Franck Riester et son projet de Réforme de l’audiovisuel, sans l’audiovisuel public

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(© Thierry Wojciak/CBNews)

« C’est un projet global, pas qu’un projet de loi ». Cela va mieux en le disant. Le ministre de la Culture Franck Riester a détaillé mardi devant l’Association des journalistes médias (AJM) son projet de loi sur l’audiovisuel pour deux parties, sur les trois qu’elle contient : la régulation et le financement de la création. En effet, la partie dédiée à l’audiovisuel public (organisation et gouvernance) devraient quant à elle être prochainement dévoilée. Le ministre souhaitant « séquencer » la présentation de son projet pour que chaque dossier soit pleinement exposé, sans qu’un seul phagocyte les autres. Donc, dans les faits, le texte global du projet sera transmis au CSA et à l’HADOPI mi-septembre, fin septembre au Conseil d’État pour une présentation « début novembre » en conseil des ministres et des discussions à l’Assemblée nationale qui devraient débuter début 2020. « Nous souhaitons avec ce projet réaffirmer notre souveraineté culturelle, notre modèle français de création et notre attachement à la liberté et à la vivacité de nos créations » a d’emblée indiqué Franck Riester. Pour lui, il s’agit de « réinventer » un nouveau modèle de financement et de diffusion des œuvres. C’est pour lui également le moyen pour les entreprises françaises « de pouvoir rivaliser avec les champions européens, anglo-saxons et même chinois », assure-t-il.

La pub segmentée en géolocalisée début 2020

Alors ? Sur la méthode, le ministre entend, parallèlement aux discussions à venir, préparer des décrets en matière de publicité qui entreraient donc en vigueur avant la fin de la promulgation du projet de loi. La modification du décret de 1992 sur la publicité sera à cet effet présenté fin septembre, transmis au conseil d’État fin novembre pour une mise en branle au 1er janvier 2020. « L’idée est d’assouplir la législation », prône-t-il, en autorisant la publicité segmentée et géolocalisée pour la télévision. Mais en interdisant la mention de l’adresse des établissements afin de ne pas « déstabiliser » les modèles économiques de la presse écrite et de la radio, souligne M. Riester. Les volumes horaires des publicités seront également limités en autorisant tout de même 2mn/heure d’antenne en moyenne quotidienne et jusqu’à 6 mn maximum d’heure d’horloge donnée. Le CSA en évaluera « très rapidement l’impact », assure-t-il. La publicité pour le cinéma sera par ailleurs ouverte dans le cadre d’une expérimentation de 18 mois. Cette ouverture sera encadrée par des quotas d'œuvres européennes et d'art et essai pour éviter que seules les grosses productions en bénéficient. La publicité pour le Télé-achat et celle pour une troisième coupures pub des œuvres seront également autorisées ainsi que sur des « écrans partagés » lors de retransmissions sportives. Sur ce dernier point, le CSA en donnera les modalités. Enfin, le ministre de la Culture annonce la suppression des jours interdits pour la diffusion de films de cinéma à la TV. Dans ce cadre, suppression du plafond pour les chaines cinéma et relèvement du plafond actuel des chaines « non cinéma », de 192 à 244 diffusions annuelles.

La fusion CSA-HADOPI

D’autre part, Franck Riester confirme la fusion du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) avec la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI), au terme d'une période de transition. La nouvelle structure sera à la fois chargée « de la régulation des communications audiovisuelles et des communications numériques ». Si pour l’heure le nom de la nouvelle instance est en débats dans les arcanes du ministère, celle-ci disposera d’un nouvel arsenal de compétences : plus de moyens, nouveaux moyens d’enquêtes via des agents assermentés, œuvrera à la lutte contre les infox, contre les propos haineux, contre le piratage, compétence autour du financement de la création ou encore dans la responsabilisation des plateformes. En revanche, pas de fusion avec le gendarme des télécoms, l’ARCEP. Ce scénario parfois envisagé ne prendra pas corps mais sera remplacé par une coopération « plus étroite » entre les deux instances, propose le ministre de la Culture. D’ailleurs, chacune désignera un de ses membres pour siéger au sein du collège de l'autre autorité et elles disposeront d'un système commun de règlement des différends qui permettra de gérer au mieux les bras de fer entre opérateurs de télécoms et chaînes de télévision, par exemple. Suivez mon regard.

… « que cela se passe bien… »

Un autre volet de la réforme vise à développer les financements des chaînes de télévision et des plateformes de streaming dans la création d'œuvres audiovisuelles et de films. Les plateformes devront, après des négociations avec le secteur, s'engager vis-à-vis du CSA à investir un pourcentage de leur chiffre d'affaires dans la création française et européenne, à l'image des chaînes de télévision à qui de telles obligations s'imposent déjà. Faute d'accord, c'est un décret fixant un taux plancher, a priori de 16%, qui s'appliquera. Si les plateformes comme Netflix ou Amazon Prime Vidéo échouent à respecter ces engagements, un arsenal de sanctions est prévu qui pourra aller jusqu'à une interdiction de diffuser leurs contenus en France. « Mais ce n’est pas l’idée, nous comptons sur la responsabilité des plateformes. Elles ont intérêt à intégrer notre écosystème de façon sereine », souligne Franck Riester. « Faisons en sorte que cela se passe bien », plaide-t-il. Des dispositions pour renforcer l'autonomie des producteurs indépendants vis-à-vis des chaînes sont également prévues.  En contrepartie de ces mesures, la chronologie des médias pourrait être révisée à l'été 2020 ou fin 2021 dans un sens qui leur serait plus favorable. De même, après le lancement de la TNT en 2005 puis de la TNT haute définition en 2008, le projet de loi va préparer le passage à l'ultra-HD, qui ne devrait intervenir qu'à l'horizon 2024.

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