Sexiste le secteur du jeu vidéo ?
Selon les premières estimations du Syndicat national du jeu vidéo communiquées à l'AFP avant leur présentation le 12 décembre au groupe d'études sur le jeu vidéo à l'Assemblée nationale, la proportion de femmes est en légère hausse par rapport à 2017, après trois années de baisse : 13,5% des effectifs des studios de développement de jeux vidéo en France. Première explication de la faible part des femmes : dans les écoles qui forment aux jeux vidéo, elles représentent moins d'un quart des étudiants. « C'est à la fois une industrie créative et une industrie de la tech et donc un double fardeau pour les femmes qui ont du mal à évoluer dans ces milieux », analyse Audrey Leprince, fondatrice de l'association Women in Games qui a mobilisé 900 membres en un an, dont beaucoup d'étudiantes. Selon Christine Burgess-Quémard, directrice exécutive des studios d'Ubisoft, qui comptent 21% de femmes, la formation de créatrices de jeux « va prendre du temps », tout comme le démontage des stéréotypes sexistes. « C'est bien de réussir à injecter plus de femmes dans le secteur, mais il faut faire en sorte qu'elles y restent en instaurant un climat "safe" dans les entreprises, pour éviter de reproduire l'ambiance "vestiaires" qui y règne », relève Clémentine Plissonnier, conceptrice de jeux qui a rejoint l'association « le Rassemblement inclusif du jeu vidéo » après plusieurs expériences dans des équipes masculines.
Les héros de jeux vidéo sont des hommes blancs d'une trentaine d'années
Selon l'organisation américaine Feminist Frequency qui étudie chaque année la représentation des femmes dans les meilleures ventes, 8% des jeux recensés en 2018 sont construits principalement autour d'un personnage féminin contre 24% autour d'un personnage masculin. Le reste étant mixte, ou articulé autour de personnages dont le genre n'est pas défini. « Les héros de jeux vidéo sont à l'image de leurs créateurs : majoritairement des hommes blancs d'une trentaine d'années. Mais les joueuses sont de plus en plus nombreuses et veulent des personnages qui leur ressemblent », résume Clémentine Plissonnier. Selon le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs, les femmes représentent 47% des joueurs français, un chiffre qui comprend toutefois autant les jeux mobiles comme Candy Crush que les jeux de combat. « Le marché est demandeur de plus de mixité », affirme Fanny Lignon, directrice de l'ouvrage « Genre et jeux vidéo ». En témoignent, selon elle, les records de ventes du dernier opus d’« Assassin's Creed » (Ubisoft) qui « propose un personnage féminin complet » et affiche dès l'introduction que le jeu a été conçu par une équipe «multiculturelle aux croyances plurielles, aux orientations sexuelles différentes et aux identités de genre variées». Pour Muriel Tramis, pionnière du jeu vidéo dans les années 1980 et première femme à avoir reçu la légion d'honneur dans cette discipline, les éditeurs ont une responsabilité : « à partir du moment où il y a une interaction, il doit y avoir un accompagnement et une volonté d'éduquer les joueurs ». (avec l'AFP)