Procédures bâillons : l’UE prépare un projet de texte pour notamment protéger les journalistes
Des militants pour la liberté de la presse ont remis mardi une pétition à la Commission européenne pour réclamer une "protection forte et uniforme" dans l'UE contre les poursuites judiciaires abusives visant les journalistes et militants, s'inquiétant de leur recrudescence. "Ce phénomène est des plus odieux car il accroît la possibilité de censure et d'autocensure en Europe" en raison de la crainte de poursuites, a reconnu la commissaire européenne Vera Jourova, en recevant la pétition signée par plus de 213.000 personnes. Ces journalistes, défenseurs des droits humains, militants écologistes ou anticorruption "n'agissent pas pour eux-mêmes mais pour toute la société" et "méritent une meilleure protection", a-t-elle ajouté, confirmant la présentation d'un projet de texte en avril contre ces pratiques abusives. Elle a indiqué que cette proposition, qui devrait être présentée le 27 avril, comporterait une législation concernant les poursuites transfrontalières, qui sera contraignante pour les États membres, afin de rendre ces procédures "très difficiles". Elle sera assortie de recommandations -non contraignantes- aux Vingt-Sept s'appliquant aux poursuites nationales, n'impliquant qu'un seul État membre. Ainsi que de mesures financières pour la formation des juges afin de les sensibiliser davantage à ces procédures dont le but est de faire taire ou dissuader les journalistes et les lanceurs d'alerte sur des sujets d'intérêt public (SLAPPs en anglais, procédures bâillons). En outre, une aide financière pour la défense des journalistes indépendants ou travaillant pour des petites structures est également envisagée, a indiqué Vera Jourova. La Coalition contre les SLAPPs en Europe (CASE), regroupant notamment Reporters sans frontières (RSF), la FIDH, Liberties et Transparency International, a recensé 539 poursuites de ce type dans 31 pays d'Europe, incluant la Russie, l'Ukraine et le Royaume-Uni. CASE s'inquiète de voir le nombre de poursuites de ce type "en augmentation constante" dans l'UE. La législation que la Commission se prépare à proposer "pourrait changer la donne, mais seulement si elle est solide", estime la coalition, souhaitant qu'elle "serve de modèle" en dehors de l'Europe. La pétition a été lancée par les organisations Rainforest Rescue et le Munich Environmental Institute qui elles-mêmes font l'objet de poursuites de ce type. Ces pratiques ont connu une illustration dramatique avec l'assassinat en 2017 de la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia, qui était visée au moment de sa mort dans un attentat à la voiture piégée, par plus de 40 procédures en diffamation.