Alain Levy (Weborama) : « Nous risquons l’appauvrissement des contenus et la disparition de l'Open Web »

Alain Levy Weborama

Interview Digital+ :  Troisième numéro de ce format avec Alain Levy, CEO de Weborama. Les tendances, l'apport de l'IA, les cookies tiers et son agacement pour les reports de Google, la protection de la vie privée…

Pour mieux comprendre les enjeux du marketing digital, CB news lance un nouveau format d’interview auprès des dirigeants et experts de ce marché. 7 questions génériques + 2 spécifiques.

C’est Alain Levy, CEO de Weborama, qui se prête au jeu du troisième numéro. Les tendances et innovations qui le marquent, l'apport de l'IA, la « phrase du moment », ce qui l'agace, les reports répétés de la fin des cookies tiers, la protection de la vie privée…

CB News : Quelle est votre position sur le marché du marketing digital ?

Alain Levy : Le marché du marketing digital évolue actuellement dans un contexte complexe. Il y a quatre ans (déjà !), Google annonçait la fin des cookies tiers dans Chrome et la mise en place de la Privacy Sandbox. Cette initiative, qui tarde à se concrétiser, plonge le marché dans l’incertitude. Face à cette situation, nous observons diverses réactions : scepticisme, déni ou espoir mis dans l’intelligence artificielle pour transformer le marché.

Pour Weborama, l’essentiel est de définir des priorités et une vision à long terme. Nous avons choisi de nous inscrire dans l’univers de l’Open Web et nous nous engageons à apporter des solutions pour sa préservation. Or, les revenus se concentrent de plus en plus dans les Walled-Gardens, et donc l’Open Web est menacé. Heureusement, une partie substantielle de celui-ci reste accessible, offrant des opportunités pour des solutions innovantes, notamment celles basées sur l’IA sémantique, qui constituent une alternative précieuse dans un environnement où les données deviennent de plus en plus limitées.

CB News : Quelle tendance actuelle, dans votre domaine, vous semble la plus marquante ?

Alain Levy : Sans aucun doute, cet épisode interminable de la fin des cookies tiers sur Chrome. Cette décision, censée redéfinir notre industrie, a du mal à être mise en œuvre par Google. Entre les préoccupations sur la vie privée, les problématiques de concurrence et la réglementation de l'IA, nous sommes plongés au cœur d’une saga qui impacte les acteurs du marché depuis plus de quatre ans, les forçant à s'adapter continuellement à ces changements structurels.

CB News : Et quel signal faible pour l’avenir ?

Alain Levy : Les résultats financiers des éditeurs en 2023, bien moins bons que leurs communications généralement positives ne le laissent penser, sont un signal faible inquiétant. Ils montrent que les éditeurs seront fortement impactés par la révolution en cours. La majeure partie de l'inventaire sera sans ID, sans consentement et sans cookie, ce qui posera un immense défi pour sa valorisation. Le risque ? L’appauvrissement des contenus et la possible disparition de l'Open Web.

CB News : Quel rôle l’IA joue-t-elle ou jouera-t-elle dans vos activités ?

Alain Levy : Depuis dix ans, nous perfectionnons l'IA sémantique. Avec l'intégration de l'IA générative, nous avons développé des solutions d'une précision et d'une efficacité remarquables : c'est Webomind. Grâce à la granularité de nos segments et à une approche contextuelle sophistiquée, nos campagnes digitales surpassent largement celles utilisant des cookies tiers, offrant des résultats exceptionnels en termes de branding, d’engagement, de trafic qualifié et de performance.

CB News : Y a-t-il un sujet récent qui vous a particulièrement agacé ?

Alain Levy : Oui, le comportement de Google dans l'écosystème digital. Leur manque de responsabilité rend difficile l'établissement d'une roadmap claire ou la validation de plans d'investissement. Google a failli à ses promesses et c'est l'ensemble des acteurs de l'Open Web qui en paie le prix.

CB News : Quelle innovation ou nouvelle technologie vous a marqué récemment ?

Alain Levy : La « preuve d'humanité », en réponse à l'usurpation d'identité due à l'IA générative est une innovation notable. Cependant, elle pose des questions sérieuses sur le respect de la vie privée. Par exemple, le projet Worldcoin.

CB News : Quelle phrase entendez-vous le plus souvent lors de vos rendez-vous professionnels ?

Alain Levy : « Quoi, Google repousse encore la disparition des cookies tiers ???’ »

CB News : Comment relever le défi de la vie privée dans le marketing digital ?

Alain Levy :Au-delà de cette disparition des cookies tiers, les taux de consentement constituent un enjeu crucial. Une récente étude montre que le taux d'opt-in moyen des bannières de consentement est de 46% sur ordinateur et de 56% sur mobile. La collecte et la qualification des données first-party doivent être des priorités, et les nouveaux leviers d’adressabilité sont à explorer et à tester dès aujourd’hui pour anticiper efficacement la fin des cookies tiers et développer une courbe d’apprentissage solide. L’objectif est bien de concilier efficacité de la publicité digitale et respect de la vie privée des internautes en s’équipant d’outils et de solutions « 100% privacy-friendly ».

CB News : Quelles sont les pistes à explorer pour s’inscrire dans ce nouveau paysage digital ?

Alain Levy : La disparition des cookies tiers implique bien plus que la fin d’une méthode de ciblage ; c’est aussi la perte d’informations cruciales sur les clients et les prospects. Les annonceurs doivent trouver de nouvelles façons d’identifier et de cibler leurs audiences efficacement. Et les éditeurs voient leurs revenus impactés par cette transition. Les acteurs qui réussiront seront ceux qui miseront sur l'interopérabilité et la collaboration autour des données. Des technologies comme les Data Clean Rooms permettent de connecter de manière sécurisée les données First Party des annonceurs avec l’inventaire des éditeurs. Cette collaboration permet de mieux identifier les cibles communes et les comportements d’achat ou d’intérêt. Nous observons également des alliances data entre les grandes régies sur le Retail Media et la CTV, permettant des échanges de données strictement encadrés et confidentiels, respectant toujours la vie privée des internautes.

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