La France, véritable terrain d’investissements dans les centres de données

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Quatre milliards d'euros par Microsoft, 1,2 par Amazon annoncés en mai... La France cumule les investissements dans des centres de données, au cœur de l'économie numérique, sans être confrontée jusqu'à présent à l'opposition rencontrée ailleurs.

A La Courneuve, au nord de Paris, trône le Paris Digital Park, vaste centre de données aux airs de stade de foot. C'est l'un des 70 data centers entourant la capitale française, qui représentent presque un tiers des 250 centres de données de l'Hexagone (contre plus de 2.000 aux Etats-Unis). "La région parisienne, c'est le quatrième hub mondial d'échanges de contenu", explique à l'AFP Fabrice Coquio, président de l'entreprise américaine Digital Realty France, qui gère le Paris Digital Park. Dans la capitale, l'industrie des centres de données pèse 1,2 milliard d'euros, selon le cabinet spécialisé Structure Research. Après une première vague nourrie par l'informatique à distance (cloud), le boom de l'intelligence artificielle (IA), qui nécessite d'immenses capacités de calcul, devrait alimenter "une deuxième vague" de développement des data centers, selon M. Coquio. D'après Jérôme Totel, de la société française Data4, il n'y a pratiquement pas de centre de données adapté à l'IA en France à l'heure actuelle. En 2030, la capacité des centres de données français devrait toutefois être multipliée par deux, avec au moins 30 à 40% d'entre eux dédiés spécifiquement à l'intelligence artificielle, d'après un récent rapport de France Datacenter, association professionnelle du secteur.

Cette expansion devrait inévitablement accaparer des terrains et de l'électricité. "On va quasiment doubler la consommation électrique des centres de données en France dans les quatre ans qui viennent", estime M. Coquio. Ces tensions sur le foncier et le réseau électrique ont poussé Amsterdam et Dublin à rendre plus stricte l'attribution des autorisations d'implantation, tandis que la ville de Francfort a édicté de nouvelles règles en matière d'urbanisme et d'énergie. Des manifestations ont aussi eu lieu aux Pays-Bas et dans l'Etat de Virginie, aux Etats-Unis, centre névralgique du cloud mondial avec sa fameuse "Data center alley", où sont stockées une large part des données informatiques internationales. En France, les oppositions à l'installation de nouveaux centres de données restent sporadiques. En 2021, la filiale dédiée au cloud d'Amazon, AWS, a tout de même dû renoncer à son projet de data center à Brétigny-sur-Orge (Essonne), au sud de Paris, en raison d'une forte réticence locale et d'un refus de la préfecture. "Les manifestations ont existé et existent toujours mais sont très ponctuelles et isolées", confirme Clément Marquet, chercheur à la prestigieuse école d'ingénieurs des Mines. Pour lui, les oppositions sont limitées aux territoires concernés et ceux qui ont essayé d'élargir la question aux problèmes environnementaux ont "échoué à rassembler des soutiens et ont fini par abandonner".

Si la France attire les géants du numérique, c'est aussi du fait de "l'engagement de longue date de la France envers une énergie décarbonée", en grande partie alimentée par son parc nucléaire, qui rend "plus facile d'investir en France pour ce type d'entreprise que dans d'autres pays", avait affirmé en mai à l'AFP le président de Microsoft, Brad Smith. La France est également plus grande que les Pays-Bas ou l'Irlande, avec davantage de terrains disponibles et un réseau électrique moins sollicité. Par ailleurs, la loi française contraint en grande partie les entreprises du secteur à construire leurs nouvelles infrastructures sur des espaces déjà utilisés à des fins industrielles.

Mais cet équilibre pourrait basculer. Avant les élections législatives anticipées de juin, le gouvernement travaillait à un projet de loi accordant aux entreprises installant des data centers le statut de "projet d'intérêt national majeur", permettant administrativement une implantation plus rapide. Mais, "sur le long terme, nous devons penser aux conséquences écologiques de la croissance numérique en général", plaide Clément Marquet, appelant les gouvernements à consacrer plus d'efforts à la planification.

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