David Mingeon (Havas Paris) "la bascule n'aura pas lieu dans le commerce"
David Mingeon, directeur général adjoint de Havas Paris, a présenté la dernière édition de l'étude Shopper Observer (1). Baptisée "Commerce : un retour à l'essentiel...ou presque" elle pose les bases d'une réflexion plus profonde sur l'acte de consommer. Sans pourtant l'incriminer. Près de sept consommateurs sur dix se voyant toujours "consommer autant sinon davantage" en 2030.
1) Vous avez réalisé votre terrain du 22 avril au 15 mai...C'est du coup une étude estampillée "Covid" ?
David Mingeon : nous nous sommes posés la question de décaler ou pas cette étude évidemment. Mais nous avons maintenu ce qui était envisagé car dans nos trois terrains, à savoir la France, les Etats-Unis et la Chine vivaient à ce moment là, trois réalités différentes : la Chine était déconfinée, nous étions en passe de l'être, tandis que les Etats-Unis l'étaient partiellement. Ce n'est donc pas une étude spéciale "Covid"; De toute manière cette phase fait partie de notre histoire désormais. La question c'est de savoir dans quelle mesure elle est transformative ou pas. Son titre "Commerce : un retour à l'essentiel...ou presque" reflète que le basculement n'est pas là. Dans dix ans, 68% des consommateurs interrogés se voient consommer autant et voir davantage. Notamment parce qu'ils savent que les marques investissent dans l'amélioration de leurs produits, de leur traçabilité etc. Elles font le boulot ! Dans l'utilisation du mot "presque" dans le titre de l'étude nous soulignons que les points saillants de nos comportements et de nos attentes vis à vis du commerce demeurent identiques. Ils sont renforcés par la crise. On peut évidemment évoquer le souhait de consommer d'une manière plus responsable, notamment par le local. Ou encore celui d'obtenir un produit ou un service rapidement. La crise que nous traversons est l'occasion surtout de réfléchir à nos actes. 58% des personnes interrogées estiment que cette crise aura un impact positif sur notre manière de consommer. Nous avons identifié cinq tendances qui caractérisent ce nouveau comportement de consommation : succès du local, désir d'avoir "tout, tout de suite", remise en cause de la fidélité à une marque sur des désaccords en terme de valeurs dissonantes, questionnements sur la déconsommation et frénésie des achats plaisir rassemblée dans un mouvement baptisé "Néo-Bazar". [Pour découvrir les cinq tendances illustrées c'est ici].
2) La tendance "néo bazar" concerne les "néo bobos"?
David Mingeon : non pas vraiment. Cette tendance s'apparente à des soupapes de consommation. Nous vivons de plus en plus une sorte de consommation "sous contrainte". Economique - 55% des Français estiment que leur pouvoir d'achat est en baisse - écologique, responsable, raisonnée...Le terme néo bazar désigne tout le contraire. C'est une dissonance totale entre les discours et les actes. On craque ! On peut citer des enseignes Action, récemment valorisée à dix milliards de dollars ou Wish et Alliexpress sur le net. Ce type de vitrines digitales infinies séduisent un adulte sur trois aujourd'hui. Ce sont des produits, des gadgets à très bas prix dont la traçabilité est douteuse. Mais près de huit consommateurs sur dix affirment vouloir se faire plaisir en se libérant de la frustration.
3) Le commerce que vous observez en ce début d'été, ressemble à ...?
David Mingeon : si le mantra l'année dernière était l'expérience, ce n'est évidemment plus du tout le cas aujourd'hui ! On ne peut plus toucher les produits par exemple. Ce que j'observe, c'est que les points de vente se transforment de pus en plus en "centres logistiques" où on viendra chercher ses produits commandés sur le net avec cette tendance que les anglo saxons nomment BOPIS. Pour Buy Online Pick Up in Store.
(1) Méthodologie : étude réalisée auprès de 2 000 consommateurs français, chinois et américains interrogées sur leurs attentes sur le commerce et les enseignes sur un corpus de 100 questions.