Scoop et coupes
L’autre jour, je vous faisais part de mes réflexions sur la baisse du nombre de journalistes par dizaine de milliers. Mais parfois, il suffit du départ d’un seul pour s’affliger. Je parle naturellement de Jean Daniel. Le Nouvel Obs, la gauche non communiste, les combats pour l’avortement, contre la peine de mort. Tout ça… Mais pour moi, Jean Daniel c’est un scoop. En 1963, il va interviewer John F. Kennedy à Washington, lequel le charge d’un message pour Fidel Castro qu’il doit rencontrer quelques jours plus tard. Nous sommes en pleine guerre froide et Jean Daniel se rend à Cuba et rencontre Castro. Pendant l’interview, un conseiller leur apprend la mort de Kennedy, son ennemi, celui-là même qui lui avait envoyé ses troupes pour le destituer. Quand j’avais lu cette histoire, il y a des années, je m’étais dit qu’elle résumait tout le talent que pouvait avoir un journaliste. L’alliance de la ténacité nécessaire pour décrocher de telles rencontres et de la chance — qui ne se mesure pas — d’être là au bon moment. Évidemment, il n’y avait pas internet et il a fallu des jours pour que le public lise les papiers que Jean Daniel avait dû taper sur sa machine à écrire Underwood ou Olivetti. Et il ne pouvait pas, lorsqu’il changeait d’avis, faire ctrl C ctrl V. Parce que Larry Tesler, n’avait pas encore inventé le copier-coller. Lui aussi est mort cette semaine et il mérite un grand merci au nom de tous les scribouillards hésitants. Par contre je ne sais toujours pas qui a inventé le ctrl Z. Celui-là, il faudrait lui ériger une statue. Pour toutes les conneries qu’il a permis d’effacer.
PS : Sale semaine décidément. J’apprends en bouclant cet édito, que Bruno Scaramuzzino nous a quittés brutalement vendredi. Avant d’être le fondateur des agences Verbe, Euro RSCG Publishing et Meanings, il avait commencé comme journaliste à CB News. Depuis quelques années, Bruno avait décidé de vivre sa passion pour l’art africain contemporain et après avoir vendu Meanings, avait fondé B’zz, une galerie boutique spécialisée. Passionné de mots et de communication, grande gueule au grand sourire, Scaramuzzino laissera surtout un grand vide. Salut mec !