Grand Prix des Médias : Alexandra Chabanne (GroupM France) présidera la 26^ème édition

Elle explique dans une interview ses ambitions pour ce Prix, à l’aune du pluralisme des médias. Elle y détaille également la feuille de route de la banche média de WPP qui entend projeter le groupe dans le « cultural match ».

CB News : Vous avez accepté la proposition de CB News de présider le jury de la 26ème édition de son Grand Prix des Médias. Qu’est-ce qui vous a motivé ?

Alexandra Chabanne : Tout d'abord, c'est un honneur pour moi de présider le jury de ce prix emblématique. Chaque année depuis 26 ans c'est un rendez-vous incontournable ! 26 ans c'est une jolie longévité dans un monde constamment en mouvement. Je ne peux évidemment oublier d'évoquer le contexte actuel, nous avons besoin plus que jamais des médias pour nous informer, nous divertir et nous faire rêver. Ce prix est une formidable opportunité pour célébrer les talents mais aussi les innovations d'un secteur qui ne cesse de se transformer.  Et enfin le pluralisme des médias est clé et nous devons nous battre pour qu'il en soit ainsi aujourd'hui et demain.

CB News : Vous aurez à la tête du jury la lourde tâche de récompenser des dossiers dans 21 catégories et de décerner le Grand Prix. Qu’est-ce qui fera pour vous la différence dans vos choix ?

Alexandra Chabanne : En sélectionnant les meilleures initiatives, le Grand Prix des Médias participe activement à la définition du futur de notre industrie. C'est une responsabilité que j'assume en toute modestie avec enthousiasme et engagement. Je ne veux pas trop en divulguer à ce stade mais ce qui fera la différence dans mes choix, c'est l'impact significatif sur les publics, l'innovation, la créativité et les approches audacieuses. Je privilégierai également les projets ayant une valeur sociétale positive promouvant la responsabilité environnementale.

CB News : Soutenir les médias, en tant que CEO de GroupM en France, est au cœur de votre ambition ?

Alexandra Chabanne : C’est vrai. J’ai à cœur d’aller éveiller encore un peu plus les consciences sur le « fair share », la part d’investissement media responsable. C’est dire à nos marques qu’il y a des alternatives complémentaires qui existent et qui sont importantes à considérer. Nos médias sont des acteurs nationaux, indépendants, qui défendent la qualité du journalisme, la démocratie. Ces marques médias n’ont pas un seul endroit de la traçabilité qui ne leur est pas mesuré. Je veux dire à mes clients qu’il est dès lors très important qu’ils intègrent cela dans leurs mix média. Je pense plus généralement que notre industrie n’a pas été assez présente sur cet enjeu de la qualité publicitaire avec ces acteurs médias à la pointe de nouveaux formats.

CB News : C’est tout le sens d’une nouvelle offre, « Back to News » que vous avez lancé en 2023 ?

Alexandra Chabanne : Celle-ci fédère en effet plus de 250 éditeurs de l’information, « screenés » par nos équipes pour veiller à la qualité éditoriale et publicitaire, à la sécurisation des écrins. Nous ambitionnais que cette offre puisse de façon pro-active être proposée à nos clients en plus de leurs dispositifs. L’idée étant ici que l’on soit dans une publicité performante mais aussi responsable, au final. C’est essentiel, nous avons besoin de protéger la qualité des informations délivrées. Les médias sont confrontés à des investissements très lourds dans le cadre de leurs mutations technologiques. Il faut les aider, être solidaire ! Les annonceurs s’éveillent et me semblent conscients de cette urgence.

CB News : l’année 2023 a été une année chargée pour GroupM dans l’Hexagone : une fusion, des nominations managériales, des réorganisations au sein de vos agences (Mindshare, Wavemaker, EssenceMediacom et Keyade). Est-ce que tout cela est digéré ?

Alexandra Chabanne : Tout cela n’est pas neutre, en effet. Nous avons enregistré 100% de renouvellement de management sur nos différentes entités l’an passé. Je suis moi-même présente dans le groupe depuis 2007, et ma nomination à la tête de GroupM ne date « que » de novembre dernier. Je m’en étais absentée pour des raisons personnelles pendant une année, même si j’avais un rôle de consultante sur de gros clients sur cette période. Mais pour revenir à votre question, oui, tout cela est digéré. Car il y a eu une vraie dynamique de renouvellement, de croissance dans nos propositions de valeur avec la volonté de faire de GroupM en France une entité beaucoup plus intégré. Le premier travail a été d’unifier nos forces et d’harmoniser nos savoir-faire, nos datas, nos technologies, nos intelligences, etc. Nos métiers évoluent tellement vite.

CB News : Intégrer ne veut pas dire uniformisation…

Alexandra Chabanne : Surtout pas. Nos agences conservent parallèlement leurs spécificités. Je suis pour ma part également très vigilante sur l’humain. Cela fait partie de mes valeurs et de celles du groupe. Cette ambition est placée sous la signature « cultural match ». C’est-à-dire que nos clients et nos collaborateurs, avec leurs différences (valeurs, envies, organisation, territoire, etc.), peuvent tous se retrouver chez nous. GroupM en France, c’est tout de même la moitié de WPP en France, soit 2 000 collaborateurs.

CB News : Est-ce si facile de travailler tous ensemble, de rassembler, avec des cultures et des process parfois très différents ?

Alexandra Chabanne : Ce renouveau dans l’expression de ce que l’on veut être, dans la manière dont on veut se présenter, dans la gouvernance, c’est aussi un facteur d’accélération. Il est plus facile de mener ces changements de transformation et d’aligner l’esprit, la volonté d’être, dans un collectif fort. C’est ça notre projet. Chacun de nos CEO porte cela. Ils sont très moteurs, ils n’ont pas peur des changements. L’équipe est très soudée.

CB News : En étant de la maison depuis plusieurs années, cela vous a fait vous aussi gagner du temps ?

Alexandra Chabanne : Oui, bien sûr. Je vois notre industrie d’une façon très positive. Je sens que l’on a besoin de ré-exprimer fortement que nos métiers donnent beaucoup d’opportunités de créativité. Nous sommes avant tout une entreprise qui vend des services. Nous sommes une équipe. Lorsque que comme moi, comme vous le dites, on vient de la maison, il y a des facilités d’intégration… Ma connaissance du groupe permet d’aller beaucoup plus vite, c’est un fait.

CB News : Quels sont pour vous les gros chantiers pour 2024 ?

Alexandra Chabanne : Nous finalisons notre organisation, comme je vous le disais. Nous avons également re-signé avec de grands clients, comme Axa, TotalEnergies, Richemont… C’est à mes yeux très important que nos clients nous fassent à nouveau confiance. Mais nous avons aussi gagner de nouveaux clients : Nestlé, Allianz, Aldi et Schneider Electric.

CB News : Dans quelques semaines se jouera l’Euro 2024 de football en Allemagne… Fin juillet débuteront les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024. Pour GroupM en France c’est incontournable…

Alexandra Chabanne : Ce type d’événement est tellement fédérateur d’audience à l’instant T. Ce qu’il y a de nouveau, en revanche, ce sont les nouvelles écritures autour de ces événements pour engager des publics. Et il nous faut les engager car l’audience est bien plus fragmentée. Cela ne se passe plus uniquement sur les postes de télévision, mais surtout ailleurs (le digital, les influenceurs, etc.). Nos manières d’appréhender ces événements ont changé, elles sont plus 360. Ce n’est plus seulement du live, nous travaillons maintenant sur l’aura.

CB News : Pour les JO, GroupM est sur le pont ?

Alexandra Chabanne : C’est ce qui nous mobilise, bien évidemment. Nous gérons en effet un tiers des partenaires mondiaux de l’événement (Coca-Cola, Toyota, AiBnB, Danone, Décathlon, Bridgestone…). Nous sommes sans doute le groupe média le plus exposé en termes de part de marché sur le nombre de clients partenaires. Nous travaillons sur tout cela depuis 1 an. Il y a de très gros enjeux : d’émergence, de territoire, d’expérience, etc.

CB News : C’est aussi une lourde organisation interne ?

Alexandra Chabanne : Nous avons en effet organisé des astreintes pour nos collaborateurs. Il nous faut rester en mode de réaction rapide. Les équipes ont pu prendre des vacances un peu en amont. Nous avons essayé d’équilibrer le calendrier. Mais pour être franche, il n’a pas été très difficile de mobiliser les équipes pour un tel événement. Elles sont surexcitées. Paris va être le centre du monde ! Nous ne sommes pas là dans une simple relation contractuelle avec nos clients. Nous allons même dédier dans nos locaux de Levallois-Perret un espace aux JO qui permettra à nos clients partenaires des JO d’avoir un lieu où ils pourront se retrouver et rencontrer des médias ou encore faire venir leurs équipes internationales.

CB News : Vos clients non-partenaires des JO ont-ils envie d’en être ?

Alexandra Chabanne : Ils ont envie de surfer sur l’événement, oui. Nous leur conseillons d’ailleurs d’y aller. Ces JO vont fédérer un tel volume d’audience, il y en aura pour tout le monde. Il faut bien sûr trouver les manières, les langages, la créativité, l’expérientielle, la création de communautés, les tuyaux les plus engageants, etc. C’est là que l’on nous attend. Faire la différence.

CB News : Créativité et agence media sont des mots qui vont très bien ensemble aujourd’hui ?

Alexandra Chabanne : La créativité est intégrée partout chez nous. Nous avons par exemple notre société spécialisée en brand expérience, nouvelles écritures narratives, influence, event qui s’intègrent à la bonne connaissance des médias : StudioM. C’est notre levier d’émergence absolue.

CB News : Pour 2024, comment sentez-vous le marché publicitaire français globalement ?

Alexandra Chabanne : Les JO et l’Euro vont je l’espère booster le marché. La réalité, c'est que les médias font vendre. Notre métier c’est de faire en sorte de proposer de la publicité qui permet de créer de la performance pour les marques et de le faire de manière responsable et utile, comme je le disais. Ce coup de projecteur va remettre en exergue, remontrer toute la puissance de ce que l’industrie media peut apporter en termes de business, de branding, de préférence de marque… Nous sommes dans un marché au contexte un peu gris à l’heure actuelle. C’est tendu. Les marques sont prudentes et le marché publicitaire est lui-même en tension parce que les inventaires ne sont plus exactement distribués de la même manière, d’où leur inflation également. Il faut trouver d’autres manières d’écrire les parcours du consommateur. Il faut trouver la bonne balance entre l’opportunité et les effets de mesure. Il faut absolument que l’on remontre bien que c’est le média qui crée la performance et de la valeur responsable pour les marques. Je suis optimiste, on sait bien que la fin d’année est en général très porteuse, sauf accident.

CB News : Google a une fois encore reporté la fin des cookies tiers. Mais de votre côté, êtes-vous prêts ?

Alexandra Chabanne : Oui, nous sommes prêts, à la vitesse du marché. Plus de 50% de nos achats sont aujourd’hui cookieless ou embrassent cette approche. Nous testons toutes les nouveautés technologiques marché. Mais est-ce que le marché est lui prêt ? C’est une autre question. Je n’en suis pas sûr.