Sept éditeurs de presse indépendants cofondent une nouvelle coopérative
Dans les discussions musclées actuellement en cours entre les éditeurs de la presse magazine et ceux de la presse quotidienne* quant à l’avenir suspendu de Presstalis, ceux que l’on appelle un peu vite les « petits éditeurs » ont plus que jamais la sensation de n’être ni entendus, ni pris en compte. Depuis plusieurs semaines maintenant, leurs colères montent, grondent et, finalement, explosent. Sept d’entre eux, SoPress (SoFoot, Society, SoFilm…), Unique Héritage Media (les magazines Disney, Fleurus…), Royalement Votre Éditions (Point de vue), Hildegarde (Première, Studio, Le Film français, Causette…), Les cahiers du cinéma, Panini France et Jibena (magazines de jeux), ont décidé de prendre le taureau par les cornes avec la création de rien de moins qu’une nouvelle coopérative de presse. Ensemble, comme la nouvelle loi Bichet l’autorise désormais, ils sont ainsi actuellement en train de constituer la société qui existera juridiquement « d’ici quelques jours » a-t-on confié à CB News.
Baptisée la Coopérative des Éditeurs Libres et INdépendants (CELIN), la nouvelle entité prend ainsi acte que ses cofondateurs tous à égalité au sein du capital sont « confrontés depuis la cessation de paiement de Presstalis à un impératif commun, restaurer la trésorerie de nos entreprises, protéger nos emplois, assurer notre indépendance de distribution et notre avenir, brutalement mis en péril’, expliquent-ils dans un communiqué commun. Depuis fin 2019, rappellent-ils, l’Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARCEP) a gelé la possibilité pour un éditeur de passer d’une messagerie à une autre, de Presstalis aux MLP en clair, afin de préserver la première. Avec la déclaration de cessation de paiement récente de Presstalis, le report de l'ouverture de la procédure judiciaire « se fait au détriment des éditeurs indépendants et des marchands, qui n'ont plus la trésorerie », assènent-ils. « L'interdiction de ces transferts, dès lors, contraint les éditeurs indépendants que nous sommes à financer Presstalis de nos créances au prix de la pérennité de nos entreprises ». Avec la nouvelle CELIN, ses cofondateurs entendent « reprendre leur liberté ». « Nous ne croyons plus en la capacité de Presstalis à assumer et payer nos créances », a déclaré à l'AFP Emmanuel Mounier, président d'Unique Heritage Media. « C'est une question de confiance. L'avenir de Presstalis n'est plus notre affaire ».
Des négociations à venir avec Presstalis
Mais dans les faits ? La CELIN ambitionne d’à la fois garantir à ses « coopérateurs » une « pleine autonomie de choix dans leur système de distribution » mais aussi de leur obtenir « une juste compensation et contribution au regard des pertes passées, de la disparition annoncée des sommes d'argent issues du chiffre d'affaires réalisé par les titres et les exemplaires confiés à Presstalis ». Le CELIN veut également assurer à ses adhérents « sur le long terme un coût de distribution adapté à leurs formes et fréquences de publication, au plus juste et compétitif ».
Pour l’heure, la future activité de la CELIN est suspendue aux transferts des titres de ses 7 éditeurs depuis Presstalis, aujourd’hui leur distributeur exclusif. Des négociations vont débuter dans les jours qui viennent, nous a encore-t-on précisé. Sur l’organigramme à venir, une structure « très légère » est prévue alors que pour le moment son président n’a pas été désigné. La CELIN ne ferme en outre par la porte à d’autres éditeurs, que ce soit au sein de son capital ou pour une « simple » distribution. Quoi qu’il en soit, l’ARCEP a bien été informée de la création de la nouvelle coopérative, nous assure-t-on.
*: La coopérative des quotidiens souhaite voir à terme une coopérative unique, mais sans liquider Presstalis. La coopérative des magazines envisage de son côté un rapprochement immédiat de Presstalis avec son concurrent unique, les MLP, et considère que les quotidiens doivent assumer seuls le coût de leur diffusion. Le 16 avril, la conciliatrice Hélène Bourbouloux a proposé en outre que l'Etat finance une moitié des pertes liées au dépôt de bilan, évaluées autour de 120 millions d'euros, et en prête l'autre moitié aux éditeurs, en échange de leur investissement dans le futur système de distribution.