Une enquête sur l'ampleur des violences sexistes et sexuelles dans les médias
Dans les médias, les violences sexistes et sexuelles sont "massives", selon une enquête menée en ligne auprès de 1 800 journalistes et étudiants en journalisme par les collectifs NousToutes, Prenons la Une et Paye Ton Journal, qui recense des cas dans plus de 200 rédactions. Cette enquête, baptisée #EntenduAlarédac et lancée fin février dans la foulée de l'affaire de la "Ligue du LOL", visait à mesurer l'ampleur des violences sexistes et sexuelles au travail dans les rédactions françaises, en recueillant notamment des témoignages au sein de la profession. Sur les 1 837 réponses (dont 271 émanant des écoles de journalisme), 1 500 personnes déclarent avoir été victime ou témoin d'au moins un agissement sexiste dans le cadre de leur travail. Parmi elles, 199 personnes victimes d'agression sexuelle ont témoigné (dont 188 femmes) et 2 viols ayant eu lieu dans le cadre du travail ont été rapportés. Les collectifs, qui précisent que les répondants ne sont pas statistiquement représentatifs des journalistes en général (76% ont moins de 40 ans, 80% sont des femmes), estiment toutefois que l'ampleur des réponses et la diversité des rédactions concernées (270) "montrent que la thématique est d'actualité partout".
Les directions ne traitent les violences que dans une petite partie des cas
Parmi les principaux enseignements de cette enquête, il apparaît que les violences sont "plus fréquentes à la télévision que dans les autres médias" et "plus fortes vis-à-vis des femmes racisées et des hommes homosexuels". Ces violences "commencent dès l'école de journalisme", les pigistes y sont plus régulièrement exposées et les remontées d'information dans les rédactions ne fonctionnent pas, estiment les organisations qui ont mené cet exercice. "Les rédactions citées dans l'enquête ne disposent d'aucun système efficace de remontée d'information en cas de violences. Dans 83% des cas, les faits de harcèlement sexuel ou d'agression sexuelle ne remontent pas aux RH (ressources humaines) ou à la direction", notent ces collectifs. Et "lorsqu'elles sont informées, les directions citées dans l'enquête ne traitent les violences que dans une petite partie des cas. En effet, dans 60% des cas d'agression sexuelle comme dans 70% des cas de harcèlement, les rédactions n'ont pas réagi suite au signalement".
Des extraits de témoignages sont également publiés, ainsi qu'une liste des rédactions et écoles d'où proviennent celles et ceux qui se sont confiés. Dans le sillage de l'affaire de la "Ligue du LOL", ce groupe de communicants et journalistes dont certains membres ont été accusés de cyberharcèlement dans les années 2010, une dizaine de mises à pied ont été décidées, tandis que Libération et Les Inrocks se sont chacun séparés de deux journalistes impliqués. La mise au jour de ces faits a déclenché de nouvelles dénonciations en chaîne d'un sexisme encore souvent bien ancré dans les rédactions, mais aussi de cas de harcèlement, après une première vague de révélations à la suite du mouvement #Balancetonporc. Rien que cette semaine, trois nouveaux cas ont été évoqués : au Monde, où l'on a appris que huit femmes, des attachées de presse pour la plupart, ont déposé plainte mercredi contre un journaliste du quotidien après avoir reçu des photos de lui nu en 2016 et 2017, des faits dus selon sa famille à un traitement médicamenteux. Le Parisien a révélé que cinq femmes avaient déposé plainte contre un responsable des jeux d'Europe 1, également délégué syndical, pour harcèlement moral et sexuel. Ce dernier conteste les faits et a déposé plainte à son tour pour "harcèlement moral" et "discrimination". Le site Streetpress a raconté comment un cadre de RMC a été "poussé vers la sortie après des comportements déplacés et misogynes". (avec l’AFP)