Sophie Gay (Namibie) "le langage n’a jamais été autant sollicité"
Voilà nous y sommes...Dans la quatrième semaine de confinement. C'est difficile. CB News a une chance. Celle de continuer d'informer. Nous poursuivons notre série d'interviews, débutée le 17 mars, avec aujourd'hui le témoignage d'une experte des mots : Sophie Gay, Ceo de l'agence de naming et brading Namibie.
1) Comment allez-vous à l'agence ?
Sophie Gay : l’agence et ses communautés se portent aussi bien que possible en ces temps contre-nature pour des communicants. Par réaction, nous multiplions les vidéo-conferences, chat, sms… Nous sommes à la fois en alerte par rapport au moment, aux fabuleuses initiatives des marques, aux signaux faibles des attentes des consommateurs et aux nouveaux langages qui pourraient poindre. Mais nous tentons aussi de nous protéger l’esprit des rengaines ambiantes. Les discours belliqueux ou la réthorique collapsologue ne doivent pas "griser" la créativité…
2) Comme spécialiste des mots et du naming : que voyez-vous arriver en la matière ?
Sophie Gay : difficile d’avoir une boule de cristal sémantique. J’imagine néanmoins deux tendances langagières. Dans le naming et l’identité nominale, une emphase du collectif est à prévoir avec profusion des verbes d’action, des pluriels, des mises en scène de l’engagement via des "nous", des "on," les fameux "x" de la collaboration ou encore l’explosion du ".co ", éléments qui s’inscrivent tous dans la dynamique du "ensemble". Au niveau des identités verbales, c’est une frugalité créative et stratégique qui devrait s’inviter à la table des marques dans le "monde d’après". Cette langue utile et efficace privilégiera le sens, la justesse via une économie de mots, des expressions ciblées et une tonalité propriétaire à chaque marque.
3) Avez-vous noté des initiatives intéressantes, dans l'expression des identités de marques ?
Sophie Gay : les CEO sont des "instruments" majeurs de l’orchestre symphonique qu’est une marque. Ils n’ont jamais autant communiqué sur les réseaux sociaux. Le langage n’a jamais été autant sollicité. Au niveau des marques elles-mêmes, ce qui a retenu le plus mon attention provient du secteur de l’éducation et de la culture, particulièrement inventif. L’opération "Nation Apprenante" et ses contenus promouvant avec modernité et réassurance la continuité pédagogique est très réussie tant dans son naming que dans son identité sémantique. Dans le secteur privé, la communication de la marque de jeans française 1083 s’avère particulièrement juste. Elle a lancé l’opération #1Masque1Soignant mettant ses ateliers et ses couturières à contribution pour fabriquer des masques pour le personnel hospitalier. En parallèle, sur les réseaux sociaux, la marque continue à engager sa communauté avec un humour de circonstance et des punchlines comme « Pensez à essayer vos jeans de temps en temps, le pyjama, c’est traître ».
4) La sémantique et la récurrence des mots autour de la crise et de l'enfermement, infuse t-elle déjà dans les noms de marques ? Est-une bonne chose si tel est le cas ?
Sophie Gay : ces dernières semaines, quelques marques avec le mot masque ou encore Covid ou coronavirus ont été enregistrées. Il faudra cependant attendre des délais incompressibles pour savoir si l’INPI et les noms de marque se feront les caisses de résonance de la crise. Au niveau des briefs des annonceurs, nous n’observons ni la volonté d’entériner la peur, ni celle de la nier. Bien au contraire.
5) L'imaginaire est libre lui : où va le vôtre si vous deviez créer une marque imaginaire ?
Sophie Gay : ce serait forcément une marque collective,. Simple et humble aussi. Celle d’un réseau de créatifs qui aideraient des associations citoyennes à créer des marques utiles et désirables …