Les 13èmes Rencontres de l’UDECAM en mode idées, annonces, débats et combats…
Les 13èmes Rencontres de l’UDECAM ont encore une fois encore attiré les foules jeudi. Salle Pleyel, le grand baroud annuel a réuni agences, médias et marques autour du thème du « New Deal Media ». En préambule, le président de l’association des agences médias Raphaël de Andreis posait les bases d’une matinée de discours, keynotes et autres échanges : « le temps de renouveler la biodiversité est venue. De nouvelles espèces de médias sont apparues, en offrant des opportunités de distribution et de contact vertigineuses ». Et d’ajouter : « il faut mettre plus de bon sens, de qualité, de mesure dans nos approches ». Face au vertige, le ministre de la Culture Franck Riester a dressé pragmatiquement dans un discours les principes de la réforme de l’audiovisuel qu’il prépare et dont les grandes lignes ont été dévoilé en début de semaine devant l’Association des journalistes médias. Relevant que la loi de 1986 est « datée et inadaptée », il réaffirme la fusion du CSA avec l’HADOPI, que ceux qui diffuseront les œuvres devront aussi être « ceux qui les financent », tout comme le secteur devra se passer d’une augmentation du volume publicitaire à la TV alors que les secteurs interdits, la publicité pour le cinéma par exemple, sera possible sous conditions.
Des annonces…
Mais la matinée aura également été le théâtre d’un certain nombre d’annonces. La présidente de Radio France, Sibyle Veil a ainsi annoncé le lancement de la personnalisation sur l’appli de la Maison ronde avec la possibilité de créer « sa propre radio » (lire à cet égard l’interview de Sibyle Veil dans le nouveau numéro de CB News qui vient de paraître, ndlr). Invité (presque) surprise, Philippe Carli, président du discret groupe de presse EBRA (Le Dauphiné Libéré, Le Progrès, L’Est républicain, L’Alsace, Les Dernières Nouvelles d’Alsace, Le Bien Public, Le Journal de Saône et Loire, Le Républicain Lorrain, Vosges Matin). Le dirigeant a indiqué avoir engagé son groupe dans le « digital first » où « l’ensemble des rédactions travailleront comme avec une grille de programmes, de 6h à minuit, fournissant toute la journée informations et services à nos lecteurs », ambitionne-t-il. « Nous ne faisons désormais plus seulement un journal », ajoute-t-il. M. Carli annonce également la mise en place d’une « digital factory » qui partira à la « recherche des meilleures pratiques numériques » alors qu’une Académie EBRA est constituée afin d’accompagner la formation de journalistes. Enfin, le projet baptisé « Métropole » aura pour mission d’améliorer pour le groupe « la pénétration des centres urbain ». Un investissement de 20 millions d’euros, concède le président d’EBRA. Le groupe avait annoncé en juin dernier qu’il serait amené à supprimer 386 postes dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).
« Les plateformes doivent composer avec le réel »…
Le président des Echos-Le Parisien Pierre Louette a quant à lui plaidé pour que son groupe s’engage « encore plus dans le combat pour la planète ». « On ne peut pas être au balcon, il nous faut descendre et être dans l’arène avec un message », assène-t-il. Une volonté affichée qui se traduira par une plus grande importance attachée aux articles et reportages dédiés aux thématiques environnementales, climatiques, RSE, etc. Ironique et mordant, Pierre Louette a profité de tout l’espace de la scène de Pleyel pour également faire part de son sentiment sur les relations médias-plateformes. Parlant de situation « inacceptable », il martèle : « je ne crois pas à la fatalité des idiots utiles du numérique qui produisent du contenu de qualité utilisés par d’autres ». Ces plateformes qui, pour lui, drainent « 40% du temps passé sur Internet pour seulement deux d’entre elles » alors que « 80% des revenus leur reviennent ». Si la prise de conscience « est là », elle a été « longue à venir, bon sang ! ». Il voit ainsi d’un bon œil la mise en place des droits voisins dont il discutera avec les plateformes, étant désigné par l’Alliance de la Presse d’Information Générale pour négocier. « Nous voulons trouver la voie d’un équilibre. Les plateformes doivent composer avec le réel. Et c’est facile, il y a la loi », glisse-t-il.
Pub adressée : un marché entre 200 et 400 M€
Nicolas de Tavernost, président du directoire du groupe M6, est pour sa part intervenu sur scène pour plaider la cause de la publicité segmentée/géolocalisée pour la TV linéaire, que la future réforme de l’audiovisuel pourrait autoriser par décret dès le début 2020. Un marché français qui pourrait osciller entre « 200 et 400 millions € », prédit le dirigeant. Un marché qui pourrait accueillir « 41% de nouveaux annonceurs », se réjouit-il.
Le Monde sort son Plan B avec Facebook
L’UDECAM a également réunit sur scène jeudi, le président du directoire du groupe Le Monde, Louis Dreyfus, et Laurent Solly, vice-président de Facebook France et Europe du Sud. Un échange parfois aigre-doux qui mettait en avant le partenariat des deux entreprises en matière d’abonnements, de vérification de l’info et la création d’un nouveau programme sur le réseau social. On apprend ainsi que si Le Monde recrute entre « 300 et 400 abonnés nets par jour » pour afficher 205 000 aujourd’hui, Facebook y est aussi pour quelque chose. Le réseau social est ainsi « moteur d’abonnements, 1ère source de recrutement externe », via sa plateforme et l’expertise de ses audiences, à hauteur d’une quinzaine de pourcent, souligne M. Dreyfus. Ce dernier relève tout de même que « 80% de nos recrutements d’abonnés se font en propre ». « Nous croyons pouvoir aider à la transformation des médias », assure Laurent Solly. « Nous avons la volonté de construire ensemble cette évolution ». Le duo a en outre annoncé la diffusion de « Plan B », des vidéos de 8 minutes diffusées pendant 44 semaines sur des thématiques environnementales qui mettront en avant des personnalités qui essaient de contribuer à l'amélioration de la planète. Celles-ci seront visibles tous les dimanches (21h30) à la fois sur Facebook Watch, la plateforme vidéo de Facebook, et sur son propre site. Pour Le Monde, il s'agit aussi d'accélérer dans la vidéo, avec une équipe dédiée de 12 journalistes et 3 motion-designers qui travailleront sur le programme. Le partenariat avec Facebook permet de « financer le développement du groupe et reste en pleine indépendance », a assuré Louis Dreyfus.
Soutenir la démocratie européenne...
Enfin, le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, entré au capital de plusieurs médias (Le Monde, Marianne, Elle, Version Femina, Art & Décoration, Télé 7 Jours, France Dimanche, Ici Paris et Public…) a fait sa déclaration d’amour à l’assemblée de l’UDECAM, indiquant que ses investissements étaient motivés « par l'ambition de soutenir la démocratie européenne et de lutter contre le populisme ». Il a ainsi tenu à détailler « ses motivations personnelles pour investir dans la presse et plus spécifiquement dans la presse française ». M. Kretinsky a ainsi déploré que le numérique ait « ouvert la porte aux flux massifs et sauvages d'informations à la qualité et légitimité inconnues ». « Pour la première fois dans l'histoire de nos démocraties, nous sommes dans une situation où la population est massivement confrontée aux manipulations, aux mensonges, aux informations pas vraies », a-t-il regretté, s'exprimant en français. Un phénomène « massivement accéléré par les GAFA » : « Google, mais encore plus Facebook, vit de cette masse énorme d'informations de qualité inconnue », avec pour conséquence d'affaiblir les médias traditionnels et les sociétés démocratiques, selon lui. « Les jeunes, qui passent la majorité de leur temps sur les réseaux sociaux, votent pour des populistes, des manipulateurs ou des amateurs qui ne comprennent pas le métier de politique. Cela a des conséquences très graves en Europe et je suis persuadé que cette tendance va s'accélérer », a ajouté le magnat. « L'ambition de soutenir le journalisme traditionnel est l'ambition de soutenir la démocratie européenne et de lutter contre la manipulation et le populisme », a-t-il assuré. Afin d'y remédier, il a estimé qu'une « action législative » pour responsabiliser les GAFA était nécessaire : « Je ne vois aucune raison pour laquelle une page Facebook avec une audience de millions de personnes n'ait pas la même responsabilité qu'une société médiatique ou un journaliste ». Autre priorité pour les médias selon lui : « trouver des formats européens » permettant à des médias de plusieurs pays de construire des outils technologiques communs. Son choix de la France pour ses investissements ? Une « raison émotionnelle, car j'aime votre pays, dans la période communiste la France symbolisait le monde libre », ainsi qu'une « raison rationnelle, car je crois que la France a une voix très écoutée en Europe et globalement ».