Réforme de l’audiovisuel : les 40 propositions des députés
Supprimer la publicité sur Radio France et France 5, fusionner la Hadopi et le CSA... : les députés ont frappé fort lors de la présentation jeudi de 40 propositions pour réformer l'audiovisuel. "Ces propositions visent à nourrir le débat public" en vue du futur projet de loi sur la réforme de l'audiovisuel qui devrait être prêt pour début 2019, et "nous verrons comment elles seront accueillies par le secteur", explique à l'AFP la députée LREM Aurore Bergé, rapporteure de la mission d'information "sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l'ère numérique", menée depuis février par les députés de la Commission des affaires culturelles, qui ont rencontré dans ce cadre plus de 200 acteurs du secteur. Elles devraient servir de base au projet de loi de Françoise Nyssen. "Ce rapport est un éclairage utile et un atout précieux pour la transformation de l'audiovisuel à venir", a réagi jeudi la ministre. "La révolution numérique et les acteurs qui ont émergé ne sont pas une menace en soi, ils en représentent une dès lors qu'ils ne jouent pas le jeu", a-t-elle poursuivi, soulignant le "contexte d'urgence" de la réforme de ce secteur "au poids économique considérable", et qui emploie 240 000 personnes en France. Ces propositions se classent en quatre thématiques : la lutte contre le piratage, les ressources des acteurs de l'audiovisuel, leur compétitivité et la visibilité de la création française. Les questions de gouvernance de l'audiovisuel public ont volontairement été laissées de côté pour ne pas "cannibaliser" le débat, a précisé Aurore Bergé. Pierre-Yves Bournazel, président de la mission d'information et député Agir, a regretté pour sa part cette omission et a tenu à évoquer l'audiovisuel public, notamment sur le mode de nomination des dirigeants et sur le rétablissement "transitoire" de la publicité entre 20 et 21H00 sur France 2, qui pourrait générer selon lui 60 millions d'euros. Aurore Bergé s'est dite personnellement opposée à cette mesure.
18 mois pour expérimenter la pub segmentée et géolocalisée
Le rapport propose également d'"autoriser la publicité segmentée et géolocalisée à la télévision dans le cadre d'une expérimentation de 18 mois", de "poursuivre la modernisation de la plateforme TNT et autoriser les dispositifs permettant aux éditeurs de recueillir des données relatives aux utilisateurs afin de diffuser des publicités segmentées", mais aussi d'"universaliser l'assiette de la contribution à l'audiovisuel par foyer", ce qui va dans le sens des annonces de la ministre de la Culture Françoise Nyssen mi-septembre. Ce changement d'assiette de la redevance permettrait de "supprimer la publicité sur Radio France - y compris sur ses espaces numériques - et sur France 5". "L'idée n'est pas d'affaiblir l'audiovisuel public, mais d'aider à mieux le singulariser", assure Aurore Bergé, qui estime à 100 millions d'euros les recettes de la redevance élargie, qui seraient affectées à Radio France et France 5 en compensation de l'arrêt de la publicité sur leurs antennes. Le document suggère également de "supprimer l’affectation d’une part de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques à France Télévisions, pour faire exclusivement reposer son financement public sur la contribution à l’audiovisuel public" et d’"assouplir la réglementation entourant les jours de diffusion des œuvres cinématographiques à la télévision, sans préjudice des obligations de financement des chaînes".
Radio : limiter les mentions légales
Côté radio, le rapport préconise de "limiter les mentions légales radiodiffusées – en dehors de celles relatives à la santé publique – (…) avec, par exemple, un renvoi intelligible vers un site internet dédié assurant la pleine information du consommateur" ou encore concernant les quotas "supprimer, sauf évaluation contraire, les dispositions introduites (en 2016) en matière de limitation des hautes rotations" ou encore d’"harmoniser les indicateurs de diversité musicale dans la programmation de Radio France avec les quotas applicables aux radios privées" et de "fixer un taux d’exposition des artistes ou œuvres francophones et de jeunes talents sur les pages d’accueil des sites et applications de musique à la demande". En matière de piratage, le rapport de la mission d'information rappelle que seules 88 sanctions pécuniaires ont été prononcées en 2017, dont une seule amende d'au moins 2 000 euros. Pour y remédier, le rapport suggère notamment de doter la Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet) d'un pouvoir de transaction pénale, c'est-à-dire "une base juridique qui permet d'aller beaucoup plus vite", selon Aurore Bergé. Une autre proposition envisage la fusion de la Hadopi et du CSA "pour créer une autorité unique de régulation des contenus audiovisuels". Plusieurs propositions s'attaquent en outre à "l'asymétrie" réglementaire et fiscale entre les acteurs traditionnels de l'audiovisuel et les plateformes type Netflix ou Amazon, sachant que la future loi audiovisuelle devra également transposer la directive européenne dite SMA, qui leur impose un quota de 30% de programmes européens. L'accent est aussi mis sur la parité, avec l'objectif de "rendre paritaire la composition des commissions spécialisées du CNC" ou le renforcement des obligations de France Télévisions en la matière, "notamment en ce qui concerne les réalisateurs auxquels le groupe fait appel". Concernant les relations entre producteurs et diffuseurs, "le point d'équilibre n'a pas été atteint", a jugé la ministre. "Je souhaite que dans les prochaines semaines un accord soit trouvé sinon l'État prendra ses responsabilités", a-t-elle ajouté. Le rapport ne dit pas autre chose, "à défaut d’un accord interprofessionnel, établir la chronologie des médias par la voie législative ». Les 40 propositions de la Mission d'information :