Le temps de gamberger
J’ai quand même un doute. Je me demande si nous vivons tous dans le même espace-temps. Je ne lance pas ça au hasard, histoire d’alimenter la conversation. Non, c’est Bruno Lemaire qui me fait douter. Oui, le ministre de l’Économie qui m’a l’air pourtant d’être un garçon très au fait de la marche du monde. Mais quand il dit que l’Europe est parfaitement capable de produire sa propre intelligence artificielle d’ici cinq ans, je m’inquiète un peu. Parce que je comprends parfaitement l’enjeu (comme quoi, même si la théorie de la relativité restreinte reste une énigme pour moi, je suis accessible à certains raisonnements). On ne peut pas laisser les Américains penser à notre place, même artificiellement. C’est un enjeu de souveraineté, comme disent les gens sérieux. Sauf que cinq ans dans l’univers numérique, c’est à peu près comme 50 dans le vrai monde. Mais oui Bruno ! Tiens, pas plus tard que jeudi, l’Unesco a averti que la combinaison de l’IA avec les neurotechnologies pouvait aboutir à ce que, je cite : « des algorithmes permettent de décoder les processus mentaux des gens et de manipuler directement les mécanismes cérébraux sous-tendant leurs intentions, leurs émotions et décisions ». Là on ne rigole plus avec le petit Chat, aussi GPT soit-il. Et ce n’est pas dans cinq ans, Neuralink, une boîte qui appartient à un certain Elon M, a reçu l’autorisation aux États-Unis de tester ses implants électroniques sur des humains. Autant dire qu’on n’a pas trop le temps de gamberger. D’un autre côté, si ça me permet de comprendre enfin les règles du rugby, je veux bien essayer. J’aurai peut-être l’air moins bête quand la Coupe du Monde commencera. Dans moins de deux mois.