Intelligence artificielle : l’inexorable ascension…
À l’invitation de l’IMM Paris, institut qui accompagne professionnels et organisations dans leurs enjeux d’anticipation stratégique et de transformation numérique du Groupe Mediaschool (propriétaire de CB News), nous sommes partis aux USA à la rencontre des acteurs de la révolution numérique. Dernier épisode de cette série avec un focus sur l’intelligence artificielle nouvelle frontière de la Silicon Valley.
Il est loin le temps où l’Intelligence Artificielle (IA) sortait tout droit de l’imagination débordante des auteurs de roman d’anticipation et de science-fiction. Loin, ce jour de 1950 où le mathématicien britannique Alan Turing relie pour la première fois machine et intelligence dans un article pour la revue Mind. Loin, 1955, où le terme « intelligence artificielle » fait officiellement son apparition sous la plume du mathématicien John McCarthy. Le temps a passé, les technologies n’ont cessé de progresser en mode tsunami depuis ces 30 dernières années, pour prendre toute leur place dans l’espace industriel, technique et serviciel, avant l’avènement de sa Majesté la data, lié à l’explosion du web et de son « inquantifiable » nombre de données disponibles. Car sans Data, pas d’IA pourtant théorisée depuis bien plus longtemps, qui s’en nourrit. Comme un ogre. En basculant dans le 21ème siècle, le choc est implacable. Il est d’aujourd’hui. Rien que sur les neuf premiers mois de 2017, plus d’un milliard de dollars ont été investis chaque trimestre dans l’Intelligence Artificielle aux Etats-Unis, selon une étude PwC. Un sujet et une technologie prises à bras le corps par toutes les entreprises qui comptent. Celles qui imaginent demain. Ou le crée. Et aux US, elles n’hésitent pas à sortir leur carnet de chèque bien garni pour monter en puissance et prendre le train (la fusée) d’avance pour l’IA. Si Apple rachète des sociétés spécialisées IA telles que Regaind (analyse photo), Lattice Data (dark data) ou encore Turi (machine learning), Intel n’est pas en reste lorsqu’il fait l’acquisition de Nervana (concepteur de processeur) ou Mobile Eye (capteur et caméra pour véhicules autonomes) tandis que Twitter lorgne sur Magic Pony (traitement des images), eBay sur SalesPredict (analyse prédictive des comportements d’achat), Uber sur Otto (camion autonome) ou encore GM sur Cruise (véhicule autonome). Et ce ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres. Car l’IA est partout, infuse les métiers et les secteurs d'activités, aux Etats-Unis comme ailleurs : la robotique, les ventes/marketing, les transports, la reconnaissance vocale, les bots, la santé, le climat, la cybersécurité, l’éducation…
Croissance externe et open-source…
Les géants de la tech ne s’en laissent évidemment pas compter. Ils sont tous aux aguets et se sont emparés de l’IA. Quand Google lance un TensorFlow, son outil d’apprentissage (voix et images), Facebook est à la relance avec BigSur pendant qu’Amazon met en place ses « services » IA (Rekognitio, Polly, Lex). Microsoft laisse de son côté toute sa place à DMLT (Distributed Machine Learning Toolkit) quand IBM installe SystemML. Pourtant, toutes les offres de ces « monstres » de l’IA ont un point commun : l’open-source. Ce qui permet à tout un chacun d’aussi bien pouvoir lire, modifier et même redistribuer le logiciel qui est y est déposé. Pour se racheter une virginité face aux inquiétudes que peut provoquer l’IA, cette peur de voir l’homme supplanté par la machine ? Pas vraiment, mais un peu quand même lorsque le fondateur de Tesla, Elon Musk, en agite le chiffon rouge. Mais en creux, aussi, cette idée que leurs technologies puissent devenir un standard, un incontournable. Voire même détenir le lead dans l’IA. La bataille n’est d’ailleurs plus trop celle de la technologie, mais celle des développeurs qui doivent rivaliser d’ingéniosité pour convaincre, et faire progresser encore et encore les technologies de l’IA. De quoi dénicher pas mal de talents et des nouveautés à bon compte pour les géants du web, au regard des sommes colossales dépensées.
« AI will not replace managers, but managers who use AI will replace those who don’t ». Un adage de la Silicon Valley qui traduit bien la place que prend (et prendra) l’IA. Même si la volonté de ses acteurs est de ne pas effrayer. Ni les entreprises et leurs salariés. Ni le grand public avec ce changement, aux relents de révolution dans le travail, qui voit des tâches parfois considérées comme rébarbatives se réduire à peau de chagrin avec l’aide une machine. Ainsi, IBM Watson, l’entité estampillée IA du groupe IBM, préfèrent-elle-même parler d’« intelligence augmentée ». Elle enfile ses gants (blancs) pour mettre en avant son souci de voir l’IA servir les Hommes et non les remplacer, et mettre la technologie à son service, puisque les hommes ont « l’imagination, la morale et les rêves » tandis que les technologies concernées ne sont « que » dotées d’une machine learning (apprentissage automatique). Ce qui lui permet de compiler les informations et autres datas pour apprendre à partir des cas du passé, sans même avoir été programmé pour le faire. Vite. Très vite. Tellement vite, qu’IBM Watson est d’ores et déjà en mesure de proposer aussi bien aux annonceurs qu’aux agences des contenus en adéquation avec des cibles précises et définies à partir de sa technologie IA. De même, par exemple, la société est en mesure de pouvoir, à partir de l’environnement d’une rencontre sportive (commentaire, ambiance, cris de foule), définir et mettre en exergue les moments les plus importants de l’événement pour en proposer un résumé. Sa technologie peut aussi bien proposer des bandes annonces de cinéma à partir de réactions enregistrées sur de précédentes visionnées, et définir ainsi ce qui a pu donner envie aux spectateurs de se rendre en salle pour en concevoir de nouvelles. Côté reconnaissance d’images, il y a même la possibilité de scruter l’état physique d’un sportif pour en déduire en temps réel son état de fatigue. Une aubaine pour l’adversaire du jour. Impitoyable.
Prendre acte. Dès lors, rien d’étonnant à voir les « anciens » tels Google passer du « mobile first » à l’ « AI first », selon ses dirigeants, tout comme Microsoft après l’échec cuisant de Windows Phone, qui revendique également passer ce cap de l’IA aux côtés du cloud. Fin mars, Microsoft annonçait même la création de trois nouvelles divisions en lieu et place de son organisation historique autour de Windows et de ses devices, avec la création notamment des pôles « Cloud + AI Plateform » et « AI + Research ». Si nous avions encore quelques doutes… Pendant ce temps-là, en France, le député et mathématicien Cédric Villani publiait fin mars un rapport sur l’IA, commandé par le Président de la République Emmanuel Macron qui veut faire de l’Hexagone un champion mondiale en la matière. Le député y qualifie tout de même la France et l’Europe de « colonies numériques » face à la suprématie des géants américains de la tech. La Commission européenne a pour sa part présenté cette semaine son plan qui se veut au service de ses citoyens et aux premières loges pour stimuler la compétitivité de l’Europe en IA. Dans le cadre de son programme « Horizon 2020 », elle ambitionne ainsi de porter ses investissements à 1,5 milliard d’euros pour la période 2018-2020. Et la Chine ? La Chine est là. Et bien là. Selon une étude CB Insights parue en février dernier, le pays est devenu en 2017 le premier investisseur dans les start-up liées à l’IA dans le monde, avec 48% des 15,2 milliards de dollars investis l’an passé. Les US ne représentant « que » 38%. Si en 2013, 77% des start-up IA investies étaient sur le sol américain, l’étude relève qu’elles sont aujourd’hui… 50%. Un bond en avant pour la Chine, notamment permis par son ambition politique de se voir leader de l’IA à l’horizon 2030, dans le cadre d’un vaste plan national de développement qui vise un poids économique de pas moins de 60 milliards de dollars d’ici 2025. Avec Baidu, Alibaba, Tencent ou encore Xiaomi (BATX, pour les intimes) en tête de gondole, le combat Chine-USA pour l’IA est plus que lancé. Nous sommes passés des gants (blancs) aux gants de boxe…
PS : Cette série d’articles n’aurait pas été possible sans l’invitation de l’IMM Paris, institut qui accompagne professionnels et organisations dans leurs enjeux d’anticipation stratégique et de transformation numérique du Groupe Mediaschool (propriétaire de CB News), et de sa directrice générale Rosa Luna Palma. Sans, non plus, Pierre Varrod, son directeur des contenus, et l’accueil et l’écoute des 34 membres présents de sa promotion 2017-2018 lors de ce voyage d’études aux Etats-Unis. Qu’ils en soient ici tous vivement remerciés.
- Les 4 autres articles de la semaine dédiés au marché américain :
Intelligence Artificielle : Persado ou le Scrabble pour les marketers