Arnaud Lagardère remporte son bras de fer contre Amber Capital
Arnaud Lagardère a remporté mardi le bras de fer qui l'opposait à son premier actionnaire, le fonds activiste britannique Amber Capital qui souhaitait renouveler la quasi-totalité du conseil de surveillance du groupe puis écarter son gérant. Les 15 résolutions déposées par Amber, qui revendique 18% du capital et 14% des droits de vote, ont été rejetées par au moins 55% des suffrages lors de l'assemblée générale du groupe d'édition (Hachette) et de distribution dans les lieux de transport (Relay), qui avait lieu à huis-clos en raison de la crise sanitaire. "Vous avez voté sans appel en faveur de la gérance, en faveur de la stratégie du groupe, en faveur de ses perspectives", a déclaré M. Lagardère, le gérant-commandité, remerciant les actionnaires de leur soutien malgré "un espace médiatique plus que pris par des contestataires". "Ce score démontre au contraire la pertinence de la démarche d'Amber
Capital", a rétorqué le fonds dans un communiqué. "Nous serons présents dans tous les débats majeurs à venir, notamment celui
qui portera sur la transformation de la commandite en société anonyme et sur la mise en place d'une nouvelle gouvernance", a déclaré son fondateur Joseph Oughourlian. Amber a aussi regretté que Lagardère ait refusé de "remettre à un huissier
de justice copie des documents permettant notamment de s'assurer du juste décompte des votes".
Le scrutin avait donné lieu à d'ultimes passes d'armes et même à un communiqué du gendarme boursier au sujet de la prise en compte de voix. Il a connu un taux de participation de 79,1%, sensiblement plus important que d'ordinaire. Les résolutions déposées par la gérance pour ratifier les cooptations récentes de Nicolas Sarkozy et de l'ancien patron de la SNCF Guillaume Pepy au conseil de surveillance ont été approuvées à plus de 99%. Seul le mandat de Martine Chêne, ancienne représentante syndicale et au conseil de surveillance depuis 12 ans n'a pas été renouvelé, la résolution étant rejetée à 51%.
Amber, qui tentait de regrouper d'autres fonds et les actionnaires individuels, dénonce depuis des mois les choix stratégiques d'Arnaud Lagardère et sa gestion du groupe, et remet en cause le statut atypique du groupe en commandite par actions (SCA), qui permet à l'associé-commandité de se maintenir au pouvoir avec seulement 7,3% des parts. Le fonds avait déjà échoué en 2018 à faire élire deux représentants au conseil de surveillance. Selon une source proche du dossier, M. Lagardère - qui ne pouvait lui-même participer - a pu compter, comme en 2018, sur les 20% des droits de vote détenus par le fonds souverain du Qatar. De bons connaisseurs du dossier ont évoqué le rôle joué par Nicolas Sarkozy, ami de longue date d'Arnaud Lagardère et proche de la monarchie du Golfe, pour s'assurer du soutien de cet allié de poids. Selon la même source, le gérant a également profité des voix des investisseurs institutionnels français comme la Caisse des Dépôts, et des poids-lourds fraîchement débarqués dans son capital : le financier Marc Ladreit de Lacharrière, et surtout l'homme fort de Vivendi Vincent Bolloré, peu enclins à laisser un fonds étranger prendre le contrôle d'une entreprise encore stratégique. Lagardère détient notamment la radio Europe 1, le Journal du Dimanche et Paris Match.
« L'honneur ultime » de conserver « un rôle exécutif »
Vivendi a acquis très récemment plus de 10% des parts de Lagardère sur le marché, disant vouloir réaliser "un placement financier à long terme", et nourrissant les rumeurs sur une opération pour négocier un rachat des dettes d'Arnaud Lagardère en échange de l'abandon du statut du groupe. "Aucun projet de la sorte, ne serait-ce qu'exploratoire, n'a jamais été ni soumis ni présenté au conseil de surveillance", a répondu le secrétaire général et co-gérant du groupe Pierre Leroy lors de l'Assemblée générale, se refusant à plus de précisions "en dehors du cadre de l'information réglementée". "Cela laisse à penser que cela pourrait être annoncé dans un cadre plus solennel", a réagi Colette Neuville, présidente de l'Association des actionnaires minoritaires (Adam), interrogée par l'AFP.
L'héritier unique de Jean-Luc Lagardère, fondateur de l'empire industriel et médiatique décédé en 2003, devra néanmoins composer avec ses nouveaux soutiens et n'a pas répondu aux questions sur sa solvabilité personnelle, alors qu'il est responsable indéfiniment sur ses biens personnels des dettes du groupe. Répondant à l'éditeur et actionnaire du groupe Christopher Calmann-Levy, qui lui suggérait d'un ton sarcastique de se "satisfaire d'une présidence d'honneur" plutôt que de vouloir "sauver (son) blason en déroute, conserver (son) fief fissuré, et maintenir le faste de (son) train de vie insatiable", Arnaud Lagardère a évoqué "l'honneur ultime" de conserver "un rôle exécutif".