Cannes Lions 2024 : “L’OOH est le dernier média de masse” (Jean-Christophe Conti - VIOOH)
Au-delà de découvrir les palmarès et d’assister aux conférences organisées au Palais des Festivals ou sur les plages, les Cannes Lions sont aussi l’occasion de rencontrer l’ensemble de l’écosystème publicitaire mondial, et de faire le point sur le développement du Digital-Out-Of-Home avec Jean-Christophe Conti, CEO de VIOOH, plateforme dédiée à la vente des inventaires de la publicité extérieure en programmatique.
CB News : L’OOH a été l’un des premiers médias historiques à se digitaliser, avant que la CTV et l’audio digitale n’occupent une place croissante dans les discussions à Cannes. Quelle place pour la communication extérieure dans le mix des annonceurs ?
Jean-Christophe Conti : Du fait de la baisse de la télévision linéaire, l’OOH est le dernier véritable média de masse en croissance. En 2022, il représentait 4,7% des dépenses publicitaires dans le monde, en on et offline, sur l’ensemble des canaux mesurés. L’an passé, cette part est montée à 5,2%. Cette progression est selon moi liée à deux tendances : d’abord, la fin des cookies entraîne un rééquilibrage des budgets depuis le digital. McKinsey évalue le montant de ce rééquilibrage à 10 milliards de dollars. Ensuite, il y a l’évolution de l’organisation des agences, qui pensent de plus en plus de manière omnicanale.
CB News : Comment l’OOH, et plus particulièrement le DOOH, profite de ces phénomènes ?
Jean-Christophe Conti : Les inventaires du DOOH sont supérieurs à ceux des canaux émergents liés par exemple à la CTV. Par ailleurs, cette supply est plus fragmentée qu’en DOOH. Aussi, la part du DOOH augmente dans les mix-médias du fait de l’achat programmatique, qui offre à la fois plus de transparence, plus de flexibilité et de nombreuses opportunités de ciblage. D'où des coûts plus élevés. Concrètement, regardez la météo que nous avons eue lors des Cannes Lions, qui a alterné entre un grand soleil et des averses. Une marque dont les ventes sont sensibles à la météo va pouvoir piloter avec plus de précisions ses investissements pour optimiser ses performances. Autre exemple : à Londres, nous avons mené une campagne pour la marque de running On, en partenariat avec l’application Strada. Dès qu’un utilisateur passait sur Regent Street à proximité d’un écran, une publicité était diffusée et renvoyait vers la boutique On d’Oxford Street.
CB news : Peut-on encore parler d’un média de masse dans ce cas précis ?
Jean-Christophe Conti : On passe d’une logique one to many à une logique one to few. La complémentarité avec le mobile permet de diffuser des campagnes dans des zones de chalandise dynamiques, en prenant en compte les déplacements des cibles grâce à l’identification de leur device ID. En fonction des magasins visités, on peut enrichir des profils et diffuser des publicités avec des messages spécifiques ou des itinéraires, afin de travailler les objectifs de branding mais aussi de performance des annonceurs.
CB News : Dans ce contexte, la fin des cookies présente une double opportunité, le marché développant des identifiants publicitaires bien plus efficaces, et surtout cross-device…
Jean-Christophe Conti : Oui, mais cela prendra du temps. Le désilotage dont je parlais tout à l’heure est bénéfique, mais les acheteurs programmatiques doivent encore apprendre à maîtriser les spécificités de l’OOH. On n'achète pas un 4x3 en centre-ville comme on achète un écran de 15 pouces dans une salle de sport. Les formats ne sont pas interchangeables et le contexte est aussi déterminant. Une marque de luxe préfère sans doute un affichage événementiel à un petit écran. Mais s’il est situé dans l'ascenseur d’une grande banque au moment où les bonus sont distribués… Le contexte et la localisation de l’écran sont aussi importants que la pertinence du message.
CB News : L’OOH reste un élément phare du mix-média local des annonceurs. Mais avec la digitalisation des canaux offline historiques, la concurrence est aussi de plus en plus vive. Comment vous adaptez-vous à ces enjeux ?
Jean-Christophe Conti : En effet, le DOOH, la CTV ou l’audio digital ont des points communs. Mais la plupart des acteurs locaux sont encore peu équipés pour faire de l’achat programmatique. Ils n’ont ni les moyens humains, ni l’argent pour gérer ces sujets ou déléguer à des agences. Les petits commerçants préfèrent acheter de la publicité sur Google avec leur carte bancaire car c’est plus simple. Mais ce n’est sans doute pas le levier qui offre le meilleur retour sur investissement !