La data et l’IA au service de la personnalisation de l’UX, avec Erwan Dion (Niji)

Le responsable du pôle web, mobile et e-commerce de l’agence Niji tire les enseignements du salon One-to-One Retail E-commerce à Monaco.
Nous avons rencontré le responsable du pôle web, mobile et e-commerce de l’agence Niji, Erwan Dion, à la fin du salon One-to-One Retail E-commerce à Monaco. Il nous raconte les enjeux des clients et prospects qu'il a rencontrés.
CB News : Quel est le positionnement de l’agence Niji ?
Erwan Dion : Niji a, dès son origine il y a 24 ans, été créée sur la base de trois grands métiers de la transformation digitale : le conseil, le design et la technologie. Aujourd'hui c'est une société qui compte 1400 collaborateurs principalement en France répartis sur tout le territoire, à Paris, Rennes, Nantes, Bordeaux, Lyon, Nice et Lille. Nos équipes conseil accompagnent nos clients dans l'analyse stratégique de nouveaux business ou services.
Nos équipes design travaillent sur l'image de marque et les parcours UX/UI, et le département technologie met en oeuvre l'ensemble des éléments imaginés par les équipes conseil et design. Nous avons une forte expertise de développement web et mobile. Nous intégrons aussi des solutions, notamment la suite Salesforce au niveau du cloud, sur la partie CRM et marketing automation par exemple. Nous avons une entité dédiée à la data et à l'IA, et enfin une activité autour de la cyber-sécurité.
CB News : Pour quelles typologies de clients travaillez-vous ?
Erwan Dion : Nous adressons tous les secteurs du marché : retail, hôtellerie, transports, tourisme, industrie… Nous travaillons aussi bien pour des grands comptes parisiens que pour des ETI sur des marchés locaux, grâce notre présence en régions. Dans l’hôtellerie, nous avons récemment accompagné le Ritz sur la définition de son image de marque et le parcours utilisateur. Nous avons imaginé un nouveau concept pour l'expérience client qui était jusque là silotée (hôtel, restaurant, spa, boutique) et l'avons mis en œuvre d'un point de vue technologique. Nous avons fait à peu près la même chose pour Relais & Châteaux. Dans le retail, nous travaillons pour des acteurs comme la Maison Christian Louboutin (en e-commerce), Lacoste (sur ses applis), la Stime du Groupement Les Mousquetaires (Intermarché…), Picard ou encore Transgourmet.
CB News : Quels sont les principaux enjeux de vos clients sur la personnalisation online ?
Erwan Dion : C'est un vrai sujet. On vient d’en parler pendant trois jours avec nos clients au salon One-to-One Retail de Monaco. En fait, une des conclusions que je tire de ce salon est qu'il y a peu ou pas beaucoup, comme on a pu connaître par le passé, de grands projets de transformation dans les entreprises, notamment au niveau du SI (Système d'Information, ndrl). La plupart des acteurs ont un SI plus ou moins performant avec des architectures techniques ou des plateformes technologiques qui fonctionnent plus ou moins bien. Avec leur SI et une architecture existante, le grand enjeu de nos clients est : comment faire mieux avec ce qu'ils ont aujourd'hui et notamment dans tout le cycle de vie du client. C'est donc là où la personnalisation va prendre tout son sens : comment adresser leurs prospects et clients de la phase d'acquisition jusqu'au parcours client ; comment travailler la fidélité, la rétention de leurs clients existants avec du repeat business en personnalisant au maximum toute cette expérience au travers du digital. Comment fait-on cela ? En capturant le plus de données possibles. Ces données sont omnicanales car aujourd'hui, les parcours clients sont vraiment omnicanaux. Nous devons être capables de récupérer les données sur le digital, en magasins ou via d'autres systèmes, de les réconcilier, de les analyser d'un point de vue global et de l'utiliser pour produire une expérience client totalement personnalisée sur le digital.
CB News : Dans vos rencontres au One-to-One Retail, quels sont les sujets qui reviennent le plus souvent ?
Erwan Dion : Le grand sujet est celui de la data qui sera le socle sur lequel on va se positionner pour ensuite réfléchir au use case de personnalisation que nous pourrons mettre en oeuvre. Aujourd'hui, tous les clients récupèrent beaucoup de data, mais pas toujours de manière très structurée. Nous devons les accompagner à mieux centraliser et organiser cette information, et ensuite à mettre cette data à la disposition des équipes métiers, notamment des équipes marketing, pour qu'elles puissent l'analyser et l'exploiter pour personnaliser les leviers d’activation et les parcours clients.
CB News : A quel moment intégrez-vous l'IA ?
Erwan Dion : A différents endroits. D’abord sur l'amont, pour tout ce qui est lié à l’automatisation des process et des chaînes, notamment d'intégration de la donnée. L’IA nous permet d'aller plus vite. Le deuxième point concerne bien évidemment l’analyse de la donnée. Nous utilisons des modèles IA qui vont nous permettre de prompter des analyses, des use cases ou des segmentation clients, de générer un panel d’utilisateurs répondant à un ensemble des critères. Ensuite, il y a tout ce qui tourne autour de la recommandation produit : comment utiliser l'ensemble des données pour aller au-delà de la simple association de produits et déterminer des use cases qui vont vraiment personnaliser l'expérience client. Nous nous appuyons sur un certain nombre d'outils. La plupart des éditeurs proposent des solutions qui répondent à certains de ces enjeux. Des modules peuvent se venir compléter. Mais en tout cas, les points centraux sont : comment je récupère cette donnée, comment je l'analyse et comment je l’exploite ensuite sur le parcours client.
CB News : Pouvez-vous nous donner des exemples de personnalisation réalisées avec l’IA ?
Erwan Dion : Sans citer la marque, voici un cas d'usage pour un de nos clients dans l’hôtellerie-restauration de luxe. A partir d'informations récupérées au travers des réseaux sociaux sur les goûts d’un client, sur ses dernières vacances, etc, nous lui proposerons, grâce à l’IA, un menu adapté quand il fera une réservation d'une chambre d'hôtel ou d'une table. Par exemple, un menu italien s’il est allé récemment en Italie.
Un autre exemple : nous sommes en train de réfléchir, pour un client, à comment, au travers d'une application mobile, nous pouvons personnaliser des produits proposés en fonction de la musique qu'écoute l’utilisateur. Nous récupérons les données de ses goûts musicaux via son compte Spotify ou Deezer. Des études montrent qu’en fonction de votre état d'esprit, de votre « mood » - si vous écoutez de la musique joyeuse ou de la musique triste - vous serez plus attirés par certains codes couleurs et plus incités à acheter tel ou tel produit vestimentaire qui correspondra mieux à votre ambiance du moment. L'IA va analyser les données et recommander des produits en fonction des critères qu'on lui aura donnés. Elle va aussi apprendre au fil du temps, et vérifier si ses recommandations dans le parcours de l'utilisateur génèrent de la transformation ou pas.
CB News : Niji développe-t-elle ce type d’IA ?
Erwan Dion : Nous nous appuyons sur des outils du marché, sur des modèles de langage LLM. Et nous développons le moteur qui va permettre d'analyser les données et de faire la recommandation pour nous.
CB News : Quelles sont les précautions à prendre quand on fait de la personnalisation ?
Erwan Dion : La première précaution, la précaution majeure, concerne le consentement et l'accès aux données des utilisateurs. Plus on va vouloir personnaliser, plus on va vouloir récupérer de la donnée personnelle, et plus l'utilisation de cette donnée doit être encadrée par les lois, sachant que les lois sont relativement différentes d'un pays à un autre. Il faut donc respecter la législation en vigueur dans le territoire dans lequel vous opérez, et bien l'intégrer dans les analyses et les outillages que vous mettez en œuvre.
Chez Niji, nous avons adhéré à l’association « Positive IA » qui promeut l'IA responsable pour éviter toute déconvenue sur ce sujet. Certains acteurs américains ne se posent pas la question de la même façon que les acteurs européens. Quand on a des clients internationaux comme nous, présents en Europe, en Asie et aux US, il faut réussir à travailler avec des réglementations totalement différentes.
CB News : En tant qu'agence conseil, diriez-vous que la personnalisation est un enjeu qui va prendre de plus en plus de place ?
Erwan Dion : C'est sûr. Et je pense qu'on ne voit pas encore vraiment tous les aspects, mais c'est sûr qu'il y a beaucoup, beaucoup de choses qui se préparent. Encore une fois, lors du salon One-to-One de Monaco, on a beaucoup parlé de personnalisation. Plutôt sur la partie cycle de vie, acquisition, rétention. Sur toute la personnalisation produit, la personnalisation de l'expérience en termes d'interface, ça va devenir prédominant. La différenciation ne se fait plus sur le produit en lui-même. Elle se fait principalement sur l'expérience que le client vit sur le digital. Aujourd'hui, les expériences sont globalement bonnes. Tout le monde a travaillé ces dernières années sur ces aspects-là. L'étape qui arrive maintenant, c’est comment je personnalise cette expérience pour un utilisateur donné.