Ioana Erhan (LinkedIn MS) : “il faut miser sur des campagnes qui font appel aux émotions”

Ioana Erhan

Ioana Erhan, directrice de LinkedIn Marketing Solutions pour la France et l’Italie.

(© DR)

La directrice de LinkedIn Marketing Solutions pour la France et l’Italie Ioana Erhan présente en exclusivité à CB News l’étude LinkedIn B2B Benchmark.

Les enjeux du secteur, les nouvelles stratégies publicitaires et les évolutions technologiques sont dévoilés en amont des Cannes Lions (17-21 juin).

CB News : Où en sont les stratégies marketing dans le secteur B2B ?

Ioana Erhan : Depuis plus de 100 ans, la publicité redouble d’efforts pour créer, développer, susciter des émotions chez un individu - et travailler donc la relation marque-consommateur. Nous disposons aujourd’hui d'un écosystème médiatique complet qui vise à atteindre et à engager une personne pour déclencher l’acte d’achat. Mais nous manquons encore de connaissances exhaustives sur l’acte d’achat d’une entreprise : comment susciter l’envie ? Comment déclencher un acte d’achat pour un logiciel CRM, IA, RH ou de paie ? Lorsqu'il s'agit de comprendre les émotions qui motivent la prise de décision d’un achat en entreprise, le B2B peut s’avérer être une boîte noire. Le secteur de la publicité n’a pas encore totalement réussi à « craquer le code » sur le sujet. Nous restons parfois dans une logique de campagne et de ciblage d’un individu spécifique. Or, c’est bel et bien ici que réside toute la différence entre le B2C et le B2B : il va falloir convaincre et mettre d’accord entre 6 et 10 êtres humains, qui sont tous très différents.

CB News : Vous parlez de 6 à 10 décideurs dans le processus d’achat en entreprise. Ce nombre est en hausse ces dernières années, comment l’expliquez-vous ?

Ioana Erhan : Pour les entreprises qui vendent des solutions ou des services B2B, sur 100 % d’acheteurs potentiels, 95 % ne cherchent pas à acheter dans l'immédiat. La décision est la plupart du temps collégiale puisque que nous sommes sur des budgets conséquents, qui vont avoir un impact pour l’ensemble des collaborateurs. Cette complexité s’est accélérée depuis la pandémie : il était question de convaincre entre 4 et 6 personnes en 2020. Ce chiffre a aujourd’hui presque doublé pour atteindre parfois 10 personnes. Par exemple, si je suis une entreprise qui propose un logiciel IA, je souhaite atteindre mes acheteurs cibles, autrement dit des directeurs de l’informatique, de l’innovation voire même du marketing qui vont être intéressés par les fonctionnalités permises ou le potentiel de transformation pour l’entreprise. Mais en plus d’eux, il sera nécessaire de convaincre les acheteurs prescripteurs que sont les directeurs logistiques, financiers, RH ou juridiques qui vont être intéressés par le sujet d’atténuation des risques organisationnels.

CB News : Selon l’étude, il est essentiel à l’avenir de créer une « confiance collective » avec les comités d’achat des entreprises. Qu’est-ce que cela implique ?

Ioana Erhan : Nous sommes convaincus qu’il sera nécessaire de miser sur des campagnes de marque et de notoriété qui font appel aux émotions. La notoriété auprès d’un groupe d’acheteurs sera souvent plus importante que la qualité d’un produit, un produit moins onéreux ou un produit défendu avec passion par quelques experts. C’est la raison pour laquelle certaines marques B2B sortent du lot - je pense notamment au secteur du cloud où les 3 premiers acteurs ont très bien compris l’importance d’investir dans des campagnes de notoriété : preuve en est, à elles 3, elles détiennent 67 % des parts de marché. D’ailleurs, selon notre étude, près des trois-quarts des responsables marketing en France (73 %) déclarent s’être concentrés sur le développement de campagnes créatives plus audacieuses au cours de l’année passée - 61 % affirmant que cela a permis d'améliorer l'engagement et les conversions.

CB News : L’intelligence artificielle (IA) s’est largement diffusée dans les usages marketing. Quelles attentes en ont les responsables marketing ?

Ioana Erhan : Nous avons pu observer que l’utilisation de l’IA commence cette année à faire partie intégrante du quotidien des spécialistes du marketing. Dans le monde, ils sont ⅔ à utiliser cette technologie dans le cadre de leurs activités. En France, ils sont 67 % - devant leurs collègues allemands (66 %) et suivis de loin par les Américains (56 %) ! L’« intelligence artificielle » est la compétence digitale qui connaît la croissance la plus rapide chez les directeurs marketing du monde entier (sur la base de l’ensemble des compétences ajoutées sur leur profil LinkedIn). Les spécialistes du marketing souhaitent éminemment accroître le retour sur investissement de leurs campagnes. En France, 44 % d’entre eux affirment que l’IA les a aidés à accélérer la production et la création de leurs contenus et 40 % à améliorer leur productivité. En somme, l’IA a clairement de beaux jours devant elle dans l’industrie du marketing.

CB News : Votre étude porte sur plusieurs pays. Notez-vous des spécificités françaises ?

Ioana Erhan : Alors qu’on pense souvent les Français plus pessimistes que les autres - il n’en est absolument rien dans le cadre de notre étude ! Les responsables marketing français s’inscrivent clairement dans les moyennes mondiales : 85 % des directeurs marketing B2B français sont confiants dans leur capacité à générer du chiffre d’affaires dans l’année à venir (vs moyenne mondiale de 88 %), devant les Allemands (84 %) mais aussi les Brésiliens (84 %). 68 % d’entre eux prévoient une augmentation de leur budget, au même niveau que leurs homologues américains, et devant, de nouveau, les Allemands (67 %). Enfin, et surtout, ils semblent bien plus avancés en termes d’utilisation d’IA que certains de leurs homologues étrangers : 66 % des responsables marketing dans le monde utilisent des outils IA dans le cadre de leurs activités. En France, ils sont même 67 %, devant leurs collègues allemands (66 %) et suivis par les Américains (56 %).

CB News : Vous lancez une série d’outils pour aider les décideurs. Pouvez-vous me dire quelle a été votre stratégie d’offre ?

Ioana Erhan : Pour accroître le retour sur investissement de leurs campagnes, nous proposons la solution Accelerate qui sera disponible pour l’ensemble de nos clients, agences et annonceurs, d’ici la fin de l’été en France. Concrètement, en moins de cinq minutes, il est possible de recommander une campagne de bout en bout et des optimisations automatiques pour atteindre le bon public, avec des créations engageantes. Nous annonçons l’extension des fonctionnalités de cette solution, disponibles depuis le campaign manager pour élaborer des campagnes créatives avec Microsoft Designer et pour affiner le ciblage en excluant des listes d’entreprises et de tiers. Pour maximiser l’engagement des différents décideurs dans le processus d’achat, nous avons lancé notre format Thought Leadership Ads qui met en avant avant les prises de parole des dirigeants, employés et experts. Et avec le lancement de The Wire Program, nous offrons une possibilité pour les annonceurs de favoriser la mémorisation de leur marque en promouvant des publicités vidéo in-stream au sein de contenus vidéos d’éditeurs de confiance (la mise en ligne de vidéos a augmenté de 45 % d'une année sur l'autre sur notre plateforme).

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