Le poids des mots
Balance. Un mot aux multiples sens. Il évoque l’équilibre entre les poids, entre les sons, entre les arguments. C’est encore le contrepoids, la répartie qui permet d’atteindre un équilibre dans la discussion comme dans la vie. La balance, c’est aussi l’hésitation, les alternatives entre lesquelles le cœur oscille. Et puis c’est surtout la mesure, dont nous avons plus que jamais besoin dans ce monde à l’équilibre précaire. Que celui-ci se rompe et tout balance, tout se renverse. Il en faut peu pour faire pencher le fléau (qui n’est pas une calamité mais la barre horizontale sur laquelle reposent les plateaux) d’un côté ou de l’autre. Quelques mots, limités par l’usage social, suffisent à détruire l’équilibre. Pour donner du poids à des accusations, à de lourds soupçons. Quand on balance, c’est que l’on ne peut plus faire autrement, dit-on. Que la nécessité fait loi. La Loi, avec un grand L, s’efface alors devant l’urgence et la nécessité. On lance l’alerte, on balance les faits, on dénonce les coupables, on arrête les dommages. Qui peut se plaindre de la cessation d’une injustice ? Qui peut prétendre qu’il ne faut rien changer face à la violence ? Personne, bien sûr. À condition que l’accusé ait la possibilité de se défendre avec les mêmes moyens que l’accusation. Encore une question d’équilibre dont nous savons tous qu’il s’agit du fondement de notre démocratie. Ce n’est pas pour rien que le symbole de la justice est une balance.