Vanity Fair, "brillant dehors, mordant dedans"

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Un pari fou dans un contexte de presse atteinte de sinistrose : le contre-pied pourrait bien fonctionner, il en a tous les atouts. C’est aujourd’hui que sort en kiosque –à 2 euros pour commencer– le très attendu mensuel « Vanity Fair », en version imprimée, et d’emblée accompagné de versions web et tablette. 400 000 exemplaires partent à l’assaut des Français, avec, pour ce premier numéro, un confortable total de 93 pages de publicité. Car Condé Nast mise gros sur ce titre, qui fête avec le succès que l’on sait ses 100 ans aux Etats-Unis. Et tout semble un peu fou : les pointures que sont Michel Denisot, directeur de la rédaction qui quitte définitivement Canal dès lundi prochain pour ce projet, et Anne Boulay, rédactrice en chef « arrachée » à « GQ », ou encore les moyens investis. Xavier Romatet président-directeur général de Condé Nast France parle d’un groupe qui a eu l’« audace d’accepter un projet déraisonnable, de financer 4 numéros zéro, d’investir 15 millions d’euros ; de prévoir l'équilibre d'ici à trois ans et le payback dans 8 ans ». Et dans la morosité ambiante, ce qui fait la différence, au-delà du produit, c’est la vision des actionnaires. Ce lancement n’est pas forcément rationnel. Nous avions envie de risque et de folie. C’est un acte de foi, de confiance en l’avenir de la presse. Nous sommes, face à un flux d’informations de l’immédiat, une alternative au règne du tweet et du SMS ». Pour que la « vision » devienne rentable, le titre, qui comptera 220 pages en moyenne, vise une diffusion de 100 000 exemplaires par numéro, et devra faire un plein de 600 pages de pub par an, notamment grâce à Francesca Colin, éditrice. La pub financera à 70%, le reste revenant aux ventes, prévues à 70% en kiosques (24,90 euros pour l’abonnement). Dès la rentrée, « Vanity Fair » atteindra son prix de croisière, fixé à à 3,95 euros. Et même la version iPad sera payante (1,79 euros à télécharger, puis 3,59 euros le numéro), « la valeur étant dans le contenu, pas dans le papier. Il est hors de question d'entrer dans la guerre suicidaire du prix. La clef du business model c'est la valeur». D’ailleurs, le site s’appelle « Vanity Fair » sans fr, car print et digital ne font qu’un : le web sera le quotidien du mensuel avec un contenu encore enrichi le week-end. Le site est issu des cartons de l’agence Code & Theory qui travaille pour la première fois hors des États-Unis. Et même côté internet, le site vise une audience de "seulement" 500 000 visiteurs uniques, « une course limitée mais très qualifiée ».





Glamour et matière grise



Pour le choix de l’équipe, le patron s'amuse des compétences de Michel Denisot qui « n’a aucune des qualités requises pour être directeur de la rédaction : aucun des codes, aucune expérience presse… Mais des connaissances en « glamour », et pour qui "Vanity Fair" était une référence lors du lancement du Grand Journal. On n'a pas acheté un mannequin ou un carnet d’adresses, mais de l’intuition et de l’expérience, et une nouvelle forme d’écriture télévisuelle ». L'ex-patron du Grand Journal de renchérir « à 68 ans, je m'offre le luxe d'être débutant. Ce premier numéro est le plus bel objet de ma vie professionnelle ». Et ce premier numéro, alliance d’investigation et de glamour, s'offre pour couverture la star américaine Scarlett Johansson (photographiée par Mark Seliger) qui incarne l’esprit et le positionnement du titre « brillant dehors, mordant dedans ». Côté ligne éditoriale, « Vanity Fair » s’inspire bien évidemment du modèle américain, mais -quatre numéros zéro et deux ans de défrichage obligent- reflète la singularité française. Comme le souligne Anne Boulay, fière des 200 tonnes mises en kiosque aujourd’hui, et des 500 000 signes contenus dans un exemplaire, « le glamour se marie à la matière grise. Il y a plus de culturel, avec la rubrique Fanfare ; Fumoir, ce sont des discussions de salon au goût français, de la polémique élégante, et on renoue avec l’illustration ; vient ensuite Vanity Case pour la mode, et le lifestyle qui est la partie la plus féminine du magazine ». Le coeur de magazine se compose d’au moins sept sujets traités au long (voire très) cours et se conclut par un « Autoportrait », réinterprétation du questionnaire de Proust.

Vanity vu par Gabriel



Côté communication, là encore Condé Nast met les moyens. « Dès aujourd’hui démarre une campagne de 8 000 affiches Decaux, soit l’équivalent misé pour un lancement de parfum », souligne Xavier Romatet. Au total, 5 millions d’euros seront investis sur l’année en communication, médias et hors médias confondus. C’est « Gabriel » qui signe ce grand débarquement. « Gabriel », comme Gabriel Gaultier marque créée tout exprès pour le titre et dont c’est la première campagne. « J’ai reçu une enveloppe avec le numéro zéro qui mentionnait simplement mon prénom » , a raconté le fondateur de « Jesus », Gabriel Gaultier, qui crée, avec Adrien Taquet, cette nouvelle filiale amenée à gérer d’autres budgets. Les trois premiers visuels mettent en scène le positionnement « brillant dehors, mordant dedans » en reprenant des citations du titre et la couverture. Une seconde vague est prévue pour le deuxième numéro et un volet numérique (sites, applications, mobiles) et B to B déclinera l’affichage également à compter d’aujourd’hui.

Vanity Fair, toute une histoire

Rien n'a changé depuis les propos de Frank Crowninshield, premier dirigeant du titre, en 1914 : « On trouve partout une ignorance abyssale de ce qu’est la raison d’être de "Vanity Fair". Mais comme dans n’importe quel tour de passe-passe, voire dans n’importe quelle loi de la nature, la chose est ridiculement simple une fois que tout a été clarifié et expliqué comme il faut. Prenez une bonne douzaine d’hommes et de femmes cultivés, habillez-les convenablement, asseyez-les autour d’un bon repas, arrangez-vous pour qu’ils se rapprochent raisonnablement, démarrez le service de la soupe et du champagne de chaque côté de la table, baissez la lumière, augmentez légèrement le chauffage et, ensuite, laissez la nature faire son travail. Et maintenant, que vont dire ces gens ? De quoi vont-ils discuter, rire, que vont-ils commenter, sur quoi vont-ils s’étriper ? Vous y êtes. Le secret est lâché. "VANITY FAIR" EST CE DÎNER ! ». Vendu à près de 1,25 million d’exemplaires par mois aux États-Unis, il a déjà été décliné au Royaume-Uni, en Espagne et en Italie.

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