L’utopie du « social for good » est-elle en voie de devenir une réalité ?
À l’aube de la pandémie du Coronavirus, Instagram annonce vouloir lutter contre les fake news, avec une promesse : informer les personnes, les protéger, et les soutenir. Plus tôt dans l’année, Facebook, Twitter et WhatsApp changeaient aussi leur fusil d’épaule en annonçant prendre des mesures plus strictes en vue de lutter contre la désinformation, devenue virulente sur leurs feeds.
La montée en flèche des populismes, la recrudescence des scandales d’ingérence politique avec aujourd’hui la diffusion de conseils sanitaires fallacieux, mènent les plateformes sociales à conduire un tournant capital de leur histoire. Elles sont en effet de plus en plus nombreuses à admettre qu’elles se doivent d’être au service de finalités qui vont au-delà du simple fait de connecter les communautés.
Une persévérante avancée contre la désinformation
La nécessité d’établir un équilibre mondial dans la circulation de l’information est née suite aux remous occasionnés par l’affaire Cambridge Analytica en 2017. Dès lors, les discussions gravitent autour de l’instauration de nouveaux moyens de contrer l’arme politique la plus éminente de notre époque : Les fake news. Les spécialistes qualifient cette phase d’ère post-vérité, et mettent au pied du mur les plateformes sociales, notamment Facebook, dont la responsabilité a naturellement été pointée du doigt.
Depuis, Facebook montre sa volonté à œuvrer dans ce sens via un dispositif anti fake news déployé sur plusieurs pays européens et d’outre-Atlantique. À la veille de l’élection présidentielle française de 2017, huit médias Français notoires (Le Monde, l’Agence France-Presse, BFM-TV, France Télévisions, France Médias Monde, L’Express, Libération et 20 Minutes) bénéficient du soutien financier de la plateforme et concluent un accord avec cette dernière afin de travailler conjointement pour limiter la propagation des fake news, et ce, en permettant de signaler les publications considérées comme peu fiables.
Quand l’innovation conduit le changement
Sans grande surprise finalement, l’un des thèmes principaux de la dernière édition de VivaTech était la Tech for Good. En ce sens, on observe une réelle volonté des acteurs de la Tech d’induire des changements sociétaux profonds grâce à l’innovation.
Aujourd’hui, les start-up conçoivent de plus en plus de produits, en menant une réflexion éthique et responsable sur l’usage de ces derniers, afin qu’ils soient ancrés dans la vie des utilisateurs, mais aussi en prenant compte les externalités sociales et environnementales qu’ils peuvent induire. Toutes ces questions ont ainsi produit un effet Domino sur l’ensemble de l’écosystème de l’innovation ; de plus en plus de plateformes et d’applications manifestent leur intention d’être plus transparentes et responsables envers les utilisateurs.
Car bien qu’elles aient déjà fait couler beaucoup d’encre, les malversations liées aux fake news ne sont plus seulement d’ordre politique. Ces dernières sont aujourd’hui capables de provoquer des crises sanitaires pathogènes. De fait, elles constituent un instrument puissant capable d’influencer les collectivités et de manipuler les utilisateurs par une distorsion de la perception du monde. Les entreprises tech prennent alors le virage de la responsabilité, et affichent leur volonté d’être plus éthiques, plus soucieuses des utilisateurs en développant des technologies qui permettent de détecter les fake news grâce à l’intelligence artificielle.
Des utilisateurs qui reprennent le pouvoir
Cette prise de position forte sous-tend également une prise de conscience accrue de la part du grand public. L’affaire d’ingérence politique aux US a levé le voile sur les failles des plateformes et leur impact direct sur la vie des utilisateurs, premiers concernés, menant ces derniers à se poser de réelles questions éthiques sur la démocratie, le libre arbitre et le droit à une information fiable. On assiste à une reprise de pouvoir de ces derniers, qui passent depuis l’ouverture du débat, d’un statut de spectateurs à celui d’acteurs. L’émergence des applications restrictives viennent confirmer ce besoin. Ces dernières permettent aux utilisateurs de rationner le temps qu’ils passent sur les réseaux sociaux afin de permettre une utilisation plus soucieuse du bien-être des utilisateurs. En ce sens, les tendances émergentes observées autour du bien-être et de la protection des données démontrent que ce changement de paradigme a été initié par les utilisateurs eux-mêmes. Car si ces derniers subissaient les impacts négatifs du social, aujourd’hui ils prennent part au changement en usant de la bande passante pour répandre de la positivité, partager des contenus qui prônent le self-care, le retour aux plaisirs simples et une connexion plus raisonnée. Comment séparer le bon grain de l’ivraie ? C’est LA question ! Il n’y a malheureusement pas de bonne réponse. C’est à nous, utilisateurs, d’être vigilants en puisant l’information de sources fiables, en fact-checkant les infos douteuses et en signalant les fake news une fois repérées.
Malgré des réticences et quelques embûches, nous revenons peu à peu à la genèse d’Internet. Là où les plateformes sociales étaient il y a quelques années moins soucieuses des changements sociétaux qu’elles pouvaient induire, elles partent désormais à l’amorce de plus de responsabilité. Ces dernières prennent conscience de la densité anthropologique de leurs usages. Elles sont de plus en plus nombreuses à assumer leur responsabilité, mais aussi à afficher leur volonté de perpétuer un héritage collectif et universel, qui se veut au service du bien commun, à nous de l’entretenir.
(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).