Publicités ciblées : l'UE serre la vis sur l'usage des données par Meta
Le Comité européen de la protection des données (EDPB) a annoncé le 1er novembre qu'il demandait au régulateur des données d'Irlande, où se trouve le siège européen de Meta, de prendre des mesures "sous deux semaines" pour bannir "tout traitement des données personnelles destiné à des publicités comportementales" sans engagement contractuel de l'usager pour l'autoriser. La pratique, qui consiste à collecter et analyser les données de milliards d'internautes pour leur soumettre des publicités soigneusement personnalisées, est au coeur des modèles économiques des géants du web mais se trouve contrecarrée par le règlement européen sur les données (RGPD).
Jugeant insuffisantes les conditions d'utilisation prévues, l'autorité de régulation norvégienne des données avait déjà enjoint mi-juillet à Meta de cesser de recueillir, sans consentement explicite, les données des utilisateurs de Facebook et Instagram dans le but de leur adresser des publicités ciblées, et lui impose depuis mi-août une amende quotidienne. Dans la foulée, l'EDPB a adopté vendredi dernier "une décision urgente et contraignante" pour étendre cette interdiction norvégienne aux trente pays de l'Espace économique européen (les 27 Etats membres de l'UE, Norvège, Islande, Liechtenstein), a-t-il précisé dans un communiqué.
Cette décision "contraignante" a été signifiée lundi au géant technologique américain, qui risque de lourdes amendes en cas de non-conformité. La décision n'équivaut pas à un bannissement du marketing ciblé, mais celui-ci doit faire l'objet d'un consentement éclairé des utilisateurs. -
"Injustifiable"
Meta avait annoncé lundi son intention de proposer à partir de novembre des formules d'abonnement payantes à ses utilisateurs européens qui ne souhaitent pas voir leurs données utilisées, précisément en vue de se conformer aux réglementations de l'UE. Les utilisateurs de Facebook et Instagram qui ne consentent pas à ce que le groupe américain récolte leurs données à des fins de ciblage publicitaire pourront ainsi accéder aux plateformes sans publicité, moyennant un abonnement mensuel à partir de 9,99 euros. Les autres usagers non-abonnés "auront le choix de continuer à utiliser gratuitement" les deux réseaux sociaux mais en acceptant la collecte de leurs données et des publicités personnalisées.
"Les membres de l'EDPB étaient au courant de ce projet depuis des semaines" et la décision annoncée mercredi "ignore de manière injustifiable ce processus réglementaire prudent et robuste", a réagi un porte-parole du groupe américain. Dans son communiqué, l'EDPB prend acte de volonté de Meta "de s'appuyer sur une approche fondée sur le consentement (des usagers) comme base juridique", une approche "en cours d'évaluation" par le régulateur irlandais.
Amende record
En juillet, la Cour de justice de l'UE avait retoqué le socle juridique sur lequel s'appuyait Meta pour personnaliser les publicités, en rappelant que les utilisateurs des réseaux sociaux devaient "être libres de refuser individuellement (...) de donner leur consentement à des traitements particuliers de données". "Il est grand temps pour Meta de mettre son traitement (des données) en conformité et de mettre un terme aux pratiques de traitement illicites", a insisté le président de l'EDPB, Anu Talus.
De son côté, l'ONG de protection de la vie privée en ligne Noyb avait dénoncé la semaine dernière la perspective d'abonnements payants de Meta à des niveaux "absurdement élevés", fustigeant une "tentative de circonvenir le droit européen" et s'alarmant du risque de rendre "inabordable" le droit à la protection des données pour une majorité d'usagers.
En mai dernier, Meta avait écopé d'une amende record de 1,2 milliard d'euros du régulateur irlandais, agissant au nom des Vingt-Sept, pour avoir enfreint le RGPD en transférant vers les Etats-Unis des données personnelles d'usagers - la quatrième amende infligée au géant californien dans l'UE en six mois.