Alimentation : Materne et Kantar veulent mieux doser le sucre en rayons
Faut-il limiter sa consommation de fruits ? Pour répondre à cette question qui inquiète les consommateurs français à l’heure du bio et de la transparence, la marque de compotes industrielles Materne et Kantar ont invité la presse et plusieurs experts de la nutrition à en débattre avec en toile de fond, une étude de marché ayant exploré la composition des caddies des acheteurs. Sucres cachés, naturels ou raffinés, sels, gras, lactose, les deux partenaires font ainsi le point sur les goûts et les attentes des consommateurs, dans une époque où chacun nage entre mille et une recommandations.
Le consommateur est attentif à sa santé
Le sucre est-il devenu l’ennemi numéro 1 des consommateurs ? Si cet ingrédient attire toujours les gourmands, il est néanmoins consommé avec modération. Selon les constatations de Kantar, présentée autour d'une table ronde avec Materne à Paris la semaine dernière, les consommateurs sont en effet plus attentifs à leur santé avec des comportements moins impulsifs à l’achat, en comparaison aux années précédentes avec, pour conséquences, des catégories sucrantes désinvesties dans les rayons des commerces (toutes surfaces confondues). Bénéficiant d’un pouvoir d’achat un peu plus élevé (tout comme un taux d’épargne), qu’en 2008 (inflation forte et petit panier d’achat), ceux-ci ont désormais la possibilité de choisir parmi de nombreuses catégories de produits. Des achats qu’ils ont progressivement valorisés, préférant alors consommer moins mais mieux (notamment en lisant scrupuleusement les emballages et se fiant au nutri-score et applications) mais faisant moins confiance aux marques , appellations et labels bio (perte de 5,2 pts en 6 ans selon le baromètre Promothée « Inspire confiance » - 414 marques PGC suivies en continu depuis 2013).
Le sucre ? Ils ne peuvent pas s’en passer
Toujours selon la méthodologie, présentée par Franck Gardillou, directeur de Business Unit au sein de l’Institut de panel de Consommateurs Kantar World Panel, le sucre reste un aliment phare dans nos assiettes puisque 92% des Français mettent au moins un produit sucré dans leur panier (cette année). Ils se tournent toutefois vers des sucres plus sains : le sucre brun (en progression), le sirop d’agave, le miel (avec la présence de ruches locales, 13 millions de points de contacts supplémentaires) et les compotes (8 points supplémentaires parmi la clientèle depuis 2011 soit 36 millions de points de contact. ces compotes sont d'ailleurs présentes dans le dessert ou le goûter d'un quart des enfants. Grand désarroi donc pour les boissons sucrées (type sodas) et pour les confitures, qui sont alors délaissés dans les rayons (depuis 2001 avec moins 3 points).
La consommation de confiserie elle, en revanche, toujours réconfortante pour les papilles, reste stable. En chiffres donc, cette nouvelle façon de consommer se traduit par la perte de 4 points de taille de clientèle (consommation de sucre) depuis 2001 (92,5% en 2018), soit plus de 8 millions de points de contact. Pour aller plus loin, l’étude s’est également penchée sur la mutation des repas des consommateurs, impactant considérablement leur goûts et leur appétit.
Toi, le français, tu manges quoi ?
Si 81% des Français prennent trois repas par jour, d’autres en revanche, sont adeptes du snacking (grignotage), à 19%, à divers moments de la journée (Food Usage – Consommation à domicile et emportée du domicile – Individus – CAM P13 2018). Enfin, la majorité se restaure en famille, à domicile et jusqu’à six fois par semaine (96%), contre une minorité qui emporte un repas. Ils sont également de plus en plus nombreux à préférer les préparations artisanales (types jus de fruits maison) et à éviter les autres types de jus ou le lait (en recul) et même le pain. Côté snacking cette fois-ci, les résultats sont mirobolants : les consommateurs démultiplient les pauses goûter, louchant parfois sur des produits très sucrés le soir, en majorité chez les adultes.
Bonne nouvelle pour les adeptes du manger sain : la consommation de fruits dans ces moments de petites faims, augmente. 99,3% de foyers en achètent, 7 personnes sur 10 en consomment jusqu’à 5 fois par semaine (plus forte consommation séniors). 8% de fruits sont également présents dans le petit-déjeuner, la consommation étant renforcée par la tendance des recettes détoxifiantes.
Enfin, les fruits se retrouvent fréquemment dans l’assiette des plus jeunes (pommes et bananes dans le top des assiettes des moins de 10 ans), tout comme les légumes. Ainsi, par tradition ou besoin de conserver des bonnes habitudes, cet aliment reste un pilier de l’alimentation. Comme le précise également Charles Soussin, diplômé de l’École hôtelière de Bordeaux Talence « s’il y a une tendance, dans la restauration, à dé-sucrer les pâtisseries avec du coco, de l’érable, ou du sucre brun et roux, le fruit garde sa place et il ne faut pas, pour autant faire sans ».
Petits et grands en quête d’équilibre alimentaire
Problème, si les nouvelles technologies permettent aux consommateurs d’être mieux informés sur les produits qu’ils consomment (applications, réseaux sociaux, recommandations de proches, avis vérifiés, etc), tous ne font pas correctement le tri entre les bonnes et les mauvaises recommandations. Entre fringales et privations donc, l’écart se creuse… Quant à l’inquiétude des parents pour bien nourrir leurs enfants, elle s’accroît face à la multitude de recommandations entendues ici et là. Le sucre est-il alors bénéfique, ou à l’inverse diabolique et à l’origine de troubles du comportement et d’addictions ? Invitée à répondre au cours de l’échange, la nutritionniste Corinne Chicheportiche-Ayache explique que « les patient surinformés ne font pas toujours preuve de discernement et que l’afflux d’informations est contre-productif » et que adultes et enfants sont face à une « perte de repères ». Côté transmission de bonnes habitudes justement, il en va, là encore, aux parents d’éduquer le palais des plus jeunes, déclare l’agronome et fondatrice de l’association Pommes et Sens, Marie-Claire Thareau : « L’OMS recommande 100 grammes de sucre par adulte mais on les dépasse facilement à cause des aliments transformés. Il faut donc faciliter la découverte des aliments aux plus jeunes pour les éveiller ». Enfin, les Millenials, bien qu’informés des pièges de la grande consommation, achètent moins sucrés mais sont encore en proie aux produits transformés, trompés alors par certains packagings en rayons.
Les Français bons élèves face au reste du monde ?
Autre point abordé autour de la table ronde, la consommation de sucre au niveau international puis national. Mais pour comprendre l’attachement des Français au sucre, il faut faire un bond dans le temps. « Si au départ cet ingrédient a longtemps été présent sur les marchés arabes et italiens et qu’il est ancré dans la tradition française, il était davantage consommé au temps de nos ancêtres qu’à l’heure actuelle », décrypte Patrick Rambourg, membre de l’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation et chercheur associé au Laboratoire « Identités Cultures Territoires » de l’Université Paris Diderot. La raison de cette appétence ? Qu’entre « le XVIIème et le XIXème siècle, le sucre allait en fin de repas et qu’il était très représenté dans l’art avec les notions d’enfer et de paradis. Et puis, Louis XIV appréciait beaucoup le melon. Au Moyen-âge , le sucre était un médicament. Autre exemple, on avait pas les mêmes besoins nutritifs qu’à l’époque, comme par exemple au sortir de la guerre ». Mais bonne nouvelle pour les experts de l’alimentaire, les Français seraient bons élèves en matière de consommation de sucre (tous types confondus), comparés à d’autres citoyens du monde. Parmi les becs sucrés, on référencerait surtout les Anglais, les Italiens, les Espagnols et les Américains. Quant aux champions de l’alimentation, nous devrions prendre exemple sur nos voisins belges et hollandais.
S’adapter au goût des français sans frustrer, le défi des industriels
Par ailleurs, si les marques ont saisi les attentes des consommateurs en matière de « mieux manger », elles sont encore confrontées à un entre-deux dans leurs processus de fabrication de produits, oscillant alors entre des produits très sucrés pour satisfaire le palais des grands et des petits, ou pour des solutions pauvres en sucres et diluées, pour prétendre innover sur le marché en proposant des recettes allégées. Le défi de Céline Richonnet d’ailleurs, diététicienne, nutritionniste pédiatrique et ingénieure agroalimentaire, aujourd’hui directrice Nutrition de Materne : « Il faut s’adapter aux goûts des uns et des autres. Pour cela nous faisons des tests produits avec différents taux de sucres et les enfants y réagissent plutôt bien. Nous travaillons d’ailleurs avec l’INRA et l’Institut Paul Bocuse à Lyon pour interroger des parents, des enfants justement et des experts à ce sujet ». Aussi, si la marque propose des compotes en gourdes allégées en sucres et sans conservateurs depuis près de deux ans, pas question pour le groupe, de trop réduire l’indice glycémique de ses recettes, au risque de créer l’effet inverse : des comportements compulsifs (anorexie, boulimie, AVC, obésité abdominale, etc). Materne travaille par ailleurs sur l’inclusion aux graines et regarde de près les tendances alimentaires aux Etats-Unis et au Canada : les boissons composées de fruits et de légumes. Autre défi touchant plus largement la grande consommation et les industriels : la chaîne de production du monde agricole qui se voit impactée par la perte de propriétés nutritives des fruits ou du nombre d’espèces (pommes en diminution) ; des produits issus de la terre à l’origine mais qui de nos jours, sont génétiquement modifiés par l’homme (exemple du kiwi jaune sans poils en Australie) pour convenir à divers (nouveaux) standards.
Le sucre est ainsi l’affaire de tous dans une juste limite de consommation et concerne aussi bien le simple consommateur debout sur sa balance et en quête de sens et de qualité dans ses achats, que le groupe industriel et le producteur fournissant ce dernier. Reste encore l’alternative des recettes à base de graines pour se fournir en énergie au besoin, ou la préparation de recettes à domicile pour faire taire les horribles gargouillis furieux de son ventre et apaiser (enfin) sa conscience, à l’heure des infos et des fake news.