Cannes Lions #70 : Olivier Henry (Publicis Sport) : "DreamCaster est le cas le plus moderne et abouti"
A peine sorti du terrain, c’est-à-dire de la salle de conférence de presse du Palais des Festivals, où les jurys livrent chaque matin les noms des vainqueurs de leur catégorie aux médias du monde entier, nous avons sauté sur Olivier Henry pour recueillir ses impressions de juré à chaud.
CB News : Alors cette vie de juré ?
Olivier Henry : Ca a commencé fort avec l’incendie du Martinez vendredi soir et notre évacuation alors que nous devions délibérer tôt dès le samedi matin... A part cet incident, c’est la première fois que je suis juré à Cannes et c’est une expérience aussi dense qu’excitante pour un passionné de pub comme moi. L’avantage de la catégorie Entertainment Lion for Sport c’est qu’elle fait partie des plus jeunes catégories du festival. Nous avons donc, comparativement à des catégories reines et plus anciennes comme Direct, moins de cas à juger et beaucoup plus de temps pour peser le pour et le contre et nous concentrer sur les travaux à shortlister et à primer ou pas.
CB News : Les tendances repérées cette année ?
Olivier Henry : La vraie bonne surprise dans ce jury vraiment génial, c’est que nous étions 5 femmes et 5 hommes, dont deux américaines noires, un homme européen noir (moi), deux asiatiques, deux latins… Cette diversité des profils et des cultures est en jeu dans nos décisions de jurés, et cela a forcément un impact sur le palmarès, même si on est évidemment là pour juger avant tout des idées.
CB News : Par exemple?
Olivier Henry : On ne pouvait pas privilégier une campagne qu’avec des mecs blancs et sans aucune diversité. Ou les Américains nous disaient aussi que même si 2022 a évidemment surtout été l’année de la Coupe du Monde de foot, il n’y a pas que le football dans le sport… Et j’ai trouvé ça vraiment génial d'avoir des points de vue si différents. On a fait aussi très attention à ne pas primer toujours les mêmes travaux dans plusieurs catégories mais à ouvrir le champ du palmarès pour laisser plus de chances à tout le monde et répartir les Lions.
CB News : Quel est votre coup de cœur ?
Olivier Henry : C’est une catégorie tellement riche et géniale avec des travaux qui donnent aussi bien des émotions, que de la joie, de la diversité, mais traitent aussi du négatif comme de l’échec, des blessures, que j’ai plusieurs coups de cœur. Tel ce film mexicain extraordinaire qui parle de l’homosexualité dans la boxe, Shout (Gold). Imaginez, pour les créatifs, parler de ce sujet dans ce sport et dans ce pays c’est comme grimper l’Everest par la face Nord. Là je dis bravo, c’est très fort. Ou comme le film brésilien, Black coaches, qui évoque la problématique des très nombreux joueurs noirs dans les équipes de foot mais de l’absence totale de sélectionneurs noirs. Ou encore cette pépite portugaise, The Forgotten Team (Gold), qui permettait aux téléspectateurs du Mondial de football d’accéder à des contenus additionnels pendant les matches pour découvrir des personnages oubliés et mis de côté et qui avaient pourtant, parfois au péril de leur vie, permis d’organiser cette compétition au Qatar...
CB News : Un avis sur le Grand Prix DreamCaster de FCB New York qui raconte l’opération qui a permis à un fan de basket aveugle de commenter des matches de la NBA grâce au soutien de différentes technologies ?
Olivier Henry : C’est évidemment aussi l’un de mes gros coups de cœur. Un travail tellement fort, qu’il aurait pu clairement être primé dans quasiment toutes les catégories. C’est vraiment le cas le plus moderne et abouti de tout de tout ce qu’on pourra voir à Cannes cette année.
CB News : Et la France, qui n’obtient aucun Grand Prix ni Lion dans votre catégorie ?
Olivier Henry : C’est évidemment une énorme déception. D’abord parce que mon agence Publicis Sport avait une très belle campagne en lice qui a été éjectée dès le début. Mais c’est le jeu, je respecte le choix des jurés (bien sûr j’étais sorti des délibérations). Même déception pour DDB et son film pour Honda (qui obtient malgré tout un Lion d’Or en Industry Craft, ndlr) qui est resté longtemps en shortlist et qui cochait toutes les cases de l’Entertainement for Sport, mais les jurés ont dû considérer que cette année certains travaux poussaient le curseur encore beaucoup plus loin. Je suis extrêmement déçu pour toutes les campagnes françaises qui n’ont rien obtenu dans ma catégorie mais il faut vite en tirer des conclusions. C’est décevant mais pas surprenant.
CB News : C’est-à-dire ?
Olivier Henry : En France les marques et les annonceurs doivent se poser tout de suite les bonnes questions à la veille de la coupe du Monde de rugby et des JO de Paris : le sport est mal considéré dans notre pays. Une idée également racontée par le duo agence-annonceur dans le dernier magazine de CB News (pour le commander c'est par ► ici). Et les marques doivent réaliser qu’elles ne peuvent plus se contenter d’apposer leur logo sur un maillot. Il y a mille choses à raconter, le sport est le meilleur vecteur d’émotions, d’inclusion, de diversité, d’humour, de tristesse, de détresse, etc. On peut parler de tout à travers le sport. Nous devons nous interroger, nous Français, sur notre rapport au sport. Nous sommes la nation qui mérite aujourd’hui le moins ses succès sportifs tellement on ne transforme pas nos victoires pour délivrer des messages forts. Regardez, rien qu’ici sur la Croisette, à quelques mois d’événements sportifs majeurs, vous n’avez pas une seule marque qui invite un champion français ou qui célèbre nos réussites. C’est aberrant !