La 84ème édition du Prix Albert Londres décerne ses récompenses
Le 84e prix Albert Londres, le plus prestigieux du journalisme francophone, a été remis lundi à Riga à la journaliste franco-canadienne Margaux Benn pour ses reportages sur la guerre en Ukraine publiés dans le quotidien français Le Figaro.
A l'occasion du 90e anniversaire de la mort d'Albert Londres, le jury a délibéré dans la capitale lettone, "souhaitant rendre hommage à tous les journalistes qui oeuvrent pour rendre compte de la guerre déclenchée par la Russie contre l'Ukraine". La "plume singulière" de Margaux Benn, grand reporter au service "Etranger" du Figaro, déjà présélectionnée à deux reprises, a été récompensée cette année. Le jury "salue aujourd'hui son style, son écriture enviable, une tendresse dans le regard posé sur ceux qui sont au front, des angles inattendus et un renouvellement permanent de son art du récit", déclare-t-il dans un communiqué. Passée entre autres par l'Agence France-Presse, le New York Times, France 24 ou la BBC, la journaliste de 34 ans est aguerrie aux zones de conflits, comme au Soudan où elle a débuté sa carrière journalistique il y a plus de dix ans. "Tout est parti d'une envie de terrain", explique à l'AFP Margaux Benn, lorsqu'en 2018, elle part "sans filet" s'installer en tant que pigiste en Afghanistan et commence à travailler illico pour Le Figaro puis pour d'autres médias. Après quatre années passées là-bas, la journaliste, également récompensée l'an dernier par le Prix Bayeux des correspondants de guerre en radio, couvre dès mars la guerre en Ukraine. Elle y découvre "l'esprit de résistance incroyable des Ukrainiens" dans "une espèce de camaraderie généralisée". Malgré les épreuves, "la société civile n'était pas du tout désorganisée ou brouillon, elle fonctionnait et était productive, ça m'a bluffée", développe la journaliste, qui s'apprête à repartir en Ukraine, après trois séjours d'un mois à chaque fois.
Le 38e Prix de l'audiovisuel est quant à lui revenu à Alexandra Jousset et Ksenia Bolchakova pour le documentaire de 80 minutes "Wagner, l'armée de l'ombre de Poutine", produit par Capa avec France Télévisions et diffusé pour la première fois fin février quelques jours avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Les documentaristes "ont été les premières à documenter les actions de cette armée", constituée de mercenaires financés par un proche de Poutine, "contribuant à nous faire comprendre les enjeux de la géopolitique du Kremlin", salue le jury. Il "récompense une enquête fouillée et implacable" réalisée "sur des terrains où le prix de la vie ne vaut pas cher". "Depuis longtemps on voulait faire ce film parce qu'on sentait tout ce qui se passait", que le sujet "Wagner" montait, "Ksenia le voyait en Russie et moi en Afrique", a détaillé à l'AFP Alexandra Jousset. "Maintenant c'est incroyable de voir que toutes les informations obtenues il y a un an sont en train de se réaliser", ont relevé les journalistes.
Le 6e Prix du livre a été attribué à Victor Castanet pour "Les fossoyeurs", le livre-enquête publié en janvier qui a fait imploser Orpea, mastodonte du secteur des maisons de retraite privées. Y étaient dénoncés de manière fouillée la maltraitance des résidents, les manquements dans la gestion du personnel et un usage abusif des fonds publics. Depuis, Orpea fait l'objet d'une enquête pour maltraitance institutionnelle et infractions financières. "Le jury ne pouvait pas passer à côté d'un tel coup de poing sur ces trafiquants de la mort", a-t-il estimé. "Si j'ai fait ce travail pendant si longtemps", soit quatre années de travail, "c'est parce que je voulais produire quelque chose d'implacable qui génère un électrochoc", a exposé Victor Castanet à l'AFP. "C'est à la fois impressionnant et réjouissant de voir que l'information peut changer les choses ou au moins avoir un impact", a-t-il conclu. Un Prix d'honneur a aussi été décerné à Andriy Tsaplienko et Sevgil Musaieva, deux journalistes du média en ligne "Ukrainska Pravda", afin "de témoigner aux journalistes ukrainiens une solidarité sans faille". Créé en 1933 en hommage au journaliste français Albert Londres (1884-1932), père du grand reportage moderne, le prix est doté de 3.000 euros pour chacun des lauréats, qui doivent avoir moins de 41 ans.