Libération : des ambitions éditoriales et économiques
Libération est-il aussi bien écrit qu'il y a 20 ans ? Ma réponse est non. Nous allons travailler cela, investir là-dedans ». Le ton est donné par Dov Alfon, le directeur de la rédaction du quotidien qui était l’invité, avec Denis Olivennes, directeur général du titre, d’une rencontre en ligne jeudi avec l’Association des journalistes médias (AJM). Le nouveau patron de la rédaction intronisé en septembre 2020 a ainsi du pain sur la planche et annoncé, notamment, la création d’un service Actu composé de 25 personnes (30, à terme) dont l’ambition est de « couvrir les 4 dernières heures… et les 4 prochaines », alors que, pour lui, libé a quelque peu abandonné la couverture de secteurs pourtant traditionnellement au cœur de l’offre du quotidien, comme l’éducation. De même, relève-t-il, « il n’y a pas assez de culture en Une, peut-être n’est-elle pas assez bien considérée chez nous »… Au printemps prochain, le journal mettra également en place une cellule Enquêtes, mais pour M. Alfon, ce sont tous les services qui doivent « faire des enquêtes ». Mettant ainsi en avant une enquête récente sur Ubisoft portée par le service Culture. Libération profitera en outre de ses nouvelles ambitions éditoriales, actuellement à « 90 articles par jour », pour recruter, passant de 171 journalistes à 180 en 2021 puis 185 en 2022… Concédant au passage que la diversité des profils au sein du quotidien est « insuffisante » et qu’il faudra y remédier « activement ».
Viser l’équilibre fin 2023
Dans ce contexte, l’argent est bien évidemment le nerf de la guerre. Si aujourd’hui Libération est une société à but non lucratif, via la mise en place par le groupe Altice d’un Fonds de dotation, il accuse tout de même une dette de 60 millions €, selon Denis Olivennes. Le dirigeant entend compter sur 25 à 26 millions € sur 3 ans pour financer le redressement. 17 millions € provenant du groupe Altice et environ 3 millions € liés à la clause de cession versés par le groupe de Patrick Drahi, ainsi qu'un « financement complémentaire » de l’ordre de 6 millions €, issu quant à lui de l’IFCIC, notamment. De quoi viser l’équilibre fin 2023 alors que la défection de Presstalis et la crise sanitaire a creusé les pertes du journal à 12 millions € en 2020. Alors, pour redonner à Libération « l’audience de sa réputation », M. Olivennes mise, comme toute la presse, sur le développement de l’abonnement numérique. Avec l’ambition d’en atteindre 110 000, là aussi « fin 2023 », contre 50 000 actuellement, soit un gain de « 20 000 par an ».
Mise en place d’une régie publicitaire
Se réjouissant au passage de la signature en novembre dernier d’un « bon accord » avec Google sur la rémunération des contenus tout en ayant accès au nouveau programme de licence « News Showcase » et au service « Subscribe with Google » pour développer ses abonnements, le directeur général de Libération fait part de sa volonté de voir le chiffre d’affaires publicitaire progresser. Représentant aujourd’hui à peine 10% du CA du quotidien, soit 3 millions €, l’objectif est de multiplié le CA par « 2 ou 3 », avance-t-il. Pour cela, une véritable régie intégrée est mise en place. Elle comprend 7 commerciaux qui viennent d’Altice avec à sa tête à compter du 1er mars, Christophe Blond, ancien directeur commercial de 20 Minutes (2011-2018) et même un ancien de la régie de Libé entre 1992 et 1999 en tant que chef de publicité. Libération a en outre récemment confié la gestion de sa publicité en programmatique à Prisma Media. Enfin, pour encore réduire les coûts, Libération déménagera dans le 13ème arrondissement (avenue de Choisy) dans des locaux loués à… Patrick Drahi pour 5 à 600 000 € par an, contre 1,4 million € par an au sein du groupe Altice dans le 15ème arrondissement.