L’Autorité de la concurrence veut desserrer les contraintes sur les chaines TV
L'Autorité de la concurrence a appelé jeudi à "desserrer les contraintes" qui pèsent sur les chaînes de télévision françaises, notamment en termes de publicité, pour qu'elles puissent concurrencer de manière plus équitable les plateformes comme Netflix ou Amazon. Saisi pour avis par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, en vue de la réforme de l'audiovisuel préparée par le gouvernement, le régulateur a présenté des propositions de réformes, visant à s'attaquer au corset réglementaire qui pèse sur les acteurs français du secteur. Pour la présidente de l'Autorité de la concurrence, Isabelle de Silva, il s'agit de "rétablir une forme d'équité des règles du jeu concurrentiel" entre "les opérateurs audiovisuels traditionnels, soumis à un ensemble de règles extrêmement contraignantes et datées, de tous ordres, qui n'ont pas évolué pour certaines depuis des dizaines d'années", et "des acteurs type Netflix qui se développent en n'étant soumis à aucune de ces règles".
Favoriser la pub ciblée
L'Autorité suggère notamment d'abolir la plupart des restrictions en matière de publicité à la télévision, notamment l'interdiction de la publicité dite ciblée, autorisée pour la publicité en ligne mais interdite sur les chaînes de télé nationales. Impossible à mettre en œuvre avec la diffusion hertzienne, elle serait en revanche possible avec la diffusion numérique via les box. Pour l’Autorité, il est « probable » qu’à l’avenir, la publicité en ligne et la publicité télévisuelle constituent de plus en plus « des alternatives entre lesquelles les annonceurs souhaiteront arbitrer » et, qu’en l’état, le cadre réglementaire de la publicité télévisuelle « ne permet pas cet arbitrage », justifie-t-elle. L'Autorité suggère en outre d'ouvrir les secteurs encore interdits de publicité à la télévision (à savoir l'édition, le cinéma et les offres promotionnelles de la grande distribution), ou à tout le moins d'engager des études et des tests, pour vérifier si ces interdictions, mises en place pour des raisons diverses (protection des recettes publicitaires de la presse régionale, défense de la diversité culturelle...) sont toujours économiquement justifiées. Arguant également que de toute façon il y a « incertitude sur l'efficacité du dispositif, dans la mesure où ces secteurs ont largement recours à la publicité digitale ».
De même, elle ne voit plus l'utilité d'interdire aux chaînes de diffuser des films certains soirs (les mercredis et vendredis soirs, le samedi ainsi que le dimanche avant 20h30) alors que les plateformes de streaming ne sont soumises à aucune restriction. Et elle propose en outre de réduire les obligations en matière d'investissements audiovisuels des chaînes, qui les empêchent actuellement de disposer de droits à long terme sur les fictions séries dont elles financent la production. Alors que Netflix et Amazon (et demain les futures plateformes de Disney, Apple...) produisent leurs propres contenus et détiennent dessus des droits mondiaux exclusifs. L’Autorité propose également de revoir la loi de 1986 sur le dispositif anti-concentration dont les dispositions « semblent dépassées ». Ses dispositions actuelles ne s'appliquant qu'aux opérateurs de télévision et « excluent donc une partie de plus en plus significative des fournisseurs de contenus ».
Sans attendre l’intervention de la loi
Enfin, l’Autorité de la concurrence appel de ses vœux à une réforme « dès que possible » via des décrets. Elle rappelle ainsi que ces adaptations « sont urgentes » pour éviter que les acteurs historiques ne soient « bloqués dans leurs efforts d'adaptation, et progressivement marginalisés sur le marché national et sur le marché international, ce qui nuira à terme à toute la filière ». Elle recommande donc « sans attendre l'intervention de la loi », que les dispositions relatives à la publicité et aux obligations de production dans les décrets du 27 mars 1992 et du 2 juillet 2010 soient « rapidement » réformées dans le sens de ses recommandations. (avec l'AFP)