Clara Chappaz, la start-up nation et les ors de la République
Portrait de la nouvelle secrétaire d'État à l'IA et au Numérique.
Entrepreneuse, polyglotte, Clara Chappaz, 35 ans, récemment nommée secrétaire d'État à l'Intelligence artificielle (IA) et au Numérique, devra mettre à profit sa connaissance du secteur de la tech pour placer la France au centre de la course internationale à l'IA.
C’est "quelqu'un qui est très compétent et qui a une très bonne vision de l'écosystème de l'innovation", explique à l'AFP Véronique Torner, présidente de Numeum, le syndicat professionnel des entreprises du numérique. "Elle est déterminée, efficace. Elle ne se la raconte pas et elle règle les problèmes", complète Cédric O, ancien secrétaire d'État au Numérique qui l'a nommée à la tête de la mission French Tech en 2021. À ce poste pendant trois ans, rattachée à Bercy et chargée de soutenir la structuration et la croissance des start-up françaises, Clara Chappaz a impulsé des initiatives comme le pacte parité, signé par plus de 700 start-up, qui impose un quota minimum de 20% de femmes dans les conseils d'administration d'ici à 2025. Au moment de sa nomination comme patronne de la French Tech, elle avait d'ailleurs évoqué la faible féminisation du secteur. "On m'a beaucoup demandé si j'étais choisie parce que j'étais une femme", avait-elle déclaré, ajoutant espérer "régler des problèmes d'autocensure" des femmes dans le secteur. "Elle s'est aussi beaucoup engagée sur les sujets environnementaux", note Éléonore Crespo, patronne de la start-up de planification financière Pigment, qui la connaît depuis de nombreuses années.
Pur produit de la "start-up nation", Clara Chappaz est la fille de l'entrepreneur Pierre Chappaz, qui a fondé le comparateur de prix Kelkoo, revendu à Yahoo! pour 475 millions d'euros en 2004, et la plateforme de vidéos publicitaires Teads, achetée par Altice en 2017 et revendu en août dernier à Outbrain. Diplômée de l'Essec et de la Harvard Business School, Mme Chappaz, qui parle cinq langues, monte sa première start-up en 2017, pendant ses études aux États-Unis. Baptisée Lullaby, la jeune pousse est une place de marché pour les produits d'occasion pour enfants. De 2019 à 2021, elle est l'une des dirigeantes de Vestiaire Collective, licorne française (valorisée à plus d'un milliard de dollars) et premier site mondial de revente de mode d'occasion haut de gamme et de luxe. Avant cela, elle a travaillé chez Lyst, moteur de recherche de mode soutenu par LVMH, basé à Londres, et a dirigé Zalora, première plateforme de e-commerce de mode en Asie du Sud-Est, à Bangkok et à Singapour. "Intelligente", "dynamique", "grosse bosseuse", les éloges pleuvent pour qualifier Mme Chappaz parmi les personnes interrogées par l'AFP. La nouvelle secrétaire d'État devra se saisir des questions brûlantes soulevées par le développement de l'intelligence artificielle : impact environnemental, protection des données, désinformation et réglementation, entre autres. Actuellement enceinte de son deuxième enfant, Clara Chappaz sera notamment en première ligne pour l'organisation du sommet international sur l'intelligence artificielle à Paris en février 2025, un événement cher à Emmanuel Macron qui veut faire de la France une championne de l'IA. Reste que, pour Valérie Torner, son nouveau rattachement au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, plutôt qu'à celui de l'Économie, envoie le message "que le numérique n'est pas un sujet de premier plan". "Ce qu'on attend de son mandat, c'est de garder quand même le lien avec la partie économie", souligne aussi auprès de l'AFP Maya Noël, directrice de France Digitale, association représentant les jeunes entreprises tech et les fonds d'investissement spécialisés. "Il faut qu'on ait une vraie stabilité fiscale", ajoute-t-elle. Tous attendent impatiemment la feuille de route de Mme Chappaz et le budget 2025, présenté ce jeudi, afin d'estimer sa marge de manœuvre réelle.