"L'IA et son potentiel créatif dans le BtoB" expliqué par Ioana Erhan (LinkedIn)
Pour sa nouvelle étude autour de l'intelligence artificielle B2B, nous avons voulu entendre Ioana Erhan, la directrice de LinkedIn Marketing Solutions pour la France et l’Europe de l’Ouest. C'est elle qui porte également le sujet de la créativité de cette classification économique que l'on nomme (encore) business to business. Mais c'est autre un sujet. Revenons au cœur de l'actualité avec cet entretien : l'étude "The B2B Marketing Benchmark".
1) Premier constat à la lecture de votre nouvelle étude : l'optimisme des responsables marketing B2B est là. A quoi est-ce dû selon vous ?
Ioana Erhan : en effet, les responsables du marketing B2B commencent à voir des jours meilleurs alors qu’ils ont connu une année plutôt complexe, à devoir naviguer entre incertitudes liées à la conjoncture économique et contraintes budgétaires. Cette tendance est notamment visible en France : près des deux tiers (61 %) des responsables marketing B2B que nous avons interrogés dans le cadre de notre B2B Marketing Benchmark misent sur une hausse des budgets pour l’année prochaine. Pour moi cela s’explique de deux manières. En premier lieu, au cours des derniers mois, la période d’incertitudes économiques a contraint les entreprises à réduire leurs investissements dans le marketing de marque. Conséquence directe de cela : les responsables et directeurs marketing B2B se sont donc attachés à mettre en évidence les retombées de leurs campagnes sur les résultats et performances de l’entreprise, et ont de facto renforcé leur sagacité commerciale et financière en construisant des relations plus solides avec leurs directeurs financiers. En deuxième lieu, ils ont réussi à démontrer aux dirigeants de leur entreprise les opportunités de croissance associées au développement de leur marque, alors que ces derniers cherchent à gagner des parts de marché malgré la conjoncture actuelle. C’est la fameuse règle « 99-1 », également appelée règle du 1 %, en marketing B2B, qui commence à être popularisée au sein du comité de direction : comme 99 % de vos acheteurs ne prennent aucune décision d'achat en période de ralentissement, il est essentiel de rester présent dans leur esprit. Alors que de base les cycles de vente dans le secteur du B2B sont bien plus longs que dans le B2C, cette règle n’a jamais été autant vraie lors d’une période de ralentissement économique, et les entreprises commencent à l’assimiler.
2) L'IA générative, qui a fait une entrée fracassante partout dans nos vies, serait une alliée dans les stratégies notamment concernant les contenus. Observez-vous déjà des réalisations concrètes ?
Ioana Erhan : de nos jours, il est difficile d'entrer dans une salle ou dans une réunion avec un client sans parler de l'IA générative. Le potentiel créatif qu'elle pourrait apporter au secteur de la publicité et du marketing suscite beaucoup d'enthousiasme. Du texte aux annonces visuelles, en passant par la création de gains d'efficacité grâce à l'automatisation de certaines fonctions, les possibilités d'application de l'IA sont infinies, et une chose est sûre : elle va potentiellement permettre aux spécialistes du marketing de gagner du temps pour qu’ils puissent se concentrer sur la créativité. Pour preuve près de 7 sur 10 (67 %) des directeurs et responsables marketing B2B en France que nous avons interrogé en amont des Cannes Lions, prévoient de recourir à l’IA générative pour créer davantage de contenus en moins de temps (59 %) et gagner en efficacité, de manière à se concentrer sur les tâches à plus forte valeur ajoutée (53 %). Si les premiers exemples parlant qu’on peut observer émanent aujourd’hui de marques B2C bien connues du grand public, il existe clairement des opportunités pour le secteur du B2B, et j’ai d’ailleurs hâte de voir comment les marques B2B vont elles aussi s’en emparer.
3) Pouvez-vous nous parler à ce propos de votre outil "Al Generated Copy Suggestions" ?
Ioana Erhan : actuellement lancé en pilote aux Etats-Unis, auprès d’une cinquantaine de nos clients annonceurs, ce nouvel outil utilise l'IA générative pour créer des textes d'introduction et des accroches percutantes pour les formats créatifs publicitaires. Pour cela, il s'appuie sur les données de la page LinkedIn d’un annonceur et les paramètres offerts par notre campaign manager (par exemple, l'objectif, les critères de ciblage, l'audience, etc.). Concrètement, cet outil sera disponible dans notre LinkedIn Campaign Manager via un bouton de commande sur lequel les annonceurs pourront cliquer pour recevoir des suggestions de contenus générés par l’IA. Ils pourront choisir d'utiliser ou non le texte/ la copie du post suggéré pour leurs campagnes, afin de s’assurer qu’il correspond à la tonalité de leur marque, et de l’ajuster au besoin en conséquence. Avec ce nouvel outil, nous voulons permettre aux professionnels du marketing de générer rapidement des suggestions de contenus publicitaires, immédiatement exploitable pour leurs campagnes , de leur faire gagner du temps dans la rédaction des contenus et enfin leur permettre de tester rapidement différentes approches publicitaires et donc de créer des contenus plus efficaces. Nous prévoyons d’étendre plus largement la disponibilité et les langues proposées (dont le français) de cette nouvelle fonctionnalité dans le courant de cette année.
4) Concernant la créativité, dont vous nous révéliez l'importance lors des derniers Cannes Lions, votre nouvelle étude place la France en tête en matière de considération de l'importance de la créativité. Qu'a-t-on d'intrinsèquement différent par rapport aux autres pays ?
Ioana Erhan : la France a toujours été, de par son histoire et sa culture, un pays vu comme créatif et innovant. Cela se retrouve à la fois dans l’offre culturelle foisonnante que nous avons dans notre société, mais aussi dans les formations et expertises qui nous sont reconnues à l’international comme notre savoir-faire en cinéma d’animation ou en jeu vidéo. Et dans le secteur publicitaire, nous avons de grandes agences françaises dont la réputation va bien au-delà de nos frontières ! Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le festival international de la créativité a lieu à Cannes. La force de l’idée, et son exécution créative a toujours été au cœur de notre ADN marketing en France. Cela l’a toujours été pour le secteur B2C, et nous sommes clairement de très bons éclaireurs pour le secteur du B2B. Pour preuve, cette année les responsables marketing B2B se sont fixé, parmi leurs principales priorités, de défendre une créativité plus audacieuse dans leurs campagnes, afin d’accroître la capacité de mémorisation de leur marque. La France arrivant en tête (64 %), suivie par l’Allemagne (53 %) et l’Inde (51 %).
5) Vous notez à ce propos une augmentation des compétences recherchées en matière de créativité : comment cela se traduit-elle ?
Ioana Erhan : en effet, côté talents, nous constatons un besoin accru de créatifs dans le secteur du marketing et de la publicité, et ce même si la vague de l’IA entraîne de nouveaux métiers et compétences techniques extrêmement recherchées comme celui de prompteur. Un fait qui n’est pas nouveau, car nous avons pu observer ces dernières un grand changement pour cette industrie en termes de talents, avec une importance de plus en plus croissante des compétences numériques et techniques pour l’ensemble de l’écosystème publicitaire. Preuve en est, parmi les entreprises et agences du secteur régulièrement présentes à Cannes, nous avons constaté une augmentation de 67 % des compétences techniques et une baisse de 32 % des compétences créatives au cours des cinq dernières années. Toutefois l’équilibre du secteur publicitaire et marketing repose aujourd’hui sur sa capacité à conjuguer création de promesses, créativité et transformation numérique. On le voit d’ailleurs dans les compétences les plus recherchées par les professionnels du marketing B2B en France aujourd'hui pour étoffer leurs équipes : la stratégie et l’exécution créatives, le marketing digital et l’analyse de données caracolent en tête. Or, l’arrivée de l’IA générative va renvoyer le secteur de la publicité et du marketing à la force de son ADN créatif d'origine, et donc à une montée gamme sur ce volet-là. Et avec un secteur B2B qui recèle d'immenses opportunités créatives encore inexploitées, (environ 1 000 milliards de dollars, selon Brand Finance), avec comme priorité pour les responsables marketing B2B en France d’être plus créatif dans leurs campagnes (64 %), clairement le besoin de talents créatifs va s’accroître.
6) Par ailleurs, les sondés disent avoir travaillé plus intensément avec les directions financières pour prouver que les investissements en communication/pub/créativité étaient "rentables" : la France se distingue-t-elle sur ce sujet par rapport aux autres pays ?
Ioana Erhan : la France fait figure de marché où les relations entre directions financières et directions marketing dans le secteur du B2B sont aujourd’hui les plus fructueuses et efficaces. Pour preuve, avec tous les efforts entrepris cette année par les responsables marketing pour démontrer l’impact direct de leurs campagnes, 68 % des directeurs financiers d’entreprises B2B en France se disent aujourd’hui confiants dans la capacité du marketing à générer du chiffre d’affaires au cours de l’année à venir. C’est huit points de plus que la moyenne mondiale, quatre points de plus que pour les Etats-Unis, douze points de plus que le Royaume-Unis, et vingt points de plus que l’Australie !