Laurent Solly (Facebook) : "la crise a révélé le rôle essentiel que jouent les entreprises dans l’apport de solutions"
Toujours confiné et toujours au travail, CB News poursuit ses rendez-vous matinaux avec les acteurs de la communication qui font face à la crise. Rendez-vous ce matin avec Laurent Solly, vice-président Southern Europe de Facebook.
Comment allez-vous ? Et comment vont les équipes ?
Bien, merci ! Je suis confiné à Paris, en famille. Les équipes de Facebook se portent bien et travaillent beaucoup pour continuer d’accompagner nos partenaires pendant cette période inédite. Nous avons la chance de pouvoir continuer de travailler, à distance. Le moral est positif même si nous sommes bien sûr impatients de retrouver nos collègues, équipes et clients. La crise n’impacte pas tout le monde de la même manière. J’ai une pensée particulière pour les personnes qui souffrent de la perte d’un être cher, de l'éloignement avec leurs proches, de ceux aussi dont la stabilité financière a été durement touchée par la crise. En parallèle, de belles choses ont vu le jour pour faire face à cette crise. Je tenais à féliciter et remercier toutes les personnes mobilisées qui ont œuvré à sauver des vies, à assurer le fonctionnement du pays. Il y en a beaucoup, je suis heureux d’avoir vu naître d'innombrables initiatives de soutien et d’entraide sur nos plateformes.
Comment Facebook France a-t-elle affronté ce tsunami sanitaire ?
Les entreprises ont un rôle essentiel à jouer dans cette période, et elles seront aussi celles qui aideront à assurer la relance économique du pays. Chez Facebook, nous avons mobilisé l'ensemble des équipes pour répondre aux nouveaux besoins des utilisateurs, des organismes mondiaux de santé, des entreprises et des associations. Nous avons concentré nos efforts sur 4 priorités : assurer le relais d’informations officielles, nourrir le lien social, apporter du soutien aux organisations en première ligne et enfin accompagner les petites et moyennes entreprises dans le maintien de leur activité.
En premier lieu, notre responsabilité est de relayer les messages et les recommandations sanitaires officielles, et ainsi permettre à nos utilisateurs d'accéder à une information vérifiée. Pour cela, nous avons lancé deux chatbots, sur WhatsApp et sur Messenger en partenariat avec le gouvernement. Nous avons également créé un centre d’informations “Covid-19” sur Facebook qui rassemble des conseils et des recommandations pour se protéger du virus. Ce sont plus de 2 milliards d’utilisateurs, soit la quasi-totalité des personnes sur Facebook, qui ont été dirigés vers ces informations. Pour nourrir le lien social et soutenir l’activité des artistes, mais aussi des institutions culturelles durement affectées par cette crise, nous avons lancé #ensembleàlamaison, une initiative qui fédère et partage des contenus vidéo inédits en Live sur la page de Facebook France. Depuis le début du confinement, et grâce à l’accompagnement de nos équipes, ces acteurs ont créé plus de 4 600 contenus sur Facebook, qui ont généré près de 10 millions d’interactions.
Chaque jour, nous soutenons aussi des initiatives solidaires qui ont besoin de bénévoles ou de la visibilité, à travers notre initiative française #EnsembleSolidaires. Je prends l’exemple de la communauté “Les logements solidaires”, qui met en relation le personnel soignant et des propriétaires. Avec notre aide, le groupe a pourvu l’ensemble des 850 logements qui étaient disponibles. Enfin, nous renforçons nos efforts sur l’accompagnement des TPE et PME françaises dans le maintien de leur activité. La crise du COVID-19 a engendré un ralentissement, voire un arrêt total d'activité pour la plupart de ces entreprises. Par conséquent, nombre d’entre elles se retrouvent face à des défis abyssaux, et toutes sont confrontées à une nouvelle réalité : celle de l'accélération de la transformation numérique. Pour cela, nous avons créé un centre de ressources en ligne leur étant dédié qui comprend des formations et des ressources gratuites pour toutes les entreprises. Nous allons poursuivre et renforces ces actions dans les prochaines semaines.
Quels services spécifiques ont été mis en place pour les utilisateurs ?
Nous avons concentré notre travail sur 2 actions. La première, je le mentionnais, fut de créer des initiatives visant à soutenir le lien social dans notre pays confiné, et mettre en avant des initiatives de solidarité locale et nationale. Ensuite, nous avons développé de nouveaux produits, et ce, de manière extrêmement rapide afin de répondre à un besoin de lien social très fort. C’est pourquoi nous avons étendu les fonctionnalités du Live, par exemple en permettant aux utilisateurs d'effectuer une donation pour les causes qui leurs sont chères au cours d’un Facebook Live. Afin de faciliter les discussions à plusieurs, nous avons élargi le nombre de participants à 8 pour les appels vocaux et vidéo sur WhatsApp. Enfin, nous avons lancé “Messenger Rooms”, un nouvel espace de discussion qui permet d’interagir plus facilement avec des amis, des proches et des personnes qui partagent vos centres d’intérêt. Nous allons prochainement étendre cette fonctionnalité à Instagram, WhatsApp et Portal.
Quelles mesures ont été instaurées pour lutter contre les rumeurs ?
Dès le début de la crise, nous avons pris des décisions fortes pour lutter contre les fausses informations et ainsi garantir la sécurité de nos utilisateurs. Cela constitue l’un des piliers essentiels de notre action face au Coronavirus. Sur Facebook et Instagram, nous supprimons toute fausse information qui pourrait représenter un risque réel pour la santé de nos utilisateurs, comme par exemple, des affirmations selon lesquelles l’eau de Javel permettrait de guérir du virus, ou encore des théories selon lesquelles les jeunes sont immunisés contre le Covid-19. Pour les autres fausses informations, nous les faisons vérifier dans un premier temps par un partenaire fact-checker. Si un contenu est considéré comme faux, nous réduisons considérablement sa visibilité et affichons un message d’avertissement dessus. En mars, sur Facebook, nous avons affiché des avertissements sur plus de 40 millions de publications, sur la base de 4 000 évaluations de nos partenaires fact-checkers. En parallèle, Facebook a étendu son réseau de fact-checkers. Nous travaillons désormais avec plus de 60 organismes tiers dans plus de 50 langues. Nous avons noué un partenariat avec l’International Fact-Checking Network et lui avons fait don de 1 million de dollars de subventions afin d’accroître ses capacités pendant cette période. Enfin, nous poursuivons nos efforts en matière de pédagogie à travers le lancement récent d’une nouvelle initiative de sensibilisation sur Facebook et en partenariat avec l’AFP. Nos utilisateurs peuvent désormais découvrir une série de vidéos éducatives sur la manière dont on retrace l’ADN d’une fausse information, de sa création à sa diffusion, et explique le travail des vérificateurs d’informations de l’AFP. Les premiers résultats sont encourageants : les vidéos de l’AFP ont déjà été vues plus de 4 millions de fois et ont généré plus de 200 000 interactions en l’espace de quelques jours.
Y aura-t-il des leçons que vous pourrez tirer pour l’avenir ?
La crise du coronavirus, par sa vitesse et son ampleur mondiale sans précédente dans l'histoire, a fait émerger de nouveaux usages, qui, je le crois, vont s’inscrire de manière permanente. Ces usages vont représenter de nouvelles opportunités pour les marques et les entreprises. Tout d’abord, la conséquence la plus évidente de cette crise est celle de l'accélération du numérique. Le coronavirus a considérablement réduit les barrières liées à l'adoption des technologies et a ainsi accéléré la transformation numérique. L’essor de la télémédecine est le reflet de cette accélération. L’Assurance-maladie comptait 601 000 téléconsultations entre le 1er et le 28 mars, c’est quinze fois ce qui était enregistré en février !
Nous avons aussi observé une forte croissance de l'utilisation des messageries avec une hausse de 50% des messages échangés sur Messenger et WhatsApp. D’ailleurs, les entreprises se les sont appropriées afin d’y promouvoir leurs produits et maintenir le contact avec leurs clients. Carrefour par exemple a digitalisé ses catalogues sur Messenger. C’est prometteur. La crise du Covid a accéléré la croissance déjà amorcée du commerce en ligne de manière exponentielle. Désormais, plus de 31% des gens achètent en ligne des produits qu’ils achetaient habituellement en magasin (vs 16% il y a quelques semaines), et 76% passent plus de temps ou le même temps à faire des achats en ligne. Les circuits de distribution en sont les grands bénéficiaires avec plus de 2.5M de nouveaux clients pour le online avec 30% des clients -selon une étude de Kantar- qui prévoient d’y retourner.
Enfin, la crise a révélé le rôle essentiel que jouent les entreprises dans l’apport de solutions, mais aussi comme contributrices indispensables à la société. Les Français en sont conscients et pour 58% d’entre eux, le pays ne sortira de cette crise que si les entreprises jouent un rôle majeur dans la résolution des problèmes actuels, selon la même étude. Dans ces circonstances, l'accélération de la transformation numérique représente une vraie opportunité pour toutes les entreprises françaises. Au moment où les marques devraient mettre tous leurs efforts sur l’interaction et la proximité, elles se taisent. Pourtant il est plus nécessaire que jamais d’inventer de nouvelles formes d’expression, entretenir le dialogue et faire preuve de créativité. Chiche !