Netflix, j’y vais ou j’y vais pas ? Riccardo di Mauro (Anacrouse)
Historiquement, annonceurs, agences média ou encore régies publicitaires pointent la nécessité, voire l’obligation, de disposer de metrics fiables et transparentes des audiences aussi bien sur le linéaire qu’en ligne. Début novembre 2022, Netflix lançait son offre avec publicité. Le service de streaming, à date, ne communique pas ses données d’audience et, pourtant, bon nombre d’annonceurs se ruent sur ses espaces publicitaires… CB News est parti interroger le marché sur ce qui pourrait ressembler à un étrange paradoxe. C’est « Le débat CB News » qui débute aujourd’hui. Il proposera ces prochains jours une série d’interviews des parties prenantes. Aujourd’hui, après Emmanuel Crego (Values.Media) et Bertrand Beaudichon, directeur général d’Initiative (Mediabrands-Interpublic), Riccardo di Mauro, fondateur et président de l’agence média Anacrouse.
CB News : Depuis début novembre 2022, Netflix propose une offre avec Publicité. Une bonne nouvelle pour les agences média ?
Riccardo di Mauro : L'arrivée de la publicité sur les plateformes de streaming (Netflix, Prime, Disney +, etc.) est globalement une bonne nouvelle pour le marché et les marques, car elle ouvre de nouvelles façons de suivre le comportement des individus, être au plus proche de leurs aspirations, leur consommation média, et à terme équilibrer l'érosion du média TV traditionnel. Pour les agences médias, c'est un canal de plus, qui rejoint l'extraordinaire dynamique média vécu depuis quelques années, dynamique que les agences média savent analyser, optimiser, et valoriser si elle est génératrice de valeur.
CB News : Conseillez-vous à vos clients d’y investir publicitairement ?
Riccardo di Mauro : Le modèle proposé par Netflix est actuellement très fragile, du fait d'un manque total de transparence, de mesure et donc d'efficacité. Nous présentons l'offre, avec ses avantages mais aussi ses nombreux inconvénients, ne serait-ce que de ne pas pouvoir connaître le nbre d'inscrits à l'offre "essentiel". Actuellement, de notre côté nous conseillons de rester en veille sur les niveaux de mesure à venir, de suivre très régulièrement l'évolution de l'offre, de façon à y souscrire rapidement dès lors nous aurons plus de capacité de maîtrise des environnements proposés, des publics visés, etc.
CB News : Les agences médias et les annonceurs plaident fortement et depuis longtemps, encore lors des dernières rencontres de l’UDECAM en novembre dernier, pour la mise à disposition de metrics toujours plus fiables et transparentes sur les audiences, aussi bien sur le linéaire qu’en ligne. Netflix n’en communiquent pas. N’y a-t-il pas là un paradoxe un peu gênant pour les agences médias au cœur du réacteur et les annonceurs, voire même un peu d’hypocrisie ?
Riccardo di Mauro : Il n'y a actuellement aucun paradoxe car essayer Netflix dans l'état actuel de l'offre est totalement intégré à la démarche "test and learn" prisée par l'univers digital depuis son origine. L'arrivée de la publicité sur Netflix, et les autres à terme, est une innovation en soit, et actuellement il est tout à fait compréhensif que des agences médias ou des marques souhaitent se positionner et tester, du moins pour les marques qui le peuvent, surtout avec des tickets d'entrée à 15k€. L'innovation et son analyse est intégrée à l'ADN de l'agence média, et c'est en essayant avec les marques, qu'elle pourra apporter les correctifs et améliorer l'offre sur ces premiers essais, surtout si le média joue le jeu également. Mais Netflix ne pourra maintenir son système sans metrics en effet, et très rapidement devra suivre les règles inscrites sur le marché français, reposant notamment sur des notions de transparences.
CB News : Les clients de l’agence sont-ils moteur dans ce choix d’être présent sur les espaces de Netflix, ou y-a-t-il un rapport de force entre l’agence et son client ?
Riccardo di Mauro : Bien sûr, l'arrivée de la publicité sur Netflix a suscité beaucoup d'interrogations, voire plus que d'intérêts pour l'instant, et les marques sont moteur dans le souhait de mieux connaître l'offre, bien comprendre comment cela fonctionne, mais pas nécessairement dans le choix d'être présent sur les espaces, car actuellement trop de contraintes sont imposées ( pas de géolocalisation, pas ou très peu de ciblage, pas de mesure quanti, un cadre créatif strict...). En revanche, parler de rapport de force est étonnant, l'agence et son client font partie d'un même écosystème, et sont partenaires dans toutes les réflexions (Netflix ou autres). S'il devait y avoir un rapport de force, alors il est préférable de changer d'agence...ou de client !
CB News : Netflix mesuré par Médiamétrie, par exemple, une attente forte de votre part ?
Riccardo di Mauro : Établir une mesure fiable sur les audiences Netflix et l'efficacité de son offre publicitaire est bien évidemment une priorité et une attente forte à très court terme, et sera certainement la seule issue pour la plateforme si elle souhaite développer son modèle publicitaire en France.