Pierre Berville, sa vie, ses œuvres
« Demain, j’enlève le haut » est le titre du 1er tome des aventures de Pierre Berville. A une enfance difficile, succède une adolescence publicitaire entière, sans concession et bluffante, au coeur « l’âge d’or de la pub » dont l’épisode Myriam pour l’afficheur Avenir sera sans doute la consécration éternelle.
Pierre Berville a été l’un des plus grands concepteurs-rédacteurs des années 70/80 et son parcours personnel jalonne l’histoire de la publicité et surtout des agences les plus créatives de chaque époque : FCA, Bates, TBWA, Synergie, Intermarco, Homsy Delafosse, CLM, BCRC… où il a signé les plus grandes campagnes, celles qui ont marqué les écrans et les panneaux d’affichages. Sans compter les innombrables campagnes qu’il a conçues en freelance et en team avec les DA les plus talentueux.
Il est entré publicité grâce à Paul son frère producteur qui lui tient lieu de père, donnant le sentiment d'un talent venu naturellement au fil des expériences et des convictions, sans forcer, mais pas sans travail. Cette nonchalance talentueuse se double d’une réelle exigence pour la qualité du travail rendu et de la production finalisée. Nonchalance, exigence, qui lui vaudront quelques passes d’arme avec les présidents des agences qu'il a fréquentées. Et son récit, non sans humour, en épingle quelques- uns, notamment ceux qui montrent une certaine autorité à laquelle Berville semble réfractaire ou révèlent une incompétence notoire souvent chez la gent des commerciaux. Ceux-là n’aimeront pas son livre, c’est probable.
Les autres aimeront ce récit direct et sans fard. On s’y perd avec lui dans les dates car il revient sur son enfance en permanence entre deux changements d’agences. Seule la chronologie des agences est importante pour mieux comprendre l’époque et apprécier la performance de ce créatif d’exception souvent là au bon moment chez TBWA, CLM bien sûr Homsy ou BCRC, au moment où ces agences explosent, pour signer les campagnes à succès. Elles sont trop nombreuses pour qu’on les cite, il vaut mieux les découvrir à la lecture, d’autant plus que leurs marques ont parfois quitté le 1er plan (Cinzano par exemple) sans que la qualité publicitaire en soit (la seule) responsable. Il faut par contre s’arrêter sur la campagne Myriam qui est sans doute la campagne éternelle la plus buzzée de l’histoire de la publicité, la création la plus largement revendiquée par les uns et les autres. Les pages de Berville sur cette icône publicitaire sont humbles (« accident », « pari » …), il s’interroge sur l’(im)possiblité de faire cette campagne aujourd’hui et il en profite pour livrer des réflexions sur les critères et les enjeux d’une bonne création.
Le récit de cette campagne n’intervient qu’à la page 250/420 et ne couvre qu’une douzaine de feuillets. C’est dire tout le récit de ce livre au-delà de la seule promesse du titre. Homme de conviction, son récit est émaillé de réflexions professionnelles ultra pertinentes mais aussi d’humanités. Pour les générations qui ont vécu cet âge d’or, c’est un réel témoignage, pour les autres c’est un fabuleux roman dont le héros principal Pierre Berville est réellement attachant. Les portraits des comparses sont ciselés : Philippe Garboua, Philippe Royer, Gabriel Chadenat, Philippe Michel, Joel Le Berre, Marie Catherine Dupuy, Michel Voisin, Françoise Delafosse, Pierre Callégari, Gérard Jean, Philippe Le Moult. On y croise aussi Thierry Ardisson ou Christian Blachas alors à la tête de Stratégies… Les présidents d’agence Jean Charles Benchetrit, Bill Tragos, Elie Crespi, Pierre De Plas ou Pierre Homsy… et globalement les commerciaux sauf exception ne sont guère épargnés.
Le récit de ce livre s’arrête brutalement à la création de l’agence Callegari Berville, concentrée sur deux associés fondateurs, car les deux Pierre avaient compris que les associations à 4 (TBWA, BCRC) ou à 3 (CLM) étaient plus difficiles à conduire. On aurait bien continuer l’histoire en direct dans ce livre qui se lit vraiment comme un roman. On espère un deuxième tome tout aussi vivant. L’auteur l’évoque, on l’attend. NB : La fin du livre intègre un petit abécédaire inattendu, très personnel : du vécu !
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