Soyons réalistes
« Le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour au jour d’avant » déclarait Emmanuel Macron dans son appel du 16 mars. Pour les agences et les marques, ce « jour d’après » est bien la seule échéance : en près d’un mois de confinement, une étude de l’OFCE pointe déjà une perte de 60 milliards d’euros, et une chute de 18% de la consommation des ménages. Quant aux entreprises, le baromètre Coface indique que leur taux de défaillance devrait augmenter de 15% cette année en France. Le confinement a amorcé une réévaluation des priorités ; il a redéfini le rapport aux marques tout en mettant en lumière leurs faiblesses et manquements : logistiques, éthiques, productifs. Il a accéléré la prise de conscience de leur responsabilité sociale et citoyenne. En les forçant à fermer leurs espaces de vente, il les a contraints à la digitalisation totale. Plus que jamais, il a posé la question de leur valeur réelle ; de leur mission et de leur raison d’être. Décathlon, Monoprix, LVMH, Frichti, Canal+… quelques marques ont su tirer leur épingle du jeu. L’immense majorité des autres est en pause forcée. Pour toutes ces dernières, l’effort de reconstruction adresse un défi collectif et pluriel : celui du réalisme.
Oui, « l’après » signe la fin d’un monde. Pour les marques, qui vont devoir réinventer leur place, prendre en compte les nouveaux espaces de consommation et de liberté (ex : l’usage de WhatsApp est en croissance exponentielle) ; endosser de nouveaux rôles et discours. Pour les consommateurs, en quête de réassurance et d’utilité (79% attendent des marques qu’elles explicitent clairement leur fonction quotidienne), qui anticipent la baisse de leur pouvoir d’achat (65% des Français estiment que la crise du Covid 19 aura un impact direct sur leurs revenus). Mais aussi – et surtout - pour les agences, qui doivent amorcer la transition nécessaire à leur survie. « Tout doit changer pour que rien ne change » : jamais l’aphorisme du Guépard n’aura sonné plus actuel. Le tournant à prendre s’annonce radical. Pour rester fidèles à leur mission d’accompagnement des marques, les agences doivent réinventer leur modèle en profondeur. Le mot d’ordre ? Réalisme.
Le réalisme, c’est d’abord la restructuration nécessaire des équipes et des fonctionnements. La fin des structures opaques et surnuméraires, lentes à la réaction. Plus que jamais, des circuits-courts pilotés en temps réel, avec des talents spécialistes de leur domaine (vs. des agences généralistes, où tout le monde fait tout) et une hyper-concentration des étapes de la com, de la stratégie à la production. Le réalisme, c’est plus d’actions et moins de paroles. Apprendre à faire mieux avec moins. S’imprégner de la réalité de ses clients, pour mieux en comprendre – et partager- les défis. Cultiver la faisabilité. Mettre la créativité au service de l’efficacité, et plus de l’égo publicitaire. Le réalisme, c’est croire et avancer ensemble : agences et agences, marques et agences, consommateurs et marques. « Plutôt que vous reconvertir, réinventez votre travail » proposait un pop-up LinkedIn en début de semaine. Il est temps de s’y mettre.
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