mécanique qui fonctionne.
Une illustration avec vos cas clients ?
Thibaut Ferrali : parmi les marques dont la position s’est améliorée, on retrouve Nivea, Gîtes de France, Andros (sur la problématique du sucre, gammes végétales pour les flexitariens, sourcing, emballages, pesticides, Made in France, etc), But, Feu Vert et Vico. Nivea peut être considérée comme une « quick queen ». C'est à dire qu'elle gagne rapidement des points auprès des consommateurs, notamment sur la question de l'utilisation des parabens. Chez Change en tout cas, l’objectif est d’aider ces marques à comprendre leurs faiblesses, puis à mettre en avant leur potentiel autour de l’expertise conseil.
Quels conseils donneriez-vous aux marques qui ont encore beaucoup à prouver en matière de RSE et de bénévolence ?
Thibaut Ferrali : Choisir un combat. Le mener pour de vrai, le garder longtemps et ne pas oublier d’en parler. La question de raison d’être est importante et a besoin de véracité comme de temps pour construire l’image de marque. Après tout, la com’ c’est de la (valorisation de) RSE à part entière, non ?
Ci-joint le classement des marques selon l'indice de bénévolence
Liste des marques étudiées sur l'Index :
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