Paris s’attaque à l’affichage numérique dans les vitrines
Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la maire de Paris chargé de l’urbanisme, de l’architecture, du Grand Paris et des relations avec les arrondissements, n’en démord pas : « nous observons depuis plusieurs années dans les grandes villes le développement de ce que nous considérons comme de la publicité sauvage, la présence d’écrans numériques dans les vitrines des magasins ». Dans une conférence de presse en ligne vendredi, l’adjoint d'Anne Hidalgo a ainsi mis en avant différents types de ce qu'il qualifie de « prédation » en la matière. D’abord, la « prédation de l’espace public » avec un « détournement » du Règlement local de publicité (RLP) par ce type d’écrans qui profiteraient donc de l’espace public et de ses passages, à partir d’un espace privé. Pour lui, il s’agit également d’une « prédation économique » puisqu’aucun droit à redevance n’est ici perçu par la ville de Paris alors que les régies traitent directement soit avec les enseignes de grande distribution, soit avec les commerçants. Puis d’une « prédation environnementale » avec des matériels à « très forte consommation énergétique, pollueurs lumineux et particulièrement disgracieux », avance M. Grégoire. Tout en pointant certains panneaux numériques dotés de capteurs permettant le comptage des passages et même de déceler, pour certains, « le sexe et la tranche d’âge des personnes concernées » et procéder à de « la reconnaissance faciale ». Sur ces derniers points, il se dit « déterminé à porter le sujet vers une interdiction ».
1 200 écrans concernés
L’objectif est clair, faire bouger les lignes alors que la décision rendue en 2009 par le Conseil d’État avait exclu du champ d’application du Code de l’environnement, et donc d’un RLP, les publicités implantées à l’intérieur des vitrines des commerces, quand bien même elles ne seraient visibles que de la voie publique. La mairie a donc enclenché la semaine dernière une série de verbalisation de 5 régies présentes via leurs écrans dans les vitrines, pour une somme de 212,82 € précisément, par jour et par panneau. « Nous n’avons pas verbalisé les commerçants eux-mêmes », souligne-t-il, sans nommément citer les régies incriminées. En creux, Emmanuel Grégoire attend donc une réaction juridique de celles-ci, d'abord devant le tribunal administratif puis le Conseil d'Etat, afin de remettre le sujet sur la place publique et faire bouger la jurisprudence autour des 1 200 écrans actuellement concernés, selon une estimation des services de la mairie de Paris. « Le droit est dynamique. Ce n’est pas parce qu’en 2009 une décision a été rendue que les choses ne peuvent pas évoluer », plaide-t-il. « On verra si le droit nous donne raison » alors que le monde et ses priorités ont aujourd'hui « changé ».
Le SNPE réagit
Dans un communiqué vendredi, le Syndicat national de la publicité extérieure (SNPE) a réagi à la sortie d’Emmanuel Grégoire. S’appuyant sur l’avis aujourd'hui contesté par la mairie de Paris rendu par le Conseil d’État en 2009, il rappelle ainsi qu’une publicité numérique implantée à l’intérieur d’une vitrine d’un commerce « ne constitue pas une publicité sauvage et est parfaitement conforme au droit qui lui est applicable ». Pour lui, la verbalisation qui a débuté présente « des risques majeurs d’inconstitutionnalité dans la mesure où elle affecterait l’un de ses piliers majeurs qu’est le droit de la propriété ». Le SNPE souligne par ailleurs qu’il « n’existe pas d'écrans digitaux à reconnaissance faciale » qui n’auraient par ailleurs « aucun intérêt au plan publicitaire ». Mais qu’il existe en revanche des dispositifs digitaux équipés de capteurs de mouvements qui permettent « uniquement » de compter le nombre de passants et le nombre de véhicules qui passent devant le dispositif et « de qualifier l’audience réelle ». Une technologie respectant « scrupuleusement » à la fois les principes du « Privacy by Design » et du RGPD. Le SNPE met également en avant les dispositifs digitaux concernés ici et qui « intègrent 40% de contenus non publicitaires destinés à la promotion de messages de solidarité et de proximité qui participent ainsi à l’émergence d’une société plus responsable ». Quoi qu’il en soit, il menace : « Si des poursuites administratives et pénales devaient être prises à l’encontre de ces publicités, elles seraient immanquablement abusives et engageraient la responsabilité de la ville de Paris ».