Facebook a-t-il sonné la fin des chatbots ? #SPOILER ALERTE# : Non

Josselin Moreau

Par Josselin Moreau, Head of Strategy & Experience, TSC

Depuis quelques jours la rumeur gronde. Facebook aurait mis le coup de grâce aux chatbots, montrant sa volonté d’en finir avec une technologie passée de mode. C’est là une lecture un peu rapide de certaines initiatives du géant de Menlo Park.

De quoi parle-t-on exactement ?

Tout d’abord, Messenger a commencé a déployer une nouvelle version. Ce projet d’envergure, baptisé LightSpeed, est une réécriture complète du code de l’application pour doubler sa vitesse d’exécution, tout en divisant son poids par 4. Un vrai challenge, qui vise à renforcer l’attractivité de l’application (notamment auprès de populations équipées de téléphones aux performances modestes) et qui ne va pas sans casser quelques œufs. Même si Facebook a cherché à conserver un maximum de ses fonctionnalités, l’application de messagerie s’est vue délestée de certaines d’entre elles. Bye bye par exemple le paiement peer to peer, la géolocalisation et, dans une certaine mesure, la réalité augmentée.

Messenger s’est livré à un exercice de simplification qui touche à ses fonctionnalités tout autant que son interface.

Messenger avant refonte

Messenger avant refonte

Messenger après refonte

Messenger après refonte

Au-delà d’une mise en avant toujours plus forte des stories, ce qui frappe c’est la disparition du Discover. Cet onglet était consacré à la mise en avant de chatbots de marques d’une part et de jeux directement proposés par Facebook d’autre part.

La fin d’une ère

Cette disparition a immédiatement été interprétée par certains comme une volonté d’enterrer les chatbots, après leur avoir pourtant déroulé le tapis rouge en 2016 avec l’ouverture de son API, qui avait alors marqué le début de la hype des chatbots.

Cette hype des chatbots est terminée, c’est indéniable. Nous en avons fini avec une période qui a vu pulluler les startups dédiées comme les projets des départements innovations des grandes entreprises, tous convaincus que nous tenions là la technologie qui allait tout embarquer, voire remplacer les applications mobiles. Tous étaient convaincus du potentiel mais sans forcément savoir par quel bout prendre ces nouveaux agents conversationnels ni qu’en faire. Résultat : des centaines de milliers de chatbots rien que pour Messenger avec une majorité écrasante d’expériences inachevées, trop simplistes pour apporter de la valeur ou au contraire beaucoup trop complexe, ou encore insuffisamment éduquées et forcément décevantes.

Et pourtant...

Il est des secteurs et des usages pour lesquels les chatbots sont loin d’avoir délivré toute leur valeur ajoutée. C’est le cas de la relation client en particulier. Depuis quelques années maintenant, les chatbots s’imposent comme des alliés indispensables pour aider les agents (humains, eux) à traiter l’explosion du nombre de contacts à laquelle font face les marques.

Avec le temps et la montée en expertise, il est devenu possible de créer des agents conversationnels efficaces qui améliorent l’expérience client avec plus d’instantanéité, de services et de personnalisation, tout en permettant aux marques de maîtriser leurs coûts de traitement.

Et le fait que ces conversations, faisant appel à des chatbots comme à des humains aient lieu dans les canaux de messaging, familiers des utilisateurs, ne fait que s’ajouter à l’intérêt porté par les marques.

Le grand nettoyage

Facebook veut éradiquer les expériences clients les moins pertinentes. C’est d’ailleurs l’objet d’un autre changement, de règles cette fois, avec l’exclusion de la plupart des cas pour lesquels un chatbot peut s’adresser au-delà d’un délai de 24h après la dernière interaction à un utilisateur. Encore une fois, Facebook n’hésite pas à casser des œufs, car beaucoup de cas d'usage et de business models, pourtant légitimes, ont ainsi volé en éclat. Mais si on prend un peu de recul on peut analyser cela comme la volonté de garder ces messageries « propres », avec des conversations qui comptent vraiment pour les utilisateurs. C’est l'expression d’une détermination de ne pas voir ses applications de messageries devenir comme des boites mails, inondées de spams, de sollicitations commerciales et autres messages automatisés qu’on ne lit même plus et qui feraient fuir les utilisateurs.

Les ambitions de Facebook

Dire que Facebook a tourné la page des chatbots est toutefois un raccourci. Oui, Facebook ne s’entête pas dans la mise à l’honneur d’expériences parfois discutables. Mais le roi des réseaux continue à pousser par ailleurs pour être un canal de conversation privilégié entre ses utilisateurs et les marques.

Pour s’en convaincre il suffit de regarder ce qu'il se passe du côté des autres géants qui veulent préempter cette relation conversationnelle. Google et Apple, pour ne citer qu’eux poussent chacun leur format de messaging que sont Apple Business Chat et le RBM auprès des marques.

Depuis le moyen-âge, on le sait bien. Qui maîtrise la route maîtrise le péage. Et Facebook ne voudra certainement pas laisser ses concurrents récolter ce qu’il a contribué à semer.

Ce que Facebook est en train de faire, c’est mettre toutes les conditions pour rendre acceptable auprès des utilisateurs la multiplication des conversations, de qualité, avec les marques. Et si le chemin est un peu tortueux pour ceux qui subissent parfois ces changements erratiques, la finalité reste bonne pour toutes les parties prenantes : des conversations désirées et créatrices de valeur.

Pour définitivement comprendre la résolution de Facebook, il suffit de se pencher sur le chantier auquel le groupe est en train de se livrer : la refonte de l’architecture technique pour unifier l’accès Messenger, WhatsApp et Instagram. L’objectif est d’aligner certaines caractéristiques et fonctionnalités des 3 applications comme l’encryptage par défaut (à la WhatsApp) et le paiement (Facebook, Pay) pour offrir aux marques la possibilité de s’adresser via une même API à leurs clients sur les 3 messageries. Il s’agit d’un travail colossal qui nécessite d’énormes moyens en interne et s’étale sur des mois voire des années.

Facebook veut plus que jamais se placer comme un maillon incontournable de ces conversations, en partie automatisées, entre les marques et les gens. Et on l’a compris, cela passe forcément par la possibilité d’automatiser une partie de cette relation, et donc des chatbots.

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