Thomas Bevilacqua et Nicolas Guittard (Orès) : "Avec un bureau en Chine, on arrive a délocaliser des projets créa et prod pour les clients "
4ème semaine de confinement… CB News poursuit ses rencontres, initiées le 17 mars, avec les acteurs de la publicité, du marketing, des marques, des médias et de la high-tech. Aujourd’hui, Thomas Bevilacqua et Nicolas Guittard prennent la parole sur l'activité de l'agence Orès, qu'ils ont co-fondée et qui se déploie en France comme à l'international.
1) Comment allez-vous à l'agence en cette quatrième semaine de confinement ?
Thomas Bevilacqua et Nicolas Guittard : Nous allons bien. La phase d'adaptation est passée et nous remarquons désormais une force du collectif. Une unicité s'est mise en place, une prise de conscience des rôles de chacun et de chacune. D'ailleurs, il y a un véritable esprit de famille qui s'en ressent au quotidien et nous continuons nos call-café en équipe ! Il y a de la bienveillance et un plaisir à télé-travailler (d'autant plus que nous sommes l'une des seules agences à pouvoir travailler quasiment normalement) et une continuité dans le conseil aux clients. Cela a démultiplié notre agilité et notre responsabilité individuelle. Chez Orès, nous serons toujours un partenaire plutôt qu'un prestataire.
2) A quels défis êtes-vous confrontés avec des clients qui ont des bureaux à l'International ? Notamment en Chine ?
Thomas Bevilacqua et Nicolas Guittard : Etant donné que nous avons historiquement ouvert nos deux premiers bureaux en France et en Chine, lorsque nous avons fondé l'agence, cette épidémie nous a bousculés. On s'est pris un tsunami en pleine tête ! Au départ, l'activité en Chine a été compliquée à gérer mais nous avons eu l'avantage de voir arriver le problème en France et de s'y préparer. Nous étions prêts avant la mise en place des mesures de confinement, notamment avec le VPN installé pour garantir les accès aux plateformes aux collaborateurs. C'est ce qui nous a permis de rester agiles, au niveau du groupe, vis à vis des clients européens. Aujourd'hui, la Chine est déconfinée. Finalement, nous avons créé des ponts et des liens avec nos bureaux. Nous parvenons même à délocaliser des projets de création, de production, des shootings photos, comme à créer des relais entre les équipes afin de pouvoir les délivrer aux clients. C'est à dire, depuis la Chine livrer les clients en France et inversement (ndlr Orès est composé de 80 collaborateurs dans le monde). Ces relais nous permettent de faire de la création de contenu digital, par exemple et d'échanger sur les projets en cours, via des visioconférences. Y compris pour le choix des mannequins ! Ce sont des choses qu'on n'aurait pas pu imaginer avant mais qui fonctionnent bien. On l'a d'ailleurs fait pour L'Oréal. Et pour Pimkie, pour qui nous avons modifié les lieux de shooting.
3) Quelles sont vos pistes pour préparer la relance du secteur ?
Thomas Bevilacqua et Nicolas Guittard : Nous ne sommes ni dans une démarche commerciale, ni dans la prospection. Nous savons que les entreprises auront besoin de communiquer au moment de la relance et pour ça, nous réfléchissons déjà à des prises de parole adaptées, notamment parce que de nouveaux comportements sur le digital et sur le e-commerce vont apparaître. Nous pensons que la communication brand content sera très forte d'ailleurs. Les questions sont désormais : comment concevoir et produire et quel est le rôle des agences de communication, surtout à l'heure où tous les briefs se font sur le digital par rapport aux campagnes médias classiques, comme c'est le cas en Chine. Et puis, il y a le défi de la conception événementielle avec l'organisation des shootings photos. Une facette du métier qui risque d'être impactée par divers défis environnementaux; le fait de devoir limiter ses déplacements, par exemple. C'est ce qui enrichit notre métier, même si l'agilité était déjà dans l'ADN d'Orès.
4) Parlez-nous du projet d'entraide aux jeunes entrepreneurs ?
Thomas Bevilacqua et Nicolas Guittard : L'idée du projet est de partager des bonnes pratiques entre entrepreneurs en région (échelle locale). De réfléchir à comment dédier nos compétences à des personnes dans le besoin, au travers d'un Hub, le Orès Lab. Ce laboratoire poussera des projets individuels et artistiques, tout en apportant à ces personnes, les ressources nécessaires pour les créer. Et ce, de manière gratuite. Nous pensons notamment à ceux qui s'étaient lancés dans l'aventure avant cette crise sanitaire et qui ont depuis, tout perdu. À ceux et celles qui auraient besoin de conseils en matière de travail d'identité, sinon de reprendre confiance. Nous communiquerons à ce sujet dans les semaines à venir pour une mise en place dès la fin du confinement. Dans l'idéal, il faudra que ces initiatives soient en affinité avec nos ressources et nos secteurs; la grande consommation, le prêt à porter, etc afin que les partenariats soient gagnants- gagnants. Le Hub valorisera aussi le travail des créatifs, qui sont salariés et non freelance, en plus des projets pour les clients de l'agence. Nous les encourageons à se lancer dans des projets personnels au delà de leur rôle au sein d'Orès. Ce projet sera l'occasion de lancer des collaborations avec des artistes, de la production de clip, ou même des expositions...
5) Quelles leçons pourrez-vous tirer de cette crise pour l'avenir du secteur ? Des choses à changer ou à imposer dans les process internes ?
Thomas Bevilacqua et Nicolas Guittard : Adapter les discours ! Accompagner les entreprises, comme celles qui sont commerciales, afin qu'elles communiquent sur leur sens (raison d'être), par rapport aux attentes des jeunes générations. Nous savons désormais que les problématiques porteront sur des questions de RSE et de consciences collectives (stratégie de communication). Cela portera aussi sur le développement d’une démarche plus locale. L'objectif étant de redonner un sens à la consommation et aux marques, au regard des consommateurs. Et de travailler sur leurs démarches éco-responsables pour qu'il y ait un impact positif en ce sens. Nous souhaitons préciser que la crise sanitaire du Covid-19 n'a pas donné naissance à ces tendances, elle n'a fait que les accélérer. Certaines entreprises avaient jusqu'ici un business model bien établi (orienté sur le prix, les promotions ou les caractéristiques techniques d'un produit), d'autres commencent à raconter pourquoi elles créent ce produit. Et c'est cette seconde démarche, que nous trouvons justement vertueuse. Là encore, il ne s'agit pas de communication promotionnelle mais de communication de raison d'être. Une raison d'être qui est au coeur des attentes.
6) Avez-vous une bonne nouvelle à partager ?
Thomas Bevilacqua et Nicolas Guittard : Nous avons la chance d'avoir des bureaux dans plusieurs pays du monde. C'est ce déploiement international qui nous permet de réfléchir au futur, en fonction des diverses situations que vivent nos collègues à l'étranger. Au Vietnam, c'est l'événementiel qui est chamboulé et à Montréal, au Canada, même si le confinement semble moins strict, ce sont les budgets qui sont gelés. Ainsi, avoir une implantation en Chine, c'est comme bénéficier d'un laboratoire pour le monde de demain. Cela nous inspire. Etant donné qu'il y a là bas, un retour à la normale, c'est un vecteur d'espoir pour la reprise de l'activité et pour notre secteur dans quelques mois. Nous sommes vraiment optimistes car tout se passe bien pour nos collègues qui s'y trouvent. De bonnes évolutions sont à venir pour le secteur. Nous avons la certitude qu'on en sortira plus forts.