L'être et le mélange
Je suis juif. Je suis juif parce que ma mère était juive et avant elle ma grand-mère et bien d’autres de mes ancêtres. Je suis haïtien. Parce que mon père l’était et qu’à l’âge de 18 ans, j’aurais pu choisir cette nationalité. Mais je suis français. Parce que je suis né à Neuilly sur Seine, que j’ai vécu toute ma vie dans ce pays, que ma culture est la sienne, que son drapeau est le mien et que j’y ai rempli mes obligations militaires (enfin en partie, parce que j’ai été réformé au bout de 6 mois, mais c’est une autre histoire…). Je suis aussi laïque et athée. Je ne crois en aucun dieu ni aucune divinité, juste en la chance et j’en ai eu beaucoup jusqu’à présent. Notamment celle de ne pas subir la guerre, le racisme et l’antisémitisme contrairement à la plupart de mes aïeux. Pourquoi écris-je cela aujourd’hui ? Parce que nous vivons des temps extrêmes et dangereux et que j’aimerais que mes enfants – et les vôtres - soient aussi chanceux que moi. Parce que l’on ne peut rester sans s’interroger sur ce que nous sommes et sur ce que nous voulons être, personnellement et collectivement. Parce que je peux, dans cette tribune dominicale, m’exprimer de manière plus nuancée que sur Facebook (et encore plus que sur X sur lequel je n’ai jamais été très prolixe, même à l’époque de l’oiseau bleu). J’écris cela parce que depuis que nous avons tous – en tout cas tous ceux que je compte parmi mes amis — affiché le fait que nous étions Charlie, c’est devenu un réflexe que de dire, ou de copier-coller, « Je suis », suivi de la victime du moment. Or nous savons également tous, que rien n’est si simple même si c’est beau, sincère et émouvant. Nous vivons dans un monde de signes mais surtout dans un monde complexe et de plus en plus incertain. Les mots, les phrases et les écrits n’en sont que plus importants. Ah oui, je suis con aussi. Mais ça, je ne le dois à personne d’autre qu’à moi-même. Et puis on est toujours le con d’un autre.