Manuel Berland (Fill Up Media) : « une reprise qui se fera en plusieurs temps »

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4ème semaine de confinement. CB News poursuit ses rencontres avec les dirigeants des filières publicité, marketing, média, high-tech. Aujourd’hui, Manuel Berland, président de la régie DOOH Fill Up Media.

Après la stupéfaction, comment va Fill Up Media alors que la 4ème semaine de confinement débute ?

 Au premier jour de l’annonce du télétravail, avant même le confinement, j’ai vu le désarroi sur le visage des 40 collaborateurs. Ils savaient qu’ils allaient être privés de la super ambiance qui règne, des contacts et des échanges que nous avons au quotidien entre nous avec nos annonceurs, nos fournisseurs. Dès le lendemain, nous avons pu vérifier à quel point l’engagement de nos collaborateurs était fort et que cette crise n’était pas le problème des associés mais une épreuve commune à laquelle toutes et tous souhaitaient apporter leur contribution. Nous avons également pu compter sur le soutien immédiat des entrepreneurs de Réseau Entreprendre et Croissance +.

Les jours suivants n’ont pas entamé le moral de chacun malgré la mise au chômage partiel de 90% de l’effectif car nos annonceurs sont des commerces non essentiels (commerçants, restaurateurs, concessions et réparateurs automobiles, enseignes à réseau, agences immobilières, ...) qui ont été contraints de fermer boutique. Les 10% de l’effectif restant font preuves d’une énergie formidable pour continuer à assurer la diffusion de nos contenus sur nos écrans car les stations-service restent ouvertes. Hier plus qu’aujourd’hui, il me semble important de crier haut et fort : nous sommes fiers de nos collaborateurs et des valeurs que nous partageons. En somme, nous allons bien. Les 3 semaines écoulées ont montré à quel point notre équipe comme la société avait besoin de créer du lien « réel » dans une période ou seul le lien « virtuel » est autorisé. Tout le monde a compris à quel point « l’autre »  était important voire essentiel à son bonheur individuel.

Vos contenus, vos process, vos clients… Tout était à revoir ? Une gageure ?

Étant donné que Fill Up Média est une société de croissance, nous sommes habitués à nous remettre en cause en permanence, à être réactif, flexible vis à vis de la demande et à nous inspirer des plus grands de notre secteur d’activité. Cette période nous permet de prendre un peu de recul sur les échecs et les succès de l’année écoulée afin de ne garder que le meilleur pour préparer l’avenir. Le moment est aussi propice à la réflexion pour contribuer au soutien de ceux qui sont en première ligne. Le premier réflexe a été de relayer les gestes barrières auprès des automobilistes puis de mettre en avant les associations caritatives que nous soutenons tout au long de l’année. Enfin nous avons le devoir et la responsabilité de continuer à diffuser les campagnes de nos annonceurs locaux/régionaux qui ont besoin de maintenir leur notoriété afin de redémarrer au mieux lors de la reprise.

Mesurez-vous d’ores et déjà l’impact financier d’une telle crise ?

Oui ! Hélas, c’est bien la chose la plus facile à constater en ce moment. L’activité s’est stoppée d’un coup d’un seul le 13 mars (un vendredi…). Nous avions pour objectif de clôturer le trimestre à 2 200 K€ et nous avons finalement atteint les 1 900K€ soit une baisse de 13% par rapport à l’objectif initialement fixé. Cet écart s’explique principalement par le fait que nous avons été, comme beaucoup, privé de notre capacité à exercer notre métier sur la dernière quinzaine. La tendance actuelle nous oblige à abaisser notre prévision de CA à 7 000 K€ au lieu des 9 000 K€ initialement prévu car nous pensons que T2 sera catastrophique. Heureusement que nous sommes soutenus par des centaines d’annonceurs locaux-régionaux qui continuent de communiquer et qui souhaitent préparer l’après. Nous sommes également surpris de certaines demandes d’annonceurs nationaux qui nous consultent pour la première fois avec un objectif de donner une dimension plus locale à leur communication. Ceci étant dit, la gravité de la situation nous amène à penser que les turpitudes économiques sont bien peu de choses face à l’essentiel : la vie, le bien-être collectif et repenser demain.

Quand et comment sortir par le haut d’une telle situation ? C’est quoi le monde d’après ?

C’est bien difficile à prévoir… Cela dit, cela n’empêche pas de se tenir prêt à une reprise qui se fera inéluctablement en plusieurs temps. Le comment est traité quotidiennement en prenant soin de nos équipes et en réfléchissant aux problèmes que vont rencontrer nos centaines de nouveaux clients. Lors du déconfinement l’ensemble des entreprises vont avoir à cœur de retrouver un rythme similaire à celui qu’elles ont connu auparavant. Les plus forts vont pouvoir le faire et l’ont déjà préparé. En revanche, un nombre colossal de PME vont avoir un besoin vital de communiquer mais n’auront pas la trésorerie pour le faire.

Pour être au plus proche de nos annonceurs nous préparons des offres commerciales qui permettront à ces derniers de communiquer sur le long terme avec une franchise de paiements sur les premiers mois. C’est notre manière à nous de soutenir nos clients. Les semaines passées nous ont montré que le monde d’après devra être tourné vers deux notions fondamentales : la solidarité et le local. La solidarité, car cette bataille que nous livrons contre cet ennemi invisible n’est rendu possible qu’au travers d’un effort collectif qui vise à protéger les plus fragiles, les plus âgés. Une sorte de contrat de confiance intergénérationnel qui impose une privation individuelle pour le bien commun car les grandes victoires se construisent ensemble. Si cette période trouble pouvait nous laisser en héritage cette notion de solidarité et de la valeur de l’action collective, des milliers de personnes ne seraient pas morte pour rien et notre société s’en porterait mieux.

Le local au sens large : redensifier l’industrie locale dans de nombreux secteurs stratégiques, encourager les grandes surfaces à s'approvisionner auprès des producteurs locaux, repenser ses achats en favorisant les commerçants locaux de la GMS à l'artisan car ils peuvent être complémentaires. Nous avons constaté qu’en cas de situations exceptionnelles les seuls à répondre présents étaient les commerçants, les grandes surfaces et l’ensemble des acteurs de nos bassins de vie.  Enfin, nous devrons irrémédiablement repenser le système de santé au niveau local et lui donner les moyens qu’il mérite car l'engagement et les sacrifices des acteurs de la santé ont été remarquables.

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