Alchimie, le distributeur de chaines qui mise sur le contenu de niche
Alchimie (ex-Cellfish), éditeur et distributeur de chaînes thématiques en OTT, a fait parlé de lui cette année en lançant deux chaînes sur le monde militaire et le sexe. Son credo : valoriser le contenu des éditeurs, notamment de niche, en surfant sur le cord-cutting. Rencontre avec son CEO Nicolas d'Hueppe et son directeur des chaînes Antoine Robin.
« Il faut aujourd’hui se placer dans un maximum d’endroits pour offrir à nos ayants droit un maximum de points d’accès », confie à CB News Nicolas d’Hueppe, CEO d’Alchimie (ex-Cellfish), l’agrégateur de contenu audiovisuel et éditeur et distributeur de chaînes thématiques en OTT. En 2016, l’entreprise pivote et laisse derrière elle la valorisation des contenus pour mobile. Elle lance sa plateforme technologique multi-formats, pour offrir aux créateurs une diffusion dans les meilleures conditions d’exposition et de rémunération. Alchimie s’attaque au marché de la monétisation des contenus sur les voies digitales rentables, basées sur l’abonnement, notamment les canaux OTT.
30 000 heures de programmes
Aujourd’hui, le distributeur revendique gérer les catalogues vidéo de 250 ayants droit : 30 000 heures de programmes et 100 chaînes en SVoD en Allemagne, Angleterre, France, Australie, Espagne, Belgique et Suisse – Alchimie réalise les trois quarts de son chiffre d’affaires en Europe –, distribuées selon les chiffres d’Alchimie depuis plus de 35 plateformes de distribution digitale, telles que Google, Amazon, Apple TV, LG, Samsung, Bouygues ou Orange. « On reste proche des opérateurs télécoms parce que le business est là aujourd’hui », indique le CEO. Alchimie, qui surfe sur le phénomène de cord-cutting (action « de couper le câble », et de résilier les abonnements à la télévision pour privilégier les services de vidéo à la demande comme Netflix ou Amazon, ndlr), mise sur les contenus de niche. « Quid des producteurs indépendants ? », ajoute Nicolas d’Hueppe, qui estime que « la bataille des généralistes OTT est perdue, mais les chaînes thématiques ont été abandonnées ». Les chaînes thématiques, permettant de valoriser des contenus laissés de côté, devient le segment dans lequel Alchimie s’engouffre.
L’éditorialisation : le nerf de la guerre
En mai dernier, le distributeur lance « Army Stories », une chaîne dédiée au monde militaire. A cette occasion, Alchimie s’est associé à la société de production Memento, spécialisée dans le documentaire d’investigation et le grand reportage et, plus particulièrement sur des séries documentaires avec le ministère de la Défense sur ses différents fleurons. Une chaîne disponible sur le web pour 4,99€ par mois. L’objectif : être « en mesure de proposer une offre éditoriale inédite et premium sur le marché européen de la SVoD » d’un côté, et aider les éditeurs à monétiser leurs contenus sur le digital de l’autre. Après l’armée, Alchimie dévoile en juin une chaîne pédagogique consacrée au sexe : « Sexplora », en partenariat avec Urbania Media. « Le producteur devient coéditeur avec nous, on redonne vie à des contenus », rappelle non sans fierté Antoine Robin, directeur des chaînes chez Alchimie. « Sexplora » a pour slogan : « le cul et le recul ». On reconnaîtra la ligne décalée de Spicee, le média en ligne dédié aux documentaires cofondé par Antoine Robin en 2015. Il le dirigera pendant quatre ans, avant que cet ancien directeur général d’Havas Productions soit recruté par Nicolas d’Hueppe en janvier 2019 pour gérer l’éditorialisation des offres de ses chaînes thématiques. « Le besoin des auteurs est très varié, on s’adapte », précise Antoine Robin.
« Donner de la valeur »
Chaque mois, « plus de 1000 heures sont ajoutées dans notre catalogue de droits », indique Antoine Robin. Du documentaire, du e-learning, des fictions, du sport ou des dessins animés. Des contenus multilingues pour lesquels il faut « donner de la valeur ». Les bureaux d’Alchimie à Aubervilliers font donc bonne place aux spécialistes de la tech. Au total, 120 personnes y travaillent, dans la tech, mais aussi le marketing et l’éditorial. Chez Alchimie, on observe avec attention ce qu’il se passe du côté d’Amazon, qui devrait lancer prochainement ses offres Amazon Channels en France. Proche de ce qu’Alchimie développe en partenariat avec différents éditeurs et déjà disponible aux Etats-Unis, Amazon Channels propose un kiosque de chaînes à l’unité, où l’on peut s’abonner pour quelques dollars et accéder à un ensemble de contenus rassemblés sous la même thématique.
« Avant le commerce pour un éditeur, c’était sale »
Mais Alchimie ne veut pas attendre la concurrence. « Le Netflix de la maison de retraite, ça n’existe pas », lance Antoine Robin, qui imagine une chaîne adaptée aux papy-boomers. Alchimie veut capitaliser sur son actif : son catalogue de droits constitué depuis 2011, qui lui offre de nombreuses possibilités. « On regarde d’abord s’il y a un besoin. Les chaînes à destination des communautés fonctionnent très bien par exemple ». A force d’accords de distribution et de revenue sharing, Alchimie avance ses pions. « Avant le commerce pour un éditeur, c’était sale. Maintenant tout le monde est sur la même longueur d’onde : il faut valoriser ce qui a été produit », raconte Antoine Robin, qui a fait du numérique un faire-valoir. « Ce n’est pas juste un canal le digital, c’est une nouvelle manière de faire du marketing, dans la façon de présenter les contenus… ». Antoine Robin, qui a commencé sa carrière comme journaliste à Radio France puis aux service des sports de Canal+, est heureux : des milliers d’heures à valoriser, avec les moyens pour le faire. « Le catalogue se prémiumise peu à peu » : le directeur des chaînes d’Alchimie nous annonce que six à sept chaînes thématiques sont dans les cartons, « avec de grosses égéries » pour les porter.