Les acteurs de l’audiovisuel ambitionnent de s’organiser en filière

Publicité TV et radio : quels secteurs se retirent et quels secteurs maintiennent leur présence?

Concurrence des plateformes américaines, incertitude sur le financement de l'audiovisuel public, pluralisme à défendre : les acteurs du secteur de l'audiovisuel français, public et privé, veulent s'organiser en filière.

C'est Rodolphe Belmer, à la tête du groupe TF1, qui a mis les pieds dans le PAF (Paysage audiovisuel français) lors d'un débat organisé vendredi au Festival de la Fiction de La Rochelle. "Nous discutons entre nous de l'organisation des acteurs du secteur en filière", a lancé le dirigeant au début d'un échange de deux heures aux côtés de ses homologues. "Toutes les industries sont organisées de la sorte, nous sommes jusqu'ici morcelés ; idéalement, nous voudrions mettre en œuvre cette filière à la mi-octobre", a précisé M. Belmer in fine. Ce calendrier vise un premier objectif : peser sur les débats pour "le  financement d'un audiovisuel public pérenne et visible", a appuyé le dirigeant de TF1, pourtant mastodonte du privé. "Car on l'a toujours dit, l'audiovisuel public est un acteur essentiel de l'écosystème français", a insisté M. Belmer. Depuis la fin de la redevance en 2022, l'audiovisuel public est financé par une fraction de TVA, selon un mécanisme temporaire, jusqu'à fin 2024.

 Delphine Ernotte-Cunci, présidente du groupe France Télévisions, tire le signal d'alarme depuis cet été : sans vote sur un financement pérenne d'ici fin 2024, "l'année prochaine, le service public audiovisuel sera budgétisé comme n'importe quelle commodité" et "ce n'est pas un bon système pour garantir l'indépendance". Ce que la dirigeante a redit à La Rochelle : "C'est bien que ce soit M. Belmer, dirigeant de TF1, leader du secteur, qui propose cette idée d'une filière qui se défend ensemble, c'est assez fort dans cette période". Le responsable de TF1 a confié que ce projet est le fruit de discussions en amont mais que le dire à La Rochelle était "une bonne occasion alors que toute la profession est réunie" pour présenter ses séries phares en avant-première.

Des combats communs

A l'entendre, cette filière doit encore officialiser une ligne commune, mais M. Belmer a brossé quelques combats à mener, ces "sujets qui pèsent sur l'ensemble du financement du secteur". "Le statut de l'intermittence, le financement du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée), la régulation de l'intelligence artificielle", a-t-il ainsi énuméré. "Il faut sanctuariser le statut d'intermittent, sans ça comment on produit ?", a rebondi Iris Bucher, présidente de l'USPA (Union syndicale de la production audiovisuelle), autre intervenante. "Il y a une autonomie du CNC à préserver", a aussi souligné Nora Melhli, présidente du collège audiovisuel du SPI (Syndicat des producteurs indépendants).

 M. Belmer a glissé qu'une telle filière de l'audiovisuel n'empêcherait en rien un jeu "concurrentiel". "Chacun doit tenir son rôle, il y a parfois des escarmouches, ça maintient éveillé, en bonne santé", a-t-il souri. Il y a près d'un an, réclamant davantage de contrôles, TF1 a déposé plainte auprès de l'UE pour "aide d'Etat illégale" en faveur de France Télévisions. Le débat de La Rochelle a montré des différences d'analyse, comme entre M6 et TF1 dans les dangers représentés par les plateformes américaines. Pour M. Belmer, le "grand sujet, c'est YouTube", un support "low-cost" qui aspire les publicités avec des coûts de spots bas en raison de programmes courts. Or TF1 mise sur des programmes longs, notamment dans la fiction, qui doivent être financés par spots publicitaires au coût plus élevé. Pour David Larramendy, président du directoire du groupe M6, la menace est toute autre : "Il ne faut pas sous-estimer la volonté hégémonique de plateformes comme Amazon, qui ne viennent pas pour être un acteur parmi les autres". M. Belmer s'est également prononcé contre "une privatisation du service public", projet porté par le Rassemblement national lors de la campagne des législatives : "pour l'ensemble du secteur et la démocratie, ce serait une très mauvaise nouvelle". "Moins de service public, c'est moins de pluralisme, on va vers une pensée unique", a martelé Jean-Paul Philippot, administrateur général de la RTBF (télévision publique belge), regard à la fois international et voisin. Autre péril d'une telle privatisation: "le marché publicitaire n'est pas extensible", a pointé M. Larramendy.

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