Louis Carle : Maddyness veut devenir « un pure player européen »

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Avec le lancement tout récent de son offre éditoriale payante, le media Maddyness enclenche une nouvelle phase de son développement, entre régie publicitaire ambitieuse, croissance externe dans l’événementiel annoncée en exclusivité, la volonté affichée de rayonner en Europe et, pourquoi pas, faire son apparition dans le print.

Le cofondateur Louis Carle détaille ses ambitions. Interview.

CB News : Maddyness, qu’est-ce que c’est ?

Louis Carle : C’est un media digital que j’ai créé avec Etienne Portais en 2013. La logique était à l’époque d'aider les entrepreneurs à structurer cette génération de personnes qui voulaient changer le monde et avoir un impact plus concret sur l'économie ainsi que sur leur quotidien. C’était l’idée d’être le média de l’écosystème Tech. L’impact a toujours été aussi pour nous quelque chose d’important. Maddyness est une entreprise à mission et B Corp. Nous avons quatre grosses communautés que nous avons fédéré :  les entrepreneurs, les investisseurs, les corporate innovants et les service providers… Depuis 2013, nous accompagnons ces communautés qui sont aujourd’hui les décideurs économiques alors qu’il y a une dizaine d'années, elles étaient encore au tout début de leur capacité de transformation. Nous sommes un peu devenus le média de cette nouvelle génération.

CB News : Quelques chiffres ?

Louis Carle : Aujourd'hui, en quelques chiffres, Maddyness, c’est une quarantaine de collaborateurs (dont 10 journalistes avec carte de presse), c'est 1 million de professionnels qui nous lisent chaque mois, 200 000 abonnés à notre newsletter gratuite avec des partenaires tels que Natixis, Amazon, Bpifrance, Salesforce, BNP Paribas, Dior, LVMH… Nous avons par ailleurs un lectorat à 65% en Ile-de-France et à 50% féminin. Maddyness est rentable depuis sa création, excepté sur la période COVID. Nous visons 10 millions d’euros de chiffre d’affaires à l’horizon 2027.

CB News : Quel est votre modèle économique ?

Louis Carle : Pour nous, le vrai tournant s’est opéré avec l’arrivée dans notre capital à hauteur de 50%, début 2023, de Marc Menasé, fondateur de Founders Future, afin de pouvoir accélérer notre développement sur les services aux entreprises et l'internationalisation. Nous avons dans les faits structuré notre régie publicitaire et nommé une DGA chargée des revenus Tamara Magaram, afin de toucher au mieux les nouveaux décideurs économiques. Nous avons également deux gros piliers sur lesquels nous nous appuyons : le brand content structuré autour des Opérations spéciales et l'événementiel. Nous organisons ainsi la Maddy Keynote, une journée de conférences et de rencontres BtoB. Sa dernière édition qui s'est déroulée au Palais Brogniart à Paris a été un véritable step pour nous. Notre plus belle édition avec plus de 5 000 personnes et plus d'un million en ligne. Nous ambitionnons vraiment de connecter les écosystèmes, cela fait partie de notre mission.

CB News Vous venez de procéder à un rachat ?

Louis Carle : En effet. Nous venons de faire l’acquisition auprès de Sowefund du Fundtruck, un concours national de start-up qui se déroule en France et en Belgique sous forme d'un roadshow depuis 2015. Un événement qui vise à promouvoir l'entrepreneuriat et à accroitre la visibilité des jeunes entreprises dans une vingtaine de villes. L’idée est de faire en sorte d'accélérer leurs levées de fonds. C'est un vrai moyen pour les marques de toucher les territoires, les écosystèmes entrepreneuriaux, Impact et Tech, de chacune des villes dans lesquelles on s'arrête, puisque l'objectif est à chaque fois de s'associer. Pour nous, c'est aussi une première étape pour mieux s'ancrer dans les territoires de France, pour faire rayonner toutes les entreprises d'un peu partout. Parce que l’on a été très focus autour de la Tech avec peut-être un biais qui était, parfois, très ou trop centré sur Paris.

CB News : Et côté éditorial, quel est votre approche ? Certes s’adresser aux professionnels, mais est-ce que vous avez aussi une approche « pédagogique » ?

Louis Carle : Selon les études que l’on opère sur nos audiences, la majorité de notre lectorat a moins de 45 ans, ils sont à plus de 90% Bac + 5 et plus. Et l’on a 30% de doctorants dans les personnes qui nous lisent. Notre audience est plutôt celle de professionnels de la Tech et de l'Impact. Nous avons donc un lectorat de « sachants » qui est chez nous pour vraiment lire quotidiennement ce qui se passe dans son écosystème. En revanche, ce qui est certain, c'est que nous, nous avons un ton qui est de toute manière depuis notre création très pédagogique. Nous avons dès lors une approche très objective et très pragmatique. Ce qui nous différencie, je pense, c'est que nous sommes vraiment un média presque de pairs. Nous sommes des entrepreneurs qui s'adressent aux entrepreneurs.

CB News : Vous parliez diversification et du développement d’une activité de services aux entreprises

Louis Carle : Début 2024, nous avons effectivement mis en place MDVC qui est une plateforme, une véritable base de données des investisseurs qui comptent, à laquelle on peut s’abonner. Nous y délivrons l’expertise de chaque acteur, de la data. Ces types de fonds intéressés pourront même participer à l’enrichissement de la base. Nous avons aujourd'hui un peu plus d'une quarantaine de fonds d'investissement qui sont clients du service. En France, il doit y avoir autour de 500 fonds au total. Donc, en peu de temps, c'est presque 10% du marché.

CB News : Et puis vous venez de passer aux contenus payants avec Maddy+ ?

Louis Carle : Nous l’avons lancé en plein VivaTech. Les lecteurs y retrouveront des indiscrets, des enquêtes, des grands entretiens, des exclus, des avant-premières… L’objectif est affiché : sur les 200 000 abonnés de la newsletter gratuite, nous visons d’ici 2027 à transformer 15% du lectorat en abonnés payants, soit 30 000 environ. Cette nouvelle offre est un véritable enjeu pour nous, que ce soit pour défendre l'indépendance de la presse ou faire en sorte d'avoir un modèle qui est basé aussi sur notre lectorat. Ce que l’on veut, c’est vraiment se diversifier avec une nouvelle ligne de revenus basée sur nos lecteurs pour renforcer la relation qu'on peut avoir avec eux. Ce que l’on veut, c’est toujours et encore aider les professionnels à comprendre ce qui se passe dans les technologies et comment s'adapter à l'économie de demain.

CB News : Vous visez également l’international, même si vous êtes déjà présent à Londres depuis 2020 ?

Louis Carle : D’ici 2025, nous voulons nous installer en Espagne et en Italie. Mais nous avons en effet lancé notre activité outre-Manche entre le Brexit et le COVID (sourire). Les Britanniques étaient sur un moment assez particulier de leur histoire, mais avec un écosystème qui nous intéressait, très riche, d’envergure mondiale. Nous sommes arrivés là-bas dans une position de challenger, avec notre ton, toujours à viser le même type d’audience que nous avons dans l’hexagone. Les médias économiques, là-bas, visent un peu la même chose qu'en France, mais des écosystèmes qui sont un peu plus âgés. Nous y avons 300 000 lecteurs par mois.

CB News : Existe-t-il des ponts entre les rédactions françaises et anglaises ?

Louis Carle : On en crée, effectivement, mais ils ne sont pas forcément systématiques, parce que l’on traite vraiment de chacun des écosystèmes locaux. Avec des entreprises, parce qu'on ne peut pas parler de tout le monde, peut-être y en-a-t-il qui résonnent moins dans un territoire ou dans l'autre. Mais sur des entreprises communes à ces deux territoires, il y a moyen, il y a matière, forcément. En fait, c'est un peu tout l'enjeu. Mais nous sommes plutôt dans une approche macro-trends européennes. Et là, on va les traduire pour les deux pays.

CB News : Vous parliez d’Espagne et d’Italie…

Louis Carle : Au fond, il s’agit pour nous de commencer à constituer, ce qui est notre vraie volonté, avec une vision très européenne, un pure player européen pour commencer à fédérer les écosystèmes des différents pays, qui comme je vous le disais sont assez imperméables. Il y a très peu de porosité entre les différents marchés Tech, Impact et Entreprenariat. A termes, à l’internationale, la vision est d’opérer des synergies éditoriales, mais aussi de travailler sur des événements internationaux, sur notre brand content, nos OPS, pour également imaginer des opérations qui soient binationales ou internationales.

CB News : Est-ce qu’il est envisageable, un jour, d’avoir Maddyness en print ?

Louis Carle : On y a toujours un peu pensé. Nous sommes certes des enfants du digital, notre communauté y est également très engagée comme j’ai pu vous le dire. Le print nous a cependant posé quelques questions sur la partie Impact qui est un vrai sujet en tant qu’entreprise à mission, notamment sur l’utilisation et le devenir du papier lorsqu’il n’est plus utilisé. Mais nous trouvons ce support extrêmement premium. Qui permet un temps long de réflexion sur des notions de plus en plus complexes. Nous y réfléchissons aujourd’hui. Nos partenaires ont d’ailleurs beaucoup d’appétences pour ces supports luxe et premium.

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