Netflix, j’y vais ou j’y vais pas ? Marion Haan et Caroline Le Moal (Havas Media)
Historiquement, annonceurs et agences média pointent la nécessité, voire l’obligation, de disposer de metrics fiables et transparentes des audiences aussi bien sur le linéaire qu’en ligne. Début novembre 2022, Netflix lançait son offre avec publicité. Le service de streaming, à date, ne communique pas ses données d’audience et, pourtant, bon nombre d’annonceurs se ruent sur ses espaces publicitaires… CB News est parti interroger le marché sur ce qui pourrait ressembler à un étrange paradoxe. C’est « Le débat CB News ». Il propose une série d’interviews des parties prenantes. Après Emmanuel Crego (Values.Media), Bertrand Beaudichon (Initiative), Riccardo di Mauro (Anacrouse), Stéphane Gorre (Agence79), Marlène Auvieux et Philippe Bonnel, respectivement directrice Télévision et président de Repeat Groupe, Dorothée Caulier et François Liénart, respectivement directrice générale de CoSpirit Media et directeur Data & Insights de CoSpirit Groupe, Anne-Sophie Cruque, COO Publicis Media France, place aujourd'hui à Marion Haan et Caroline Le Moal, CO-CEO de Havas Media.
CB News : Depuis début novembre 2022, Netflix propose une offre avec Publicité. Une bonne nouvelle pour les agences média ?
Marion Haan et Caroline Le Moal : Chez Havas Media, nous aimons les contenus, donc nous sommes ravis de voir apparaitre des leviers de médiatisation qui sont valorisants pour les contenus de nos annonceurs, qu’il s’agisse de la qualité de la diffusion, de la complétion ou encore des contextes.
De nos jours, les sujets de l’attention et de l’émergence reviennent en force. On peut clairement affirmer que Netflix répond à ces enjeux, restent les aspects « compétitivité » et « volumétrie », qui pour le moment, sont moins convaincants.
Enfin, dans un écosystème media qui tend à devenir GAFA dépendant, et l’inflation des media en général, la concurrence est toujours saine et nécessaire.
La moins bonne nouvelle – mais qui relève plus du constat, c’est la fragmentation du paysage audiovisuel et des audiences, qui continue de complexifier l’approche stratégique de la vidéo.
CB News : Conseillez-vous à vos clients d’y investir publicitairement ?
Marion Haan et Caroline Le Moal : Cela dépend du sujet. Les inventaires à date sont trop faibles et les coûts élevés pour des business model « volumes dépendants », sans parler du problème de la mesure. Néanmoins, sur des sujets de marque, et si les éléments créatifs le « méritent », oui nous recommandons d’y aller. C’est toujours la même chose, rares sont les nouveaux acteurs publicitaires qui répondent parfaitement aux attentes au démarrage, mais le choix d’être précurseur est toujours intéressant quand on veut « territorialiser » sa marque publicitairement parlant.
CB News : Les agences médias et les annonceurs plaident fortement et depuis longtemps, encore lors des dernières rencontres de l’UDECAM en novembre dernier, pour la mise à disposition de metrics toujours plus fiables et transparentes sur les audiences, aussi bien sur le linéaire qu’en ligne. Netflix n’en communiquent pas alors que bon nombre de marques y investissent. N’y a-t-il pas là un paradoxe un peu gênant pour les agences médias au cœur du réacteur et les annonceurs ?
Marion Haan et Caroline Le Moal : Si Netflix veut s’imposer comme le meilleur des deux mondes, il va falloir améliorer la mesure et le ciblage qui reste assez limité par rapport aux données dont ils disposent. Qui dit ciblage dit potentiel. Qui dit potentiel dit audiences détaillées. C’est la suite logique.
En attendant, ils ont sûrement voulu être les premiers à lancer leur offre (pour rappel avec des conditions beaucoup plus exigeantes à l’époque que maintenant) et vont sans aucun doute se mettre en ordre de marche, même si les détails sont encore incertains.
La plupart des plateformes (media historiques inclus) ont été créées sur des modèles freemium, avec la publicité au cœur de leur business model, il est donc logique que toutes les composantes nécessaires au fonctionnement de ces modèles se soient développées rapidement. Netflix fait le pari du chemin inverse. Nous ne sommes pas surpris que ce ne soit pas satisfaisant au démarrage pour les annonceurs.
CB News : Les clients de l’agence sont-ils moteur dans ce choix d’être présent sur les espaces de Netflix, ou y-a-t-il un rapport de force entre l’agence et son client ?
Marion Haan et Caroline Le Moal : On a eu les 2 postures : ceux qui voulaient à tout prix en être et ceux pour qui les coûts et le manque de garanties étaient rédhibitoires. Il n’y a pas de rapport de force à avoir, on propose et on recommande lorsque nous pensons que c’est pertinent.
CB News : Netflix mesuré par Médiamétrie, par exemple, une attente forte de votre part dans un délai court ?
Marion Haan et Caroline Le Moal : Plus une obligation qu’une attente s’ils veulent être comparés, mesurés, et jugés au même titre que leurs concurrents.