« La mesure de l’attention, ça reste encore un peu le far-west »
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7 questions sur l’attention publicitaire à Jean-Damien Agurto, Head of Media et Data Intelligence d‘IPG Mediabrands France.
Jean-Damien Agurto est Head of Media et Data Intelligence d‘IPG Mediabrands France. Il travaille actuellement sur les sujets d'attention publicitaire, notamment avec la société Tobii.
CB News : Comment définir l’attention publicitaire ?
Jean-Damien Agurto : Nous adhérons à la définition de l’Irep : « dans un environnement donné, l'attention est le fait pour un individu de focaliser son esprit sur un ou plusieurs éléments d'un message publicitaire. » Pour la traduire, le marché utilise un ensemble de KPIs combinés et pondérés : la visibilité, la taille du format, le son « on » par défaut, l’engagement avec la pub, le contexte, l’eye-tracking, etc.
CB News : Avez-vous un indicateur de préférence pour rendre compte de cette attention ?
Jean-Damien Agurto : Chez Mediabrands, nous avons décidé d’isoler un seul KPI qui nous semble le plus pertinent, à travers la mesure du « fixation rate » qui est le temps d’exposition entre le regard et la publicité. Nous le faisons avec un système d’eye-tracking en partenariat avec Tobii. Nous avons commencé sur le digital et essayons de l’étendre sur la CTV. Les travaux de l’IREP indiquent un seuil minimum de 300 millisecondes de eye-tracking pour considérer que la personne est « attentive » à la publicité. Avec un « fixation rate » élevé, nous obtenons d’excellents résultats dans les post-tests mesurés par Happydemics, parmi les 5% meilleurs résultats.
CB News : Quelles solutions mettre en œuvre collectivement pour améliorer l’attention publicitaire ?
Jean-Damien Agurto : Se mettre d’accord sur une définition et sur une norme commune. Soit ça viendra de l’international (ce qui semble être en cours et c’est le plus logique) soit on le fait localement. Aujourd’hui, la mesure de l’attention, ça reste encore un peu le far-west. Chaque mesureur (Double Verify, IAS, Xpln…) applique sa propre pondération des KPIs d’attention pour calculer un nombre de « secondes attentives pour mille impressions », ce qui fait que les benchmarks que l’on construit avec l’un peuvent être diamétralement opposés aux benchmarks d’un autre. Le marché ne peut pas continuer sans une norme. Sinon, la mesure de l’attention risque de s’essoufler.
CB News : Le sujet de l’attention est-il lié à la question des formats publicitaire intrusifs ?
Jean-Damien Agurto : Oui, complètement. Il y a eu un effet pervers de la demande de visibilité pour les formats publicitaire de la part des annonceurs. Les éditeurs se devaient d’avoir des formats très visibles mais cette forte visibilité ne s’obtenait qu’avec des formats intrusifs. Ceux-ci n’étaient pas forcément efficaces et pouvaient être néfastes. Les données d’attention ont permis de réguler ces formats trop intrusifs qui ne génèrent pas une bonne attention.
CB News : Plus globalement, comment rendre les formats pub moins intrusifs ? Par quoi commencer ?
Jean-Damien Agurto : C’est une question compliquée puisque la publicité est intrusive par essence. Mais on peut tout de même dire qu’aujourd’hui le marché pense plus en termes de volumes qu’en termes de qualité. Il est drivé par le CPM. Les prix sont tirés vers le bas. Cela se constate très fortement quand on remplit nos grilles de productivité sur les appels d’offre. Les prix demandés par les organismes d’audit deviennent complètement délirants. Cela oblige les éditeurs à multiplier leurs emplacements. Il faudrait que le marché accepte de payer plus cher le CPM pour que les éditeurs puissent réduire le nombre de publicités et qu’elles soient moins intrusives. Régulièrement, nous prouvons qu’une attention plus forte permet d’améliorer la considération, l’attribution, l’image de marque etc… Quand l’attention est forte, on arrive vraiment à faire bouger les items de marque !
CB News : Pour un annonceur, la personnalisation est-elle la solution pour capter l’attention ?
Jean-Damien Agurto : Oui, cela fait partie de la panoplie de solutions qui permettent à la fin d’avoir une meilleure attention. Dans l’ordre, il faut commencer par avoir des emplacements publicitaires permettant de maximiser l’attention, puis penser à avoir la créa la plus adaptée au contexte dans lequel ma publicité va figurer, cela coûte plus cher, mais c’est le prix à payer pour faire bouger mes items de marque.
CB News : Le sujet de l’attention n’est-il pas avant tout un sujet de création publicitaire ?
Jean-Damien Agurto : C’est l’un des sujets où l’agence média et l’agence créa ont un rôle à jouer ensemble en effet. Nous faisons de notre mieux pour essayer de trouver l’écrin permettant d’avoir la meilleure attention. En digital les internautes attendent une autre publicité que celle qui est diffusée à la télé. Pour être plus efficaces, les créations doivent être pensées pour le digital, avec notamment le format vertical et une durée de vidéo plus courte. Une fois qu’on aura le bon écrin, il faudra la bonne créa. C’est cette combinaison qui permettra une attention forte.