Cannes Lions #70 : Pauline Varga, (Suntory), sa vie de juré-annonceur "ce n’est pas toujours la technologie qui fait gagner un Lion"
Pour gérer le portefeuille de marques historiquement liées à la pub et déjà détentrices de très nombreuses distinctions telles que Orangina, Schweppes, Oasis ou encore Dr Pepper, participer de l’intérieur au palmarès des Cannes Lions est une chance unique. Pauline Varga, directrice stratégie innovation et développement de nouvelles catégories chez Suntory, nous raconte son expérience de jurée-annonceur au sein de la catégorie Creative Effectiveness.
CB News : C’est la première fois que vous êtes désignée comme jurée aux Cannes Lions. Alors, « what did you expect » de cette édition ?
Pauline Varga : Quand on m’a proposé d’être jurée j’étais extrêmement flattée. J’étais déjà venue aux Cannes Lions en 2017, quand je travaillais chez Danone, mais pas du tout dans les mêmes conditions ni avec ces enjeux ou cette somme de travail. Cette année je profite très peu de ce que le festival peut proposer autour de la compétition (soirées, conférences, etc). On m’avait prévenue mais je le confirme : quand on est juré, on ne quitte pas la salle de délibération pendant deux jours. Et on se couche tôt, car on se lève tôt !
CB News : Qu’est-ce qui vous a plu dans votre jury ?
Pauline Varga : Nous sommes plusieurs à être jurés pour la première fois. Et je suis agréablement surprise par la diversité des jurys de ce festival. Dans le mien nous sommes 9 et il y a 5 agences et 4 annonceurs, venus de tous pays, de toutes cultures. C’est très enrichissant, mais c’est surtout indispensable de bien comprendre les contextes politiques, sociétaux ou les marchés locaux pour appréhender et resituer certains travaux. Impossible sans cela de saisir la granularité du retail en Inde, par exemple !
CB News : Avez-vous dû expliquer les enjeux de marché aux autres jurés pour certains cas Français ?
Pauline Varga : Oui c’est souvent indispensable pour défendre les travaux, certains ne passeraient sans doute jamais le cap des premières shortlists sans cette remise en perspective. Je l’ai fait pour expliquer le marché français des produits reconditionnés et les attentes des consommateurs pour le cas Hack Market de Back Market et Marcel, par exemple (Silver).
CB News : Quelles sont les tendances repérées dans votre catégorie ?
Pauline Varga : J’ai fait beaucoup de découvertes car cette catégorie est très large, elle est globale, multi-industries et multi-marchés et multi-secteurs. Ce que j’ai trouvé particulièrement intéressant, c’est qu’on parle évidemment beaucoup d’IA actuellement, que de très nombreux cas sont concernés, mais ce n’est pas toujours la technologie qui fait gagner un Lion et ce n’est pas sur elle que reposent fondamentalement ni la créativité ni les idées. Les vainqueurs dans notre catégorie sont ceux qui ont surtout démontré une grande connaissance de leurs consommateurs, de leurs attentes, de leur marché, de son environnement économique ou culturel… La technologie, même la plus pointue et la mieux utilisée n’est qu’un outil pour porter les idées et les rendre réalisables.
CB News : C’est exactement le cas du Grand Prix ?
Pauline Varga : Oui, le Grand Prix que nous avons décerné à l’Inde (Cadbury Celebrations et Ogilvy Mumbaï) pour une opération permettant à des commerçants de proximité de générer eux-mêmes leur propre pub en déclinant la création originelle de la marque et en faisant jouer son égérie grâce à l’IA. Sans l’intelligence artificielle il aurait été absolument impossible de faire jouer cet acteur dans plus de 130 000 versions différentes !
CB News : Quels ont été vos coups de cœur ?
Pauline Varga : Le cas Heinz Draw Ketchup (Gold, Canada) m’a vraiment séduite car il souligne parfaitement l’iconicité de la marque. Et il est d’une efficacité redoutable tout en partant d’une idée très simple, c’est précisément en cela que c’est créatif et très impressionnant. Cette catégorie, d’une manière générale est largement tirée par les marques nationales. Mais j’ai aussi aimé la mécanique astucieuse déployée pour promouvoir le petit festival Fusion Madrid qui a challengé Robert De Niro pour qu’il vienne faire connaître l’événement et la manière avec laquelle, sans aucun budget, cette opération culottée a porté ses fruits, généré de la notoriété, du trafic, et des retombées médiatiques inespérées.