Retour à Grasse
"La vérité est le seul moyen de réussir" disait Monique Rémy.
Qui, en parfumerie, ne se targue pas de naturalité ? Mais celle-ci ne serait pas la force directrice qu’elle est devenue sans une femme. Monique Rémy. "Une femme dans un monde d’hommes, une femme volontaire, à la personnalité bien trempée, qui a pris le monde du parfum à contre-courant en remettant le naturel au cœur de l’olfaction " disait entre autres Bertrand de Préville, le directeur général de LMR, le 6 juin dernier, quand, dans les champs LMR, on fêtait joyeusement les 40 ans de ce laboratoire pionnier. Dirait-on d’un homme qu’il a mauvais caractère ? Sans le sien, sans sa conviction, Monique Rémy aurait-elle réussie la croisade qu’elle a mené dans les années 80.
A cette époque, les parfumeurs ont déserté Grasse pour Paris. Les molécules de synthèse règnent en maitresses absolues dans les flacons et la spéculation immobilière fait vendre leurs champs aux cultivateurs locaux. Un monde s’évanouit mais Monique Rémy va le secouer, et, envers et contre tous, mener une bataille pour le retour en grâce des matières naturelles qu’elle gagnera. LMR est devenue la référence du naturel et Grasse la capitale du parfum. En 2000, Monique Rémy vend son entreprise à IFF. On aurait pu s’attendre à ce que ce géant international avale et digère le petit laboratoire. Bien au contraire, il va le ciseler comme un diamant et poursuivre l’œuvre de sa fondatrice en repoussant les limites de la création naturelle.
Dans son champ expérimental, des ingénieurs agronomes cultivent de nouvelles variétés de roses, de perlagonium et d’iris dont une variété qui sent le chocolat… Tandis que leurs confrères de la recherche mettent au point des techniques d’extraction qui élargissent la palette végétale sans la trahir. "La vérité est le seul moyen de réussir" disait-elle. Aucun parfumeur depuis ne le dément. "Avec ses ingrédients, les parfums sentent véritablement ce qu’ils disent sentir, commente jean jacques", le parfumeur de la maison Caron. Depuis peu, IFF/LMR a ouvert à Grasse une résidence d’artistes où ses parfumeurs viennent réfléchir, créer et réinitialiser leur nez dans des espaces beaux et inspirants. Quelque part, y flotte l’esprit de Monique Rémy qui s’est éteinte en janvier dernier, rassurée par la pérennité de son engagement sans failles pour la terre.