Le rachat d'Altice Media par CMA CGM défendu devant l'Arcom
L’ARCOM auditionnait jeudi les dirigeants du groupe Altice Media et ceux du groupe CMA CGM dans le cadre d’une demande d’agrément à la prise de contrôle du premier par le second.
En effet, l’armateur présidé par Rodolphe Saadé, propriétaire de La Provence, Corse Matin, La Tribune ou encore La Tribune Dimanche, d’une participation dans la plateforme Brut et le groupe M6, notamment, a fait en mars dernier une offre de rachat des actifs d’Altice Media pour un montant global de 1,55 milliard d’euros. Pour acquérir les chaines BFM TV, RMC Story, RMC Découverte, BFM Régions, BFM Business ainsi que BFM Radio, RMC Info Talk Sport et les plateforme RMC BFM Play et BFMTV.com, le groupe CMA CGM entend réaliser cette opération lui-même, à hauteur de 80%, et par Merit France, sa holding familiale, à hauteur de 20%.
Arthur Dreyfuss, président d’Altice Media a été le premier à être auditionné. Rendant un hommage appuyé à Alain Weill et Patrick Drahi qui en 20 ans ont successivement fait passer le groupe « d’une radio indépendante à un groupe multimédia d’information, de proximité de d’innovation ». Un groupe qui est passé sur cette période « de 800 à 1700 collaborateurs, de 350 à 900 journalistes et de moins de 40 millions € de CA à 112 millions € », indique-t-il. Pour lui, aujourd’hui, Altice Media est le groupe « le plus rentable du marché ». Alors pourquoi vendre interroge le président de l’ARCOM Roch-Olivier Maistre ? Si pour M. Dreyfuss, son groupe a depuis 2015 « toujours suscité des marques d’intérêt répétées », deux raisons émergent qui font qu’offre et demande « se rencontrent ». D’abord des « raisons réglementaires » dites des 5 ans, puisque celles-ci empêcheraient le groupe d’être cédé « avant 2032-2033 », au moment où les fréquences TNT de BFM sont en phase de renouvellement et que celles de RMC Story et de RMC Découverte ne le seront que « fin 2027 et début 2028 ». La seconde raison est quant à elle plus liée « à l’intérêt du groupe d’ouvrir un nouveau chapitre de son histoire », plaide le dirigeant, afin de laisser toute sa place à une nouvelle « vision entrepreneuriale ambitieuse » incarnée par CMA CGM. « Une « nouvelle ère pour le meilleur », ajoute-t-il.
En attendant la décision finale de l’ARCOM, Altice Media demandera prochainement l’abrogation à l’instance de régulation, réglementation oblige, des fréquences TNT ses chaines locales BFM Lyon et BFM Alsace. Ces deux dernières seront toutefois toujours présentes en ligne (site + application). « Rien ne changera pour leurs collaborateurs actuels », assure Arthur Dreyfuss. Quoi qu’il en soit, il se dit « impatient de re-candidater pour obtenir à nouveau ces fréquences TNT ». Et en profite pour lancer un nouvel appel à un changement de réglementation concernant le plafond des 19 millions de personnes maximum (hors Ile-de-France) au sein d’un seul et même réseau de TV locale. « Nous avons l’ambition d’étendre notre réseau alors que la loi actuelle est inadaptée. Il faut alléger la réglementation », pointe-il devant les conseillers de l’ARCOM. Arthur Dreyfuss a en outre indiqué que les chaines de sports RMC1 et RMC2 ne font pas partie de la transaction entre Altice Media et CMA CGM. Elles seront gérées par SFR concernant la gestion des droits, notamment, tandis que la production TV sera fournie par le groupe de Rodolphe Saadé et que la régie publicitaire sera assurée toujours par Altice Media Ads & Connect.
Les ambitions médias de CMA CGM
À la suite de l’audition d’Altice Media, les représentants du groupe CMA CGM ont dévoilé leurs ambitions. “Je crois beaucoup dans les médias, je souhaite adopter dans ce secteur la même stratégie que j’ai appliqué dans mon groupe : je suis passé en 5 ans à un chiffre d’affaires proche de 0 à 5 milliards d'euros dans la logistique”, a expliqué a en préambule Rodolphe Saadé. Il a commencé par le rachat de Corse-Matin et La Provence, dans lesquels le groupe a investi plus de 66 millions d’euros. Un changement de maquette et un focus sur la digitalisation ont également été entrepris, mais “ce n’est pas suffisant”. L’armateur a poursuivi son intrusion dans le monde des médias avec La Tribune, La Tribune dimanche et en prenant une participation dans Brut. Pour son pôle média, Rodolphe Saadé dit vouloir “une ouverture à l’international, mais chaque chose en son temps”. Pour l'instant, quelle place pour Altice Media ? Le groupe “viendra renforcer notre pôle média par la qualité de ses contenus ainsi que son expertise radio et vidéo”, soutient le responsable. Il a fixé plusieurs objectifs : “permettre à BFMTV de redevenir la première chaîne d’information de France” et “investir dans les nouvelles technologies, dont l’intelligence artificielle qui devrait transformer le secteur des médias”.
Le pôle média de CMA CGM sera composé d’une part des titres Corse-Matin, La Provence, La Tribune, La Tribune Dimanche, Brut, et d’autre part par une entité audiovisuelle composée des supports d’Altice Media. “Il y aura des synergies entres ces deux pôles”, précise le PDG. L’équipe de BFMTV localisée à Marseille pourrait par exemple rejoindre les locaux de La Provence. Également présent lors de l’audition, l’ancien patron de M6 Nicolas de Tavernost nommé récemment vice-président du holding CMA Médias ajoute que les images tournées en locales pourraient être utilisées par les autres titres de la zone. Les deux chaînes RMC Découverte et RMC Story doivent se développer davantage, notamment à travers le lancement d’un nouveau magazine en 2024 dédié au documentaire sur la diversité de la société française. Interrogé sur l’indépendance des rédactions, Rodolphe Saadé affirme vouloir “garder une indépendance des directions de chaque rédaction”. Chaque pôle (presse écrite et audiovisuel) doit avoir sa charte de déontologie. Une charte est en cours de discussion à La Provence. Ce devrait être le cas aussi pour Altice Media. Il a également indiqué vouloir "maintenir les équipes en place”.