À la fin du siècle, l'inaction sur la transition écologique coûterait près de 7 points de PIB annuels
Au moins des dizaines de milliards d'euros par an perdus pour la France : retarder encore la transition énergétique détruira une partie de la richesse économique du pays, chiffre un rapport de l'Ademe, qui souligne mercredi "l'urgence d'agir dès à présent pour préserver l'économie" face au réchauffement climatique.
Si l'on maintenait les politiques existantes et le développement des énergies fossiles jusqu'en 2030, ce scénario de "transition retardée" conduirait pour la France à près de 1.100 milliards de dollars d'actifs échoués (c'est-à-dire qui ont perdu leur valeur en raison de la transition climatique) d'ici à 2050, soit près de 50 milliards de dollars par an entre 2030 et 2050, selon ce rapport de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Cela aurait en outre pour conséquence une perte de près de 1,5 point de PIB en 2030 (environ 40 milliards d'euros si on se base sur le PIB de 2022) et de 5 points de PIB en 2050, par rapport à une action "plus résolue", estime ce rapport, qui relève "des coûts considérables pour la France" et "très probablement sous-estimés".
Dans ce scénario, les auteurs du rapport envisagent que les pouvoirs publics imposent des politiques soudaines et non anticipées à partir de 2030, pour rattraper leur retard sur des engagements de long terme et garder la hausse de la température mondiale sous 2°C par rapport à l'ère pré-industrielle. Selon les auteurs du rapport, cela s'accompagnera de frictions dans les facteurs de production, qui vont peser sur le verdissement des énergies, sur le marché du capital (avec une baisse de la valeur d'actifs physiques et financiers dans le bâtiment, les secteurs extractifs, la production d'énergie et l'industrie), avec des conséquences sur le marché du travail (pertes de productivité, retard dans la formation des travailleurs).
Deux formes de risques
Le rapport prend en compte deux formes de risques liés au climat : les risques physiques (événements climatiques aigus ou chroniques : baisse des rendements agricoles, catastrophes en France ou à l'étranger affectant le commerce extérieur - exportations, chaînes d'approvisionnement - montée du niveau de la mer...) et les risques de transition (risques financiers liés au processus d'ajustement vers une économie bas carbone). Ces coûts sont certainement sous-estimés, notent les auteurs du rapport, car les effets indirects du changement climatique comme les déplacements de population, les coûts de l'adaptation et de reconstruction en sont exclus, tout comme l'impact de la perte de biodiversité ou les risques d'emballement du réchauffement à partir d'un certain seuil. "Il faut mettre en oeuvre la transition énergétique, c'est impératif pour maintenir des conditions d'habitabilité sur la planète, et nous montrons qu'agir dès maintenant et de façon résolue, plutôt que de façon retardée, coûtera beaucoup moins à l'économie française", souligne Patrick Jolivet, le directeur des études socio-économiques de l'Ademe.
Le coût pour l'économie serait encore plus spectaculaire si aucune politique de transition n'était menée, calcule de fait l'Ademe : à la fin du siècle, l'inaction coûterait près de 7 points de PIB annuels par rapport à une transition ordonnée. En revanche, une action de "transition ordonnée", avec la mise en œuvre dès à présent et progressive de politiques afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050, limiterait les dégâts. De fait, le réchauffement du climat est délétère, montrent ces calculs : par rapport à un scénario fictif sans réchauffement, la France perdrait 10 points d'activité annuelle si la température devait atteindre +3,5°C à la fin du siècle.